
http://www.resilience-psy.com ! Avril 2008
"Rompre la loi du silence “Le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle qu’on fait contre le destin qui nous est imposé” Albert Camus
Ghada, l’héroïne du premier roman de Roula Azar Douglas, a douloureusement échoué dans cette quête. Mariée à Pierre, deux enfants, elle va vivre une tragédie dont elle pourra difficilement se relever, celle de la violence conjugale. Roula Azar Douglas, dans son roman “Chez nous, c’était le silence“, s’inspire de l’histoire d’une amie libanaise pour dénoncer le calvaire quotidien que vivent certaines femmes au sein de leur couple. Harcelées, battues, humiliées, tétanisées par un mari agressif, violent, parfois pervers, elles vivent un enfer au quotidien, mais trop souvent elles ne disent rien, se résignent, acceptent leur sort. Pourquoi? pourquoi Ghada, malgré sa conscience, sa souffrance et l’exhortation de sa soeur, reste-t-elle aux côtés de cet homme violent et dominateur? Parce qu’elle a peur des représailles, peur pour ses enfants. Au Liban, le père a quasiment tous les droits sur les enfants, elle veut continuer à les élever comme dans une famille normale. Parce qu’elle est démunie, elle n’a pas de profession, elle est complètement dépendante de son mari économiquement. Parce qu’elle est fragilisée, inhibée par ce qu’elle vit tous les jours. Parce qu’elle est à bout de force: elle met toute son énergie à minimiser les tensions pour protéger ses enfants de la violence gratuite de son mari et de la violence aveugle de la guerre civile. Parce qu’elle a perdu toute confiance en elle, elle se sent même parfois coupable de ce qui lui arrive, elle a honte. Parce qu’elle veut respecter la promesse qu’elle a faite à son père de ne pas briser son foyer pour la réputation de la famille: c’est déshonorant dans une famille libanaise de quitter son mari. Pour toutes ces raisons elle ne peut pas partir, elle ne s’autorise pas à partir. Ainsi elle creuse son malheur et elle conforte son mari dans sa brutalité. Roula nous fait vivre par une écriture simple et délicate les douleurs, les tourments et les émotions de Ghada.
En mélangeant réalité et fiction, elle veut rompre la loi du silence sur ce problème social mais également donner aux femmes qui subissent cette violence conjugale la force de se battre contre leur destin d’épouses maltraitées. Objectif réussi ! Le livre est touchant et donne envie de vous le partager. Le lire, en parler c’est lever un peu le voile sur un problème trop souvent nié au Liban, comme dans d’autres pays d’ailleurs. La tradition et la religion régissent les règles familiales et empêchent l’institution d’un mariage et d’un divorce civils. Les hommes conservent une place dominante, l’honneur et la réputation de la famille sont trop souvent évoqués pour garder le silence. Les femmes sont donc démunies : où trouver un refuge ? Comment se séparer de son époux violent ? Comment faire valoir ses droits à la garde des enfants ? Comment garder sa maison ? Comment vivre et élever ses enfants ? Si la lutte contre la violence passe en partie par l’éducation, il faudrait avant tout que la loi enfin protège les victimes et permette de condamner et de sanctionner les hommes responsables de sévices. Mais les femmes concernées doivent trouver le courage de les dénoncer. Et ce n’est pas facile ! Vous pouvez trouver ce livre à Paris à l'Institut du monde Arabe : Chez nous, c'était le silence de Roula Azar Douglas
Article paru dans l'Orient Litteraire du 6 mars 2008
Chez nous, c’était le silence de Roula Azar
Douglas, Beyrouth, Dergham, 2007, 176 p.
Ce n’est pas un roman conventionnel
que celui de Roula
Azar Douglas, mais une vie,
réelle, concrète, authentique, qu’elle
raconte, avec des mots aussi concis
que denses. Le témoignage révèle un
talent exceptionnel d’écrivain dans
un Orient ballotté entre tradition
familiale rigide et postmodernité
de façade. On ne
peut s’arrêter aux descriptions
poignantes de
la condition de Ghada,
femme « mariée » à 19
ans, violentée par son
mari, et pourtant déterminée
à maintenir le
lien familial. Le récit incite
à des réflexions fort
actuelles sur la condition
féminine dans des
sociétés traditionnelles,
mais aussi sur d’autres
dérives actuelles dans
le mariage, le droit
des enfants à une vie
de famille, et plus généralement sur
l’amour.
Au-delà de la violence conjugale, comme
on en lit dans des livres récents, le
roman de Roula Azar Douglas pose en
termes fort simples la problématique
d’aujourd’hui d’une humanité techniquement
développée, mais sans âme,
où la structure familiale se trouve disloquée
au nom de l’amour. Ailleurs,
une autre humanité, celle de Ghada,
violentée, va apprendre péniblement à
« s’assumer ». Il y a aujourd’hui dans
des sociétés traditionnelles des mariages
sans amour, alors qu’ailleurs,
dans des sociétés libéralisées, se développent
des amours, au pluriel, sans
mariage et hors mariage.
Quel talent de romancière que celui de
Roula Azar Douglas, talent qu’elle devrait
désormais orienter encore vers la
biographie tant son récit est spontané,
concret, attentif au détail. Un témoignage
authentique qui, partout, vous
donne la sensation tangible du vécu.
Témoignage qui progresse, avec plein
de surprises, bien que la condition de
Ghada soit routinière et, du moins
dans l’avenir, prévisible, sans issue.
Le récit est par endroit si étouffant,
pire que le spleen romantique
de Baudelaire,
au point que le
lecteur a parfois envie
d’arrêter la lecture.
Mais le lecteur devient
si concerné par le sort
de Ghada, ses deux
enfants, ses hésitations
épisodiques entre
le suicide, le départ,
les diverses formes de
soumission… et la soif
d’un regard attendri et
authentique de Pierre !
Il ne s’agit pas seulement
de l’histoire d’une femme victime
de violence. Au-delà du « lourd
et pénible silence » (p. 37) pointe une
profonde spiritualité, celle plutôt de la
romancière elle-même. On l’entrevoit
à travers des interrogations poignantes
: « Où est passée ta dignité ? » (p.
11) ; « Baisse ta voix, les voisins… »
(p. 11) ; « Pleurer doucement, presque
sans bruit » ; « Tu sais que je fais
cela pour les enfants » (p. 12) ; « Elle
ne peut en aucun cas être responsable
de l’éclatement de sa famille » (p.
13) ; « Ce n’est pas une peluche ! C’est
Fanny ! » (p. 28) ; « Ils ne faut pas que
les enfants la voient dans cet état »
(p. 33)… Il y a aussi des expressions
cruelles : « Ses enfants sont des bouches
à nourrir et des factures à payer »
(p. 36)...
Je trouve admirable la capacité de discernement,
au sens de saint Ignace de
Loyola, de Roula Azar Douglas. Il y a
d’un côté la situation suivante : « Chez
nous, il n’y a jamais eu de scandale »
(p. 38) ; « Une femme de bonne famille
ne quitte pas son foyer » ; « Ne
brise pas ta famille » (p. 81) ; « Ta famille
est ta raison d’être » (p. 39) ; et
la fidélité au père de Ghada « qui vivait
dans une autre époque » (p. 71) et
le souci des enfants qui ont « le droit
d’avoir une vrai famille ». Quand on
pose à Ghada la question : « Vous êtes
sa femme ? » Roula Azar écrit : « La
jeune femme hoche affirmativement sa
tête » (pp. 117-118). Réponse par un
geste qui cache le lourd silence. André
Gide écrit à propos d’une relation qui
devait être fort affectueuse : « À force
de silence, nous avons fini par nous
entendre ! »
Toute la densité spirituelle du roman
réside, non dans une libéralisation
féminine préjudiciable à des valeurs
dites traditionnelles, ni dans une soumission
esclavagiste au contrôle des
« voisins ». Il s’agit plutôt « d’assumer
». Or « Ghada n’est pas encore
capable de s’émanciper ni de s’assumer
». Claquer la porte, partir, répondre
plus positivement au regard attendri
de Pierre…, cela ne résout pas le
problème actuel bien plus profond,
et à la limite tragique, de la stabilité
familiale, de l’amour partagé et responsable,
et du droit élémentaire des
enfants à une vie de famille.
De cet univers sans humanité, on sort
avec la certitude que « rien se sera
plus jamais comme avant. Quelque
chose a changé… Définitivement elle
a changé… Se battre pour y arriver. »
Antoine MESARRA
Paru dans Elle Oriental de Mars 2008
L’implacable combat d’une femme pour la vie, de Roula Azar Douglas
Un parfum d’une grande finesse. Et pourtant un bouquin de violences : le roman de Roula Azar Douglas n’est pas banal. Inspiré par la vie d’un couple déchiré et par la guerre, il tient en haleine le lecteur tiraillé entre souffrance et espoir. L’histoire de la guerre du Liban (1986), sans concession, Roula la raconte avec sobriété. Avec ses scènes d’atrocité, comme pour exorciser ce démon libanais. Histoire d’une femme battue par un énergumène qui cogne aveuglement, qui blesse la chair, qui humilie. Gratuitement. Histoire d’une societe. De ses tabous. D’une femme qui se cache pour pleurer. Une loi du silence qui l’enterre vivante. Un champ de ruine qui, in extremis, débouche sur la perspective de retrouver le bonheur. Un ton incisif, volontaire. A l’image de Roula Azar Douglas (journaliste à « Magazine »).
* Editions Dergham.
JL Prévost
Article paru dans alseyassah le 13/1/2008
الثقافية
اللبنانية العائدة من الاغتراب أصدرت "الصمت مخيما" بالفرنسية
رولا عازار تطلق صرخة- رواية ضد وحشية الحرب وتعنيف النساء
بيروت / ليندا عثمان:/ تهدي الروائية اللبنانية الاصل الكندية الجنسية رولا غازار دوغلاس روايتها الجديدة بالفرنسية "عندما كان الصمت مخيماً" Chez Nous C etait Le Silence إلى الأهل والأبناء والزوج والأحبة, وإلى كل من أصابته الحرب بشظية من شظايا الوجع والألم والخوف والسفر والهروب من العنف, إلى النساء اللواتي تضررن من العنف المنزلي والجسدي, وإلى كل من عاش في لبنان واختبأ في أروقة الزوايا والملاجئ وهرب إلى الأحراج والضياع المنسية.رولا عادت أخيراً من الغربة لتستقر في لبنان وتعمل في الصحافة الاجتماعية والتحقيقات الميدانية. اختارت الواقع اللبناني السائد وتحديداً العنف الذي يحط رحاله والحزن والتعاسة والمرارة ليكون أساس توجهها الروائي, متسائلة: هل ستتكرر الدراما الإنسانية التي عاشها لبنان في الحرب الأهلية. وفي العام 1986, نظرت إلى الجرحى على كرسي الآلام والقتلى بحسرة ووجع رافضة أن تتكرر هذه المأساة مذكرة بأن العنف لا ينفع السلام والعالم إذا لم يحتضن البشر لا يستطيع البقاء.أحداث الرواية تدور في لبنان خلال العام 1986, البطلة »غادة« سيدة منزل ووالدة في ربيع العمر تعيش مأساة مزدوجة: وحشية الحرب من جهة وعنف زوجها من جهة أخرى. غادة تعاني الأمرين, فهي أسيرة المجتمع وأسيرة وعد قطعته على أبيها, إلى أين?في الرواية نرى الكاتبة تصر على تغيير الأشياء (الغلط) في المجتمع, وقد اقتربت كتاباتها من الشعر لكنها لم تمارسه, حاولته مراراً لكن الكتابات الإنسانية داخل السرد الروائي الواقعي أخذتها إلى عالمها. من الصحافة جاءت لتقول أنها تحاول إضاءة شمعة, فلونت الوقائع والحالات خصوصاً الحالات الفطرية والمجردة, والتي تتسم بنقاء الأشياء وصميمها كما تقول والتي لا لبس فيها. الحالات التي تتسم برصد الحس الأول والذبذبات التي يحدثها, هذا الأمر غالباً ما أوقعها في الذاتية, لكنها ذاتية مقصودة, في جزء كبير منها "أنا أؤمن بأني كلما اقتربت من الخاص أقترب من الإنساني, وكلما ارتدت إلى داخلي أراني وقد انفتحت على الآخر, الإنسان, ما زلت أحاور ذاتي وآخذها بعيداً بعيداً في محاولة للكشف عن هواجسها, أحلامها, مخاوفها, آلامها وأفراحها, في محاورة أعتبرها مشروعة, ويجب أن لا تتقيد بمرحلة معينة من مراحل التطور التي تمر بها التجربة الروائية وليس لها علاقة بنضج الكاتب من عدمه.
Commentaire sur casadei.blog.fr
Rompre la loi du silence
“Le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle qu’on fait contre le destin qui nous est imposé” Albert Camus
Ghada, l’héroïne du premier roman de Roula Azar Douglas, a douloureusement échoué dans cette quête. Mariée à Pierre, deux enfants, elle va vivre une tragédie dont elle pourra difficilement se relever, celle de la violence conjugale.
Roula Azar Douglas, dans son roman “Chez nous, c’était le silence“, s’inspire de l’histoire d’une amie libanaise pour dénoncer le calvaire quotidien que vivent certaines femmes au sein de leur couple. Harcelées, battues, humiliées, tétanisées par un mari agressif, violent, parfois pervers, elles vivent un enfer au quotidien, mais trop souvent elles ne disent rien, se résignent, acceptent leur sort.
Pourquoi? pourquoi Ghada, malgré sa conscience, sa souffrance et l’exhortation de sa soeur, reste-t-elle aux côtés de cet homme violent et dominateur?
Parce qu’elle a peur des représailles, peur pour ses enfants. Au Liban, le père a quasiment tous les droits sur les enfants, elle veut continuer à les élever comme dans une famille normale.
Parce qu’elle est démunie, elle n’a pas de profession, elle est complètement dépendante de son mari économiquement.
Parce qu’elle est fragilisée, inhibée par ce qu’elle vit tous les jours.
Parce qu’elle est à bout de force: elle met toute son énergie à minimiser les tensions pour protéger ses enfants de la violence gratuite de son mari et de la violence aveugle de la guerre civile.
Parce qu’elle a perdu toute confiance en elle, elle se sent même parfois coupable de ce qui lui arrive, elle a honte.
Parce qu’elle veut respecter la promesse qu’elle a faite à son père de ne pas briser son foyer pour la réputation de la famille: c’est déshonorant dans une famille libanaise de quitter son mari.
Pour toutes ces raisons elle ne peut pas partir, elle ne s’autorise pas à partir. Ainsi elle creuse son malheur et elle conforte son mari dans sa brutalité.
Roula nous fait vivre par une écriture simple et délicate les douleurs, les tourments et les émotions de Ghada. En mélangeant réalité et fiction, elle veut rompre la loi du silence sur ce problème social mais également donner aux femmes qui subissent cette violence conjugale la force de se battre contre leur destin d’épouses maltraitées.
Objectif réussi! Le livre nous touche et nous avons envie de le partager. Le lire, en parler c’est lever un peu le voile sur un problème trop souvent nié au Liban, comme dans d’autres pays d’ailleurs. La tradition et la religion régissent les règles familiales et empêchent l’institution d’un mariage et d’un divorce civils. Les hommes conservent une place dominante, l’honneur et la réputation de la famille sont trop souvent évoqués pour garder le silence.
Les femmes sont donc démunies : où trouver un refuge? Comment se séparer de son époux violent? Comment faire valoir ses droits à la garde des enfants? Comment garder sa maison? Comment vivre et élever ses enfants?
Si la lutte contre la violence passe en partie par l’éducation, il faudrait avant tout que la loi enfin protège les victimes et permette de condamner et de sanctionner les hommes responsables de sévices. Mais les femmes concernées doivent trouver le courage de les dénoncer. Et ce n’est pas facile!
En attendant de lire le prochain roman de Roula Azar Douglas vous pouvez la retrouver dans les colonnes de Magazine où elle travaille comme journaliste.
Vous pouvez trouver ce livre (publié par Dergham et bientôt traduit en arabe) dans toutes les grandes librairies libanaises, à Paris à l’Institut du Monde Arabe et sur le site http://www.antoineonline.com/
Coupure de presse: Al-Anwar le 13 / 12 / 2007
صدر للصحافية اللبنانية الكندية رُلى عازار دوغلاس روايتها الأدبية الأولى باللغة الفرنسية (عندنا كان الصمت مطبقاً) Chez nous, c'etait le silence.
الرواية تحكي قصة من صميم الحياة اليومية للبنانيين خلال الحرب في لبنان، وتحديداً في منتصف ثمانينات القرن الفائت، حيث تسرد الكاتبة مأساة الحياة الشخصية لإمرأة شابة من الطبقة الوسطى تتخبط في آتون الأحداث بين زوجها القاسي والعنيف والبخيل وطفليها الصغيرين والمشاكل الناجمة عن الحرب وعن واقعها الشخصي المرير.
والرواية تتناول مشاكل عانت منها معظم العائلات اللبنانية - حتى لا نقول جميعها - من تدهور قيمة العملة الوطنية، الى السعي لإيجاد حياة أفضل في الغربة، وتحديداً في كندا، الى الآثار المدمرة للأحداث الأمنية...
وللرواية جانبها الإجتماعي العميق الذي لا يخلو من العاطفية، حيث أنها تقدم سرداً واقعياً للعلاقة بين الرجل وزوجته والعنف الجسدي والمعنوي الذي يمارسه الزوج على امرأته وأولاده، مع عجز الزوجة عن الدفاع عن نفسها إلتزاماً منها بالتقاليد العائلية والإجتماعية القديمة. وتصف الرواية هذه التقاليد بالبالية، حيث لا تجد بطلة القصة نجاتها سوى بالهجرة وترك وطنها...
وتلقي الرواية إضاءة لافتة على العمل الرائع والبطولي الذي يؤديه المتطوعون في الصليب الاحمر اللبناني من خلال وصفها لشاب يسكن في جوار بطلة القصة ويقدم اليها كل العون المطلوب عندما تبرز الحاجة، ولا يتردد في تعريض حياته للخطر لأداء رسالته الإنسانية.
وتنتهي الرواية ببصيص نور وأمل للبطلة قد يفتح المجال لديها لتعيش حياة أفضل وإعادة إكتشاف مشاعر الحب التي طالما إفتقدت اليها.
والكتاب مصاغ بلغة فرنسية بليغة، ولو أنها سهلة الفهم، وهو مفعم بالعديد من العبارات اللبنانية المحكية لدى ذكر الحوارات بين الشخصيات.
يتألف الكتاب من 176 صفحة من القطع الوسط، ويتميز باخراجه الأنيق للغاية، وهو من إصدار دار نشر ضرغام.
ميشال توفيق دحدوح
L'Orient le jour mercredi 28 novembre 2007 5:00 Beyrouth
« Chez nous, c’était le silence » de Roula Azar Douglas : un roman dénonciateur de la violence conjugale
L'article de Zéna ZALZAL
C’est un premier roman aux forts accents de témoignage. Un livre qui aborde un sujet tabou, mais hélas bien réel, la violence conjugale. Dans « Chez nous, c’était le silence », qui vient de paraître aux éditions Dergham, Roula Azar Douglas dénonce, au moyen d’un habile mélange de réalité et de fiction, le sort des femmes victimes d’un mariage malheureux.
Un thème douloureux que cette journaliste à Magazine, spécialisée dans les sujets sociaux, portait en elle depuis longtemps. Car « cette histoire est vraie. Elle est inspirée du vécu d’une personne qui m’était chère et qui est aujourd’hui décédée. En témoignant de son calvaire, j’ai voulu en quelque sorte lui rendre hommage. Et en imaginant, dans la seconde partie du livre, une autre issue à sa vie, plus heureuse, j’ai voulu donner aux femmes qui expérimentent cette violence l’envie de se battre contre leur destin d’épouses battues ! » affirme Roula Azar Douglas.
Car elles sont plus nombreuses qu’on ne le pense, ces femmes qui ont fait le mauvais choix, qui ont tiré le mauvais numéro à la loterie du mariage et qui se retrouvent victimes silencieuses de sévices corporels et psychologiques. Victimes d’un mari violent, agressif et cruel. Mais aussi victimes d’une multitude de peurs qui les poussent à garder le silence. À se résigner. Peur du qu’en-dira-t-on, du jugement des gens, des représailles – encore plus fortes ! – du mari, peur de ne pouvoir subvenir toutes seules à leurs besoins et à ceux de leurs enfants, ou encore peur de ne pas être crues, le mari-bourreau jouant souvent à l’homme charmant en société.
« Elle l’a provoqué », entend-on souvent dire d’une femme qui a déclenché la fureur de son époux. C’est justement du contraire que témoigne Roula Azar Douglas, en décrivant, à travers ce rapport dominant-dominé, des scènes de violence totalement gratuites et injustifiées.
Des scènes, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, tout à fait véridiques, que l’auteur dépeint sans complaisance d’aucune sorte, d’un ton juste. Un style simple, humain, ni larmoyant ni froid, qui contrebalance ainsi la dureté d’un sujet d’autant plus éprouvant que cette histoire de « guerre conjugale » se déroule, dans les années quatre-vingt, en pleine guerre libanaise.
À travers Chez nous, c’était le silence, Roula Azar Douglas espère aider à briser cette loi du silence érigée par la honte et la peur. Elle espère que ce roman vrai, élaboré à partir d’un cas réel, étayé de recherches approfondies sur la violence conjugale ainsi que sur les événements de guerre qui y sont décrits, puisse pousser « ne serait-ce que quelques femmes à se battre contre leur sort, à briser la chape de la résignation et à prendre en main leur avenir », dit-elle, avec un fort accent de sincérité.
Il semblerait d’ailleurs qu’elle ait toujours rêvé de changer le monde, Roula Azar Douglas. Ou du moins d’améliorer la vie de quelques personnes. En se destinant à la médecine d’abord, « pour essayer de combattre la maladie, le cancer... », dit-elle. Puis par la plume, lorsqu’ayant dû interrompre ses études de biologie à l’AUB pour cause de guerre, d’émigration au Canada et de rencontre avec son mari, elle se tournera – après un bref passage par des études bancaires – vers le journalisme et le reportage social.
Entre-temps, rentrée au Liban, Roula Douglas, qui vient de décrocher son DESS de journalisme, carbure plus que jamais à cette « envie d’écrire, d’exprimer et de partager » ses opinions. Un désir d’expression qui – d’articles de presse en romans (le second également inspiré d’un cas social est en route) – porte cette femme à la fois sensible et forte.
Zéna ZALZAL
Il pleut sur Beyrouth
Peut-on comme peuple, une fois pour toutes, se débarrasser de l’épaisse fumée du passé qui bloque toute réflexion profonde et sérieuse de notre part ? Ne peut-on, une fois pour toutes, se débarrasser des sentiments de haine, de peur de l’autre qui nous enchaînent et nous paralysent ? Ne peut-on, une fois pour toute, oublier pour un instant, toute appartenance partisane, dogmatique, idéologique et se concentrer uniquement sur la terre de nos aïeux, cette terre que nous rêvons de transmettre à nos enfants et à nos petits enfants. Ne peut-on pardonner ? Et surtout, surtout, ne peut-on se libérer de ces « maîtres » que beaucoup de libanais idolâtrent et suivent comme des gourous ? Ne peut-on les voir avec un esprit critique tel qu’ils sont réellement, « ordinaires » avec certaines qualités certes, mais aussi avec de graves et parfois fatals défauts ? Ne peut-on pas, pour une fois, couper ce cordon qui nous rattache à ce cercle vicieux d’obscurantisme et de violence et apprendre, évoluer, voler, se libérer et avancer vers un avenir radieux ? Ne peut-on tous chanter en cœur Khalass ! , et se diriger vers la Lumière en ouvrant une page blanche ?
Roula Azar Douglas
Signature
“ Comment pouvez-vous….?”
(bien ou mal intentionnée) de nos compatriotes d’outre-mer. « Comment pouvez-vous vivre dans ce pays de … ? », « Chez nous, (dans notre pays d’accueil), nous planifions nos vies à long terme…ce n’est pas votre cas.. »,
« C’est l’enfer, chez vous… », « Khalass, le Liban a définitivement changé ! »
Qu’est-ce qu’ils ont donc certains de nos chers frères et sœurs expatriés à vouloir nous décourager encore plus ? Qu’est-ce qu’ils ont à vouloir dénigrer le peu d’avantages qui nous restent, de vivre au pays des cèdres ? Qu’est-ce qu’ils ont à nous écraser à chaque email, à chaque sms, à chaque coup de fil ?
Pourquoi ne peuvent-ils savourer leur bonheur tranquillement sans se délecter de nos malheurs ? Pourquoi toujours critiquer « nos » défauts…et fermer les yeux sur les maints efforts que poursuit la société civile en vue d’améliorer la situation ?
Que de « pourquoi » ! Pour l’amour du ciel, arrêtons de nous juger les uns les autres, ceux qui quittent et ceux qui restent… Chaque libanais a sa propre logique et ses raisons. Respectons son choix.
Roula Azar Douglas
« Chez nous, c’était le silence »
La signature aura lieu au Salon du Livre de Beyrouth, au stand de la librairie Antoine, le 2 novembre 2007, à 6 pm.
La patrie dans le cœur
Roula Azar Douglas
Indépendance et responsabilité
pour sauvegarder notre indépendance et la paix précaire au Liban. Tant que nous avons une vision restreinte, biaisée et incomplète de notre histoire, nous aurons une perception erronée de notre présent et donc de malheureuses influences sur notre avenir. Certains prônent l’idée que le fait d’en parler pourrait exacerber les divergences et les tensions entre communautés. Je ne suis pas d’accord. En laissant le terrain vacant, on l’expose à être envahi par d’indésirables ou de dangereux occupants. N’ayant pas de modèles pour comparer, analyser et juger, les jeunes n’auront d’autres informations que celles du leur milieu.
On a beaucoup misé sur les tables rondes des chefs politiques. Le peuple, lui, est marginalisé. Au lieu de confirmer la réconciliation nationale, il est utilisé et manipulé pour alimenter le public de tel ou tel politicien. Qu’est –ce qu’un gouvernement d’unité nationale quand les divisions au sein du peuple n’ont jamais été autant aiguillonnées ? Encourageons l’instauration d’une culture nationale permettant à nos enfants de développer une même représentation mentale de leur pays. Pour qu’adultes, ils n’aient pas besoin de recourir à des guerres civiles suivies de tables rondes (ou inversement !) pour décider du sort de leur pays. Une éducation civique est donc indispensable. Elle doit favoriser l’apprentissage de la communication, de l’acceptation de l’autre et doit édifier les bases d’une culture de la paix. La reconstruction du Liban doit être accompagnée d’une réfection du souffle national et des sentiments intercommunautaires chez les libanais en vue de l’édification d’une culture nationale. Le déni de certaines réalités nous empêche de faire des changements et de progresser. Il étouffe le Rêve Libanais et nous pousse vers un suicide collectif. En espérant arriver à une indépendance définitive des préjugés, des faussetés et de l’immaturité intellectuelle.
Roula Azar Douglas
Entre liberté d’expression et manque d’éthique
Les réponses à ces interrogations données par la scène médiatique libanaise actuelle sont déplorables. Notre problème avec l’information n’est pas récent. Nous le vivons au Liban de façon de plus en plus significative, de plus en plus choquante et de plus en plus révoltante depuis deux ans ou presque. Les derniers mois, et surtout ces derniers jours, ont été le théâtre de nombreux faits qui doivent urgemment conduire à une mise en place d’un code de déontologie auquel tout journaliste digne de ce nom doit adhérer. Le fait que certaines de ces dérives ne soient pas intentionnelles ne diminue absolument pas la gravité du méfait. Se réjouir de l’assassinat d’un député représentant du peuple peut être considéré comme criminel pour un journaliste dont la mission première est le traitement de l’information avec honnêteté et respect. Cela sans parler des nombreuses informations et enquêtes qui abondent dans nos journaux ou sur nos chaînes de télévision, et qui révèlent une érosion des exigences en matière de vérification de l’information ou le recours à des experts non pertinents ou la promotion d’idées non véridiques. Que de débats télévisés manquent de sérieux, mais surtout d’informations nouvelles, crédibles et éclairantes sur les sujets débattus ! C’est à se demander à qui sert ce fossé creusé entre les attentes du public et la qualité des informations proposées. Une commission nationale qui se préoccuperait de dresser les fondements même de la déontologie des journalistes, de leurs droits et devoirs est plus qu’indispensable, surtout dans cette période d’obscurantisme où il y a confusion entre information et promotion.
Roula AZAR DOUGLAS
Non, je n’ai rien oublié
Il y a quelques années, je pensais que mes souvenirs s’étaient estompés jusqu’à s’effacer complètement devant les jours qui passent, devant mes voyages et mes nouvelles expériences, devant mon bonheur de vivre, devant mon mariage, devant les rires de mes deux garçons.
Non, je n’ai rien oublié.
Il a suffi d’un son, d’une image, d’une odeur, d’un incident, d’un 12 juillet pour que je me rende compte que tout est là, intact. Intactes sont les images d’horreur, intacte est la peur qui me dévore de l’intérieur, intact est le dégoût face à cet aspect Mister Hyde dans chaque être humain, intact est le désespoir qui surgit sans avertissement et tente inlassablement de m’attirer au fond d’un gouffre sans fond, intact ce rejet de toute forme de violence même verbale, intacte cette phobie de toute personne en uniforme, intacte cette angoisse de la mauvaise nouvelle à chaque sonnerie du téléphone.
Non, je n’ai rien oublié.
Je me souviens d’événements que j’aurai peur de rapporter par crainte que mes enfants ne les lisent, par crainte que d’autres enfants ne les lisent. Mais, finalement, c’est pour ces enfants que je vais exorciser les démons de la guerre. C’est pour éloigner le spectre d’une nouvelle guerre civile que je vais écrire... Je me souviens de ce jour d’été, il y a plus que vingt-cinq ans, alors que j’étais encore une enfant. J’entends un bruit métallique répétitif suivi par les cris de mes sœurs cadettes, Rania et Rima. Je revis cet étrange sentiment qui m’envahit : un mélange de peur et de curiosité. Je cours au balcon de notre appartement, au premier étage d’un immeuble à Achrafieh. Et je m’arrête net. J’ai l’impression que si je tends la main, j’arriverais à toucher ce char qui s’ouvre difficilement un passage dans les ruelles de mon quartier. Tout est figé. Le temps s’est arrêté. Le sang glacé, les yeux exorbités, je regarde horrifiée, sans vraiment comprendre. Soudainement, après ce qui me semble être une éternité, je reprends contact avec la réalité. Les doigts glacés de ma mère qui me serrent le bras me font froid, j’entends sa voix durcie par l’angoisse et la peur : « Roula, rentre vite au salon ! » Ce qu’elle me dit résonne dans mes oreilles, mais ne rencontre aucun écho dans mon conscient. Mes jambes sont molles. Elle n’a d’autre choix que de me pousser vers l’intérieur. Je ne suis pas capable de discuter avec elle de ce que j’ai vu. La nuit, je n’arrive pas à m’endormir. Et malgré les murs qui séparent notre chambre de celle de mes parents, j’entends clairement une partie des propos qu’ils échangent :
– « Antoine, les filles ont tout vu ! Ces monstres ! Ces brutes ! Ces barbares ! Ils traînaient un homme sur la chaussée, derrière le tank ! Il avait les poings et les pieds liés !...
– Calme-toi Robine. Ne réveillons pas les filles. »
Je me souviens, comme si c’était hier, de la panique de mes camarades de classe à Zahret el-Ihsan quand, lors d’un cours d’histoire, une pluie d’obus s’est abattue sur Achrafieh. Je ressens ma peur et mon angoisse. Je me rappelle très bien de la frénésie des enseignants et des religieuses cherchant à mettre de l’ordre dans la ruée des élèves hors des classes et les dirigeant vers la cantine pour s’abriter. Je vois leurs visages blêmes quand ils se sont rendu compte qu’à la cantine, il y avait de grosses bonbonnes de gaz rendant l’endroit dangereux. Je vis encore ce soulagement ressenti à l’arrivée de papa. Il me serre la main très fort comme s’il a peur de me perdre. Je me rappelle du retour à la maison. Ce chemin, mille fois emprunté, mais qui, ce jour-là, semble se dilater indéfiniment...
Je me souviens des yeux confus et évasifs d’une copine, après une semaine d’absence de l’école. Je pense à l’attroupement des camarades autour d’elle, ne sachant quoi lui dire ni comment la consoler. J’entends leur chuchotement : « La pauvre, son père a été tué par l’explosion d’une voiture piégée. »
Je me souviens de longues nuits passées à l’abri, dans la pénombre et l’humidité. Je me souviens des heures interminables, accrochée au combiné du téléphone, priant pour la sécurité des proches et amis, attendant la ligne qui ne « vient » pas...
Je me souviens de mon « bizarre » réveil une certaine nuit de septembre. Je me rappelle des mots exacts pour ma sœur : « Rania, tante Ramona est morte. » Personne ne me l’avait dit, mais je le savais. Je vois encore la frustration de ma famille de ne pas pouvoir assister à l’enterrement ; Achrafieh étant assiégé. Plus tard, à plusieurs reprises, Rania et moi avons cru la rencontrer au coin d’une rue avant de nous rappeler qu’elle est « partie ». À chaque visite de condoléances, mes sœurs et moi captions des bribes de conversation des « grands » : la tasse de café turc est restée intacte sur sa table de chevet ; elle est morte dans l’abri, avec tous ses voisins ; l’abri était mal construit ; elle ne voulait pas quitter Achrafieh par crainte de perdre son emploi à la banque, elle avait 40 ans...
Je me souviens de nos fuites sous les bombes vers le port de Jounieh, des petites chaloupes empruntées dans la nuit noire, de l’échelle-corde au-dessus de la mer sombre qu’il fallait emprunter pour prendre le bateau de commerce, en pleine mer. Je me souviens des chansons militaires à la radio, des photos de jeunes martyrs aux murs de ma ville, des sirènes des corbillards mortuaires. Je me rappelle des lamentations, remplacées plus tard par des gémissements d’une voisine meurtrie par la perte de son fils de 18 ans et que nous entendions pendant des mois, chaque nuit, quand le silence se faisait dans notre quartier. Je me souviens de cette dernière image que j’ai de la guerre civile dans mon pays : je vois le trottoir devant notre immeuble, à Acharfieh, envahi par nos amis, nos proches et nos voisins ; je vois les larmes sur leurs joues ; je vois leurs gestes d’adieu et je me revois avec mes parents et mes sœurs prenant place dans ce taxi qui nous emmenait vers l’aéroport. Dans la voiture, personne n’osait prendre la parole par peur d’éclater en sanglots. C’était le 16 juin 1990 et nous fuyions vers le Canada...
Roula Azar Douglas
La vie triomphera
Dès les premiers indices de beau temps libanais , tels des oiseaux migrateurs , beaucoup sont retournés . Des mères et des pères de famille , des économistes , des enseignants , des ingénieurs , des banquiers, des coiffeurs, des étudiants . Par milliers , ils sont revenus , grands et petits ,les yeux larmoyants et le cœur battant. Ma famille et moi en faisons partie. Nos enfants grandiront au Liban.
Ces derniers mois n'ont pas été toujours faciles. Violences ,Tension , stress , peur, incertitude . Beaucoup de proches et certains amis , dès les premiers jours de notre retour , ont sonné le glas." Franchement , vous ne regrettez pas d'être retournés ? "
Sincèrement , nous ne regrettons pas. Nous avions le choix et nous avons librement opté pour le Liban .
Notre pays n'est pas une illusion. Sa constitution a coûté et coûte toujours cher en termes de martyrs , de sacrifices et de pertes de toutes sortes . Guerres , conflits , paix précaire ont marqué son histoire. Que de larmes , que de frustration , que de déception dans ce long et difficile chemin vers l'état de droit , vers le pays souverain et indépendant auquel nous aspirons tous.
Cette terre n'est pas seulement notre droit , c'est aussi notre devoir envers nos enfants . Ne l'abandonnons pas. Ne baissons pas les bras. Luttons chacun dans son domaine. Battons-nous pour la réalisation de notre rêve le plus noble , l'édification de notre pays. Inculquons à nos enfants l'amour de la Paix , du Droit et de la Liberté . Eveillons-les aux valeurs de la Démocratie , de l'Égalité , de la Tolérance et du Respect de l'autre . Ne renonçons pas à nos rêves .Et surtout ne les troquons pas contre d'autres étrangers à nos désirs. Chassons le défaitisme et la résignation de nos vies . Armons notre société de volonté , d'initiatives, d'organisations. Renforçons notre détermination , notre esprit critique et notre foi. Ne baissons pas les bras. Au bout des ténèbres , la lumière jaillira.
Roula Azar Douglas.