Article paru sur le site de Talents Libanais : Roula Azar Douglas, écrire pour briser le silence

Roula Azar Douglas est écrivain, journaliste à L’Orient-Le Jour, enseignante à l’Université libanaise et activiste pour les droits des femmes.  Talents Libanais l’a rencontrée à quelques jours de sa participation prévue  aux Journées du Liban à Paris*, prévue le samedi 19 mars  à 15h30.

Vous présenterez à Paris votre livre « Chez nous, c’était le silence » publié aux éditions Dergham en 2008 et traduit en arabe en 2009. Pouvez-vous nous en parler ?
Ce livre, je l’ai écrit d’une manière spontanée si on peut dire. C’est ce qui explique en partie sa forme linéaire, non retouchée. Inspiré d’une histoire vraie, il puise son essence dans le vécu d’une femme que j’ai connue à Beyrouth il y a des années. Pourquoi vouloir raconter le calvaire de cette mère de famille libanaise mariée à un homme violent et manipulateur ? Pour dénoncer la violence conjugale évidemment. Mais également pour lui rendre, en quelque sorte, hommage.
Dans « Chez nous, c’était le silence », le lecteur entrevoit une partie de la vie de Ghada (l’héroïne) mariée très jeune à un pervers narcissique et en toile de fond, des bribes de la guerre civile qui faisait rage à cette époque au pays du Cèdre .
Pour moi, la forme est également très importante. Pour décrire et mettre en lumière l’horreur de la violence domestique, j’ai opté pour un style simple, des mots courants et concis, une écriture journalistique.

Vous précisez que dans « Chez nous, c’était le silence » se mêlent réalité et fiction. Quelle part allouez-vous dans votre ouvrage à la fiction et pourquoi ?
Et imaginant, dans la seconde partie du livre, une autre issue à la vie de Ghada, j’ai voulu donner aux femmes qui vivent cette violence, l’envie de se battre, de se prendre en main, de changer leur destin. Dans des sociétés comme les nôtres où les gens, en grande partie, croient ferme que les moindres détails de leurs quotidiens émanent de la volonté de Dieu, il est important de dire aux victimes des violences conjugales qu’elles peuvent reconquérir leur vie.

Votre deuxième roman est prévu pour 2016. Pourquoi écrivez-vous ? 
L’écriture m’est vitale. Écrire me permet d’entrer en contact avec mon moi le plus profond, de le cerner et de le comprendre. C’est ma manière de réfléchir et de vivre ma vie. Mais au-delà de l’introspection, c’est à travers l’écriture que je me situe par rapport au monde. Par ailleurs, j’écris pour être lue. J’écris pour toucher, pour provoquer une réflexion, pour contribuer au changement… Ainsi, je prends ma plume pour défendre les valeurs de la dignité humaine, de la démocratie, de l’égalité, de la liberté, de la tolérance et de la justice sociale.
En tant que journaliste, responsable d’une page consacrée à l’actualité universitaire au Liban, j’écris pour informer mais également j’écris pour encourager, pour soutenir, pour mettre en lumière des jeunes qui ont du talent, qui prennent des responsabilités, qui s’engagent dans des actions sociales ou culturelles.
* Les Journées du Liban sont prévues du 18 au 20 mars, à Paris, au Halle des Blancs manteaux, 48 rue du Temple.

La Medical Student Association, ou quand les étudiants en médecine tendent la main à la communauté

Nadia Haddad, la dynamique présidente de la MSA.
Un asile pour personnes âgées. Plus de deux cents résidents. Des femmes et des hommes dont certains ont le triste sentiment de vivre le temps qui leur reste en marge de la vie. Et, de l'autre côté, de jeunes étudiants en médecine, au début du chemin, qui ont décidé de libérer un moment dans leur emploi du temps très chargé pour aller vers les autres, tendre la main aux plus faibles et leur donner un peu de chaleur et d'humanité. « Au sein de la Medical Student Association de la LAU (MSA), nous avons créé cette année un nouveau comité, le comité des affaires extérieures, dont l'objectif est d'agir concrètement au sein de la société, de changer les choses, de contribuer à un monde meilleur et de partager avec les membres de notre communauté une partie des fonds générés par les différentes activités que nous organisons », explique Nadia Haddad, étudiante en 5e année de médecine (Med 2) et dynamique présidente de la MSA depuis octobre 2015. Les futurs médecins ont ainsi visité, au mois de décembre, une maison de retraite à Hboub, les bras chargés de pâtisseries payées avec les bénéfices de la fête de Halloween que le comité social de la MSA a organisée au mois de novembre. « On leur a apporté des gâteaux et du jus. Mais le plus important, c'est le temps que nous avons passé avec eux », poursuit Nadia avec enthousiasme. Les aînés et les jeunes étudiants ont dansé et chanté ensemble. Et, pendant quelques heures, la distance générationnelle et toutes les différences se sont effacées.
Dans le même esprit, seize familles dans le besoin ont reçu la visite des étudiants chargés de paniers de denrées, de couvertures, d'appareils de chauffage. « Nous avions également offert des cadeaux aux enfants. C'était durant les fêtes de fin d'année et nous voulions répandre l'esprit de Noël », précise Nadia. Une initiative qui s'est concrétisée grâce aux fonds collectés lors du concert de Noël « qui a rassemblé 250 personnes dont le président de la LAU et le doyen de la faculté de médecine ». Également organisé par le comité social, le concert fut animé avec joie par des étudiants, résidents et médecins qui ont des talents artistiques : danse, chant, maîtrise d'un instrument de musique... « Nous avons choisi d'aider des familles de Byblos. Il était naturel pour nous de s'intéresser d'abord aux plus proches pour éventuellement aller plus loin plus tard », ajoute Nadia. Engagée et généreuse, la jeune étudiante a consacré une grande partie de son temps et de son énergie à faire de la MSA ce qu'elle est devenue aujourd'hui. « Donner sans rien attendre en retour. C'est ce que moi et tous les membres du conseil avons essayé de faire cette année. Et le sentiment est merveilleux », confie-t-elle.


Construire des médecins responsables
La MSA, établie à la LAU en 2011, rassemble aujourd'hui quelque 200 étudiants en médecine. « L'objectif de notre association, qui est une section de l'American Medical Student Association (AMSA), est de former des médecins responsables. Des médecins qui veulent innover, changer, améliorer et soutenir leur communauté », souligne Nadia. Et d'insister : « Nous n'attendrons pas de devenir médecins pour contribuer au changement. »
La MSA est dirigée par un conseil composé de onze membres, des étudiants en 4e et 5e année de médecine. Elle est composée de huit comités, dont le comité social et celui des affaires extérieures. « Le comité du Diagnostic Medical Day est responsable de l'organisation de la Journée du diagnostic médical. Il s'agit d'une compétition annuelle limitée à l'origine aux étudiants de la LAU ; nous l'avons ouverte cette année aux étudiants en médecine des autres universités libanaises. Lors de ce concours, les étudiants, répartis en groupes, doivent établir un diagnostic dans le cas d'un patient virtuel avec lequel ils communiquent via Skype. Chacun des groupes présentera les résultats de ses analyses devant un jury qui sélectionnera le groupe lauréat. Les prix que nous offrons sont respectivement de 1 200, 800 et 400 dollars américains », indique Nadia.
Le comité du Medical Awareness, lui, a pour objectif de sensibiliser la population aux questions médicales. Les campagnes sont organisées sur le campus de la LAU. « Lors de la dernière journée de sensibilisation, organisée au mois de novembre, nous avons accueilli 150 personnes. Nous avons mesuré le taux de glucose dans le sang et la tension artérielle des visiteurs, et leur avons expliqué tout sur le diabète, les traitements et les risques qui y sont liés », souligne Nadia.
Par ailleurs, la communication avec le public est très importante pour la MSA. « Notre comité média est très actif sur les réseaux sociaux. C'est lui également qui crée nos affiches », souligne Nadia, qui ajoute : « Sans oublier le comité MedNashra en charge de notre journal médical qui rencontre un grand succès en ligne. »
Après des études en médecine générale à la LAU, « la plupart des étudiants ambitionnent de se spécialiser aux États-Unis », confie la jeune présidente. Mais pour être acceptés dans les facultés américaines, ces jeunes médecins doivent réussir le très difficile United States Medical Licensing Examination (USMLE). « D'où l'importance de notre comité du USMLE qui organise des sessions de préparation ouvertes aux étudiants. »
Dernière activité réussie de cette très énergique association : le dîner de gala, événement -phare pour la collecte des fonds, organisé par le comité de financement de la MSA le 19 février au Four Seaons Hotel à Beyrouth et qui a rassemblé une foule d'étudiants en médecine, de professeurs, de membres du personnel universitaire, de résidents et de médecins. « Ils sont tous venus pour soutenir l'École de médecine et applaudir la MSA pour ses activités au cours de cette année. Cette magnifique soirée servira, entre autres, à venir en aide à de petits orphelins », ajoute Nadia. Et de conclure : « La MSA m'a changée. Elle a fait sortir le meilleur de moi-même. J'espère que les étudiants qui prendront la relève l'année prochaine garderont le flambeau allumé. »


Nadia Haddad, la dynamique présidente de la MSA, lors du dîner de gala de l’association organisé à l’hôtel Four Seasons à Beyrouth le 19 février.

Dynamisme et vitalité au département de philosophie de l’Institut des lettres orientales de l’USJ

Le Dr Nadine Abbas
« La philosophie, c'est ce qui ramène au centre où l'homme devient lui-même en s'insérant dans la réalité », estime le philosophe et psychiatre germano-suisse Karl Jaspers. Pourtant, pour de nombreux étudiants, le terme philosophie évoque un univers abstrait, impénétrable, dont ils ne voient pas l'utilité. Une fausse conception que le Dr Nadine Abbas, chef de département de philosophie rattaché à l'Institut des lettres orientales de l'USJ et responsable du Centre Louis Pouzet d'étude des civilisations anciennes et médiévales, corrige : « La philosophie est liée à notre vie, à notre quotidien. C'est une méthode de pensée, une logique. Peu importe son domaine de spécialisation, toute personne gagnerait à prendre un ou deux cours de philosophie. Cela l'aidera à se construire et à développer son esprit critique. »

Des bourses d'études pour attirer les jeunes
Établi il y a plus de cinq ans pour combler un besoin chez les jésuites arabophones pour lesquels il est plus facile d'étudier la philosophie en langue arabe tout en perfectionnant leurs compétences en français et anglais, le département de philosophie rattaché à l'Institut des lettres orientales est ouvert à tous les bacheliers et offre un parcours complet aux étudiants qui souhaitent se spécialiser dans ce domaine : licence, master et doctorat. « Le département se distingue par l'enseignement de la philosophie en langue arabe. Mais également par l'enseignement de la civilisation arabe », précise le Dr Abbas qui travaille actuellement sur un projet collectif d'édition critique de textes inédits de philosophes arabes chrétiens.
« Le département offrira dans les mois à venir deux bourses d'études qui permettront aux étudiants sélectionnés d'intégrer le programme de licence de philosophie », poursuit l'enseignante-chercheuse. Une initiative qui vise à attirer les jeunes vers cette filière. Le concours, prévu le 16 avril, est ouvert aux élèves des classes terminales dans toutes les régions et tous les collèges, privés et publics, à travers le Liban. Basées sur le programme scolaire de philosophie, les épreuves — corrigées à l'aveugle — permettent d'évaluer « la méthodologie de travail des candidats, leur capacité de raisonnement et leur maîtrise de la langue arabe ». La date limite pour présenter sa candidature est fixée au 13 avril. Ce n'est pas la première fois que le département de philosophie soutient financièrement les étudiants méritants qui désirent poursuivre des études dans ce domaine. « Il y a deux ans, nous avons attribué cinq bourses à des étudiants et des étudiantes choisis dans différentes écoles. Ils sont actuellement en deuxième année », confie le Dr Abbas.
Contrairement à la pensée commune qui associe l'enseignement de la philosophie aux méthodes d'apprentissage classiques lourdes et rigides, les nouvelles technologies ont fait leur entrée dans les salles de classe au département de philosophie où les échanges interactifs et les visites ponctuelles d'enseignants invités ne sont pas rares. « Par ailleurs, nous avons remanié et réformé les programmes d'études », ajoute le Dr Abbas qui précise qu'au terme de la licence, les jeunes diplômés peuvent, s'ils le désirent, poursuivre une quatrième année afin d'obtenir une licence d'enseignement ou compléter un master. « À l'opposé de ce que les gens pensent, les débouchés en philosophie sont multiples », avance-t-elle. Et de préciser : « Dans l'enseignement, dans la recherche. Et il n'est pas rare que des diplômés en philosophie se dirigent vers le journalisme. »

Ateliers et conférences publiques
« Nous suivons nos diplômés longtemps après leur entrée dans le monde professionnel en leur offrant des courtes formations qui répondent à leurs besoins », indique le Dr Abbas. À partir du 20 février et pour quatre samedis consécutifs, le département de philosophie organise un atelier de perfectionnement pour accompagner les enseignants, jeunes et expérimentés, diplômés ou non de l'USJ, dans leurs pratiques d'enseignement. « Cette formation est animée par deux enseignants forts d'une longue expérience dans le domaine : les Drs Toni Kahwaji et Efrem Baalbaki. Elle est complète et couvre tout ce qui touche à l'enseignement de la philosophie, des nouvelles méthodes d'apprentissage à l'évaluation, en passant par la programmation des cours et la transmission des infos », souligne le Dr Abbas.
Par ailleurs, afin de mieux déchiffrer et mettre en lumière des concepts et des raisonnements philosophiques, le département organise chaque année un cycle de conférences scientifiques qu'il confie à des spécialistes et des chercheurs confirmés. « Ces conférences sont ouvertes aux enseignants, aux étudiants et au grand public. Nous choisissons toujours des sujets en lien avec l'actualité. L'intégralité des rencontres est publiée dans nos annales », précise la jeune directrice qui conclut en évoquant un article de vulgarisation philosophique sur le thème de la tristesse qu'elle a récemment publié dans le magazine en ligne al-Machrek et qui a attiré un large public parmi les jeunes internautes : « Pour raccourcir la distance entre les gens et la philosophie, il faut rendre cette dernière accessible à tous. »

Joseph Jabbra : Nous contribuons activement à la construction de la nation

ENTRETIEN
Depuis qu'il en a pris les rênes en 2004, l'Université libano-américaine (LAU) s'est développée de façon exponentielle. Accréditations des facultés, nouveaux programmes académiques, un campus à New York et présence accrue dans la société. Rencontre avec le Dr Joseph G. Jabbra.

Propos recueillis par Roula Azar Douglas | OLJ19/02/2016

Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de votre parcours professionnel qui a précédé votre nomination à la tête de la LAU ?
Je suis né à Ferzol, dans la Békaa. Après un baccalauréat en philosophie du Collège oriental et un diplôme en droit de l'USJ, suivant les recommandations de mes parents, je suis parti aux États-Unis où j'avais de la famille. Je ne connaissais pas un seul mot d'anglais à l'époque. J'ai réussi, à la fin du premier semestre, à décrocher une bourse doctorale qui m'a permis de compléter un PhD en sciences politiques à la Catholic University of America à Washington DC. J'ai voulu retourner au Liban, mais la guerre y faisait rage. J'ai alors accepté une offre au Canada et je suis devenu vice-président pour les affaires académiques et la recherche à la St. Mary's University à Halifax. Puis, de 1990 à 2004, j'ai servi comme vice-président pour les affaires académiques à la Loyola Marymount University à Los Angeles. Mais au fond de ma tête, j'ai toujours caressé l'idée de retourner au Liban.

Qu'est-ce qui, à votre avis, distingue la LAU des autres universités ?
Notre mission est succincte, mais puissante, forte dans sa simplicité. C'est l'excellence. Nous nous engageons à l'excellence, non seulement académique, mais l'excellence dans tout ce que nous entreprenons. Par ailleurs, nous sommes une institution centrée sur les étudiants. Nous prenons soin d'eux. S'ils trébuchent, nous leur tendons la main. Nous les aidons à se remettre sur pieds. Nous sommes ici pour donner le savoir. Pour élargir l'horizon du savoir. Avec nos étudiants, ce que nous visons, c'est l'éducation de toute la personne, pas seulement l'excellence académique. Nous leur fournissons la possibilité de grandir psychologiquement. Et, très important, nous croyons fermement que nous avons un rôle à jouer auprès de la société. Nous voulons aider la société à résoudre ses problèmes, à relever ses défis.

Comment concrétisez-vous votre mission auprès de la société ?
D'abord, en acceptant sa jeunesse. Nous estimons que toute personne qualifiée doit avoir la possibilité d'intégrer la LAU. Nous consacrons 25 millions de dollars aux aides financières allouées aux étudiants. Par ailleurs, nous nous intéressons aux élèves brillants dans les écoles publiques. Nous avons obtenu de l'USAid (le Fonds américain pour le développement international) 18 millions de dollars pour couvrir les frais de scolarité, les logements et repas, les ordinateurs, les livres de 260 étudiants (actuellement inscrits à ce programme). Nous répondons également aux besoins de la société à travers la formation continue que nous offrons notamment au Nord, à Zahlé, à Beyrouth.
Finalement, nous contribuons activement à la construction de la nation. L'éducation civique revêt une grande importance pour nous. À titre d'exemple, il y a environ neuf ans, lors des élections estudiantines, il y a eu des échauffourées. Nous avons décidé de transformer cette situation en un moment d'enseignement. Après avoir informé les étudiants impliqués dans ces actes de leur expulsion, nous avons donné une deuxième chance à l'étudiant qui remplit ces trois conditions : suivre des ateliers sur la résolution pacifique des conflits, sur l'acceptation des différences, sur le contrôle de la colère, effectuer 150 heures de travaux communautaires dans une région ayant une couleur confessionnelle différente de la sienne, et réussir un examen. 19 des 20 étudiants ont ainsi réintégré l'université. Nous n'avons plus eu aucun problème de la sorte tout en sachant que nos étudiants viennent de tous les horizons, qu'ils appartiennent à des religions différentes et ont des pensées politiques divergentes.

Quelles sont parmi les dernières réalisations de la LAU celles qui méritent d'être soulignées ?
En premier, les accréditations. La reconnaissance de l'université comme une institution américaine qui mérite l'accréditation l'a catapultée sur le devant de la scène. La LAU est aujourd'hui accréditée par la New England Association of Schools and Colleges (Neasc). L'École de génie est accréditée par l'Accreditation Board for Engineering and Technology (Abet), la meilleure agence d'accréditation au monde. L'École de pharmacie est la seule au Liban à être accréditée par l'Accreditation Council for Pharmacy Education (Acpe). L'École de sciences infirmières est accréditée par la Collegiate Commission on Nursing Education. Mais trois de nos plus importantes réalisations sont la création de l'École de médecine, l'achat de l'hôpital (Rizk) et la création de l'École des sciences infirmières. Sans oublier l'établissement, en 2013, de notre campus à New York.


Pouvez-vous nous parler de ce nouveau campus au centre de Manhattan ?
Je tiens à rappeler que la LAU est une institution américaine et non une institution au style américain. Il était très important pour nous d'avoir un siège social et un centre universitaire au cœur de Manhattan, à deux blocs des Nations unies. C'est un pont que nous lançons entre les États-Unis et non seulement le Liban, mais toute la région. Et comme je l'ai signalé lors de son inauguration, ce campus est un cadeau présenté par le Liban en retour de celui offert par Sarah Lanman Huntington Smith en 1835 lorsqu'elle a fondé la première école pour filles dans la région (qui est devenue la LAU). Nous y offrons des cours variés, dont des cours d'arabe. Et dans le cadre des Global Classrooms LAU Model United Nations, deux fois pas an, nos étudiants y vont pour apprendre à de jeunes collégiens et lycéens internationaux ce qu'est la diplomatie, comment accepter les différences, les méthodes de négociation... Des valeurs que nous leur inculquons.

Pour conclure, que fait la LAU pour aider ses étudiants à intégrer le marché du travail ?
Nous leur offrons, à travers le Bureau des affaires estudiantines, la possibilité de rencontrer des conseillers, de suivre une séance d'orientation professionnelle, d'apprendre à rédiger leur CV, à mener des entretiens d'embauche... Par ailleurs, nous organisons un Salon de l'emploi annuel auquel participent environ 80 entreprises, et programmons une série de conférences sur des sujets relatifs à l'emploi. Nous avons par ailleurs un réseau très actif d'anciens étudiants qui soutiennent les diplômés dans leur recherche d'emploi.

Des étudiants en pharmacie sensibilisent les réfugiés à l’importance de la vaccination

Samar el-Hage lors de l’évaluation des besoins de vaccination des patients.
Développer chez les étudiants les compétences nécessaires pour interagir avec les membres de la communauté, tisser des liens de confiance avec ces derniers et venir en aide aux familles en situation de précarité ; voilà quelques-uns des objectifs du partenariat qui lie l'école de pharmacie de la LAU à la Fondation Makhzoumi. Dans ce cadre et suivant une approche proactive, quatre étudiants inscrits au programme de doctorat de premier cycle en pharmacie (Pharma D) de la LAU – Linda Khadra, Samar el-Hage, Afeef Ibrahim et Karl Awaida – ont animé, au mois de janvier, une session de sensibilisation sur la vaccination à l'intention des réfugiés syriens, au centre de la Fondation Makhzoumi à Beyrouth. Une trentaine de mères de famille, quelques pères et une cinquantaine d'enfants ont bénéficié de cette activité.
« Il était important de mener cette action d'autant que la plupart des refugiés ne sont pas vaccinés et ne respectent pas le calendrier vaccinal de leurs enfants. En tant que pharmaciens, professionnels de la santé, nous avons voulu nous assurer que les parents réalisent à quel point la vaccination est cruciale et qu'ils comprennent son rôle dans la prévention de certaines maladies pouvant mener aux épidémies et à la mort », explique l'une des étudiantes, Samar el-Hage, 23 ans. Dans un langage simple, accessible au public présent et avec beaucoup d'enthousiasme, les jeunes étudiants en pharmacie ont expliqué aux parents et à leurs petits le rôle et l'importance de la vaccination. « Nous avions affaire à des gens de milieux défavorisés. Pour leur rendre l'information accessible, il fallait leur expliquer l'importance de la vaccination avec des termes courants », souligne Samar. Le public a bien interagi avec les étudiants qui ont établi pour chaque personne présente un bilan complet afin d'évaluer ses besoins de vaccination. « Nous leur avons également indiqué les lieux où les vaccins sont offerts gratuitement par le ministère de la Santé », ajoute Samar.

Interactions et enrichissement mutuel
Outre son impact sur le public cible, cette action est également très bénéfique pour les étudiants. « Le contact avec les réfugiés a constitué une expérience très enrichissante pour moi », confie la jeune doctorante.
« Ces expériences sont indispensables, surtout au Liban où les pharmaciens sont sur la ligne de front et en constante interaction avec les patients qui, souvent, ne peuvent se permettre de consulter un médecin », estime Ghada el-Khoury, professeure adjointe d'enseignement clinique à la LAU. Et de conclure : « Notre nouvelle collaboration avec la Fondation Makhzoumi est extrêmement enrichissante et pour la communauté et pour nos étudiants. »

« MedNashra », ou l’actualité médicale à la portée de tous

Selfie avant le tournage.
Ils ont une flamme dans les yeux, et dans la bouche des mots tels que partage, population, sensibilisation. Dix jeunes étudiants en Med 1 et Med 2 (4e et 5e année de médecine) à l'Université libano-américaine (LAU), membres de la Medical Student Association (MSA), recherchent, documentent, écrivent, présentent, tournent, éditent et partagent sur le Web des journaux vidéo, de quelques minutes chacun, sur différents thèmes en lien avec l'actualité et les avancées médicales au Liban et dans le monde. Ces capsules informatives diffusées sur les réseaux sociaux rencontrent, depuis leur lancement il y a un an, un immense succès auprès des internautes avec un taux de visionnement moyen qui dépasse les 35 000 vues.
« Il fallait trouver un moyen d'atteindre les gens et de les amener à interagir avec nous. Le magazine informatif Medizine que la MSA a réalisé dans le passé n'était pas lu. C'est ainsi que MedNashra est né », explique Naji Abou Ali, directeur du comité MedNashra en charge du journal médical. En s'appuyant uniquement sur les ressources qu'ils ont, les dynamiques étudiants ont réussi à relever le défi. Rana Asmar, chargée de la présentation du journal, explique : « Un groupe d'étudiants s'occupe de la collecte de l'info, un autre travaille sur les médias – photos, courtes vidéos, graphes ou autres illustrations à intégrer au journal – et un troisième formé par Naji et moi se consacre à la rédaction du script de manière à rendre l'information accessible à tous. » Les étudiants en médecine se retrouvent donc dans les coulisses, devant et derrière la caméra, faisant de ce journal un produit purement étudiant.

Grande écoute, partages et interactions
Intéressants, variés, documentés et à la pointe de l'actualité, les thèmes présentés par les médecins en devenir attirent des dizaines de milliers de spectateurs, occasionnent des centaines de partages et génèrent de très nombreuses interactions. Parmi les sujets qu'ils ont déjà évoqué : dispositif implanté dans l'estomac pour perdre du poids ; prothèses artificiels contrôlées par la pensée ; opération cardiaque sans ouvrir la poitrine, une nouvelle chirurgie réussie au Liban ; transplantation de pancréas bio-artificiel pour le traitement du diabète, le bonheur et le cerveau... Des sujets que les jeunes étudiants ont abordés, en arabe parlé (dialecte libanais), d'une manière simple et compréhensible par tous. « Nous recevons beaucoup de réactions de la part des internautes. Les gens aiment, partagent, commentent et identifient des amis », affirme Nadia Haddad, présidente de la MSA, qui précise : « MedNashra est la face visible de la MSA. La partie que les gens peuvent voir. » Et de conclure : « Nous essayons à travers la MSA de faire une différence, d'avoir un impact positif sur la communauté. »
Pour visionner les vidéos, visiter la page de la MSA : https ://www.facebook.com/LAUMSA.official/ ? fref=ts.

À l’AUB, une campagne réussie pour adoucir l’hiver des réfugiés

Winter is staying for a while est le nom de la campagne menée du 13 au 16 janvier par le Red Oak Club de l'AUB. Quatre jours durant lesquels les membres du club étudiant — dynamiques, engagés et fort motivés — ont sillonné les rues de la capitale en vue de collecter des vêtements, des couvertures et d'autres nécessités destinés aux réfugiés syriens et palestiniens pour les aider à passer les mois froids de l'hiver. « Nous avons voulu, d'un côté, soutenir les réfugiés et, de l'autre, sensibiliser les gens à la notion de solidarité sociale et leur faire prendre conscience de leur responsabilité face à ceux qui sont dans le besoin », explique Aya Adra, présidente du club.
Les jeunes initiateurs de la campagne ont lancé des appels aux dons à l'université, auprès de leur entourage et sur les réseaux sociaux. Et pour encourager la population à prendre part à leur action, ils ont choisi de se rendre eux-mêmes chez les donateurs, au moment qui convient à ces derniers, pour ramasser les dons. « Nous avons tous dans nos placards des affaires que nous n'utilisons pas et des vêtements que nous ne portons plus, c'est notre responsabilité de ne pas les laisser là et de les offrir à ceux qui en ont besoin. » C'est le message qu'ils ont voulu transmettre aux citoyens « dans tous les quartiers de Beyrouth ». Et ils ont réussi à le faire. De nombreux appels leur demandant de venir collecter des sacs remplis d'habits, d'édredons et d'autres articles utiles leur sont parvenus des différents secteurs de la ville, notamment d'Achrafieh, Verdun, Furn el-Chebbak et Zoqaq el-Blat.
« Le sens civique est présent chez les gens qui ont généreusement donné des vêtements, des jouets, des couvertures... Et ils sont nombreux à nous avoir confié qu'ils voulaient venir en aide aux réfugiés mais ne savaient pas comment s'y prendre pour le faire », poursuit Aya.

Aider les autres, un devoir civique
« Il était important pour nous de ne pas distinguer entre les réfugiés. Les ONG, surtout internationales, s'intéressent temporairement à un groupe donné et oublie l'autre », souligne Aya Adra. La jeune étudiante en master de psychologie dénonce le « manque d'intérêt » du gouvernement envers les réfugiés et le « racisme » qui transparaît dans certaines des mesures qu'il leur a imposées. « Ces gens ont fui Israël ou l'oppression en Syrie, les hommes armés et la violence pour trouver refuge au Liban », rappelle-t-elle.
Pour acheminer les dons qu'ils ont collectés à leurs destinataires, les jeunes étudiants se sont tournés vers deux organisations communautaires : Sawa for Development and Aid, une association fondée en 2011 par un groupe d'étudiants et de jeunes volontaires et qui a pour mission d'apporter une assistance aux réfugiés syriens au Liban, et Basmeh & Zeitooneh, une collectivité libanaise de secours et de développement dont le siège se trouve au camp palestinien de Chatila.
Ces jeunes étudiants ont pu en quelques jours, grâce au soutien de la communauté, contribuer à alléger le quotidien des femmes, des hommes et des enfants qui ont bénéficié des dons. Ils se disent satisfaits des résultats de cette première activité qu'ils ont menée pour venir en aide aux défavorisés. Une initiative appelée à se répéter et qui s'inscrit pleinement dans la mission et les principes d'action du club Red Oak qui, depuis son établissement en 2014, œuvre à favoriser l'activisme et le service communautaire chez les étudiants.

Les «Daily Deen Comics», ou comment de jeunes musulmans luttent, à leur manière, contre l’extrémisme religieux

Près de 80 000 abonnés des quatre coins du globe les suivent sur Instagram, commentent les messages qu'ils véhiculent et débattent des questions qu'ils soulèvent. Des questions de nature « sociale, communautaire, politique, culturelle, cultuelle, identitaire, religieuse, spirituelle, humaniste et humanitaire », souvent en lien avec l'actualité internationale. Les dessins attrayants et colorés de Daily Deen Comics abordent d'une manière originale et créative de sérieuses thématiques en vue de promouvoir auprès des jeunes internautes un islam de paix, « un islam modéré, équilibré, balancé et centré ».
Derrière cette initiative, lancée fin 2013 sur le Web, se rassemblent une soixantaine de jeunes diplômés universitaires en provenance de différentes parties du monde – Amérique du Nord, Europe, Asie, Afrique, Moyen-Orient –, des jeunes qui, le plus souvent, ne se connaissent que virtuellement via les réseaux sociaux, qui viennent de différents horizons mais qui partagent tous la même vision de leur religion. Sami Ammache, 24 ans, diplômé en sciences politiques et administratives de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth en 2015, est l'un de ces volontaires. « Nous formons une sorte de think tank, une boîte de réflexion qui produit des idées », affirme-t-il.
« Daily Deen Comics s'adresse à tout le monde : les musulmans et les non-musulmans, ceux qui partagent nos idées ou ceux qui désirent, tout simplement, en savoir plus sur l'islam tel qu'il est pratiqué par des musulmans prônant le vivre-ensemble, le respect d'autrui et la coexistence entre tous les individus du monde », poursuit Sami. Les dessins sont partagés sur les plateformes virtuelles : Facebook, Twitter et Tumblr, mais surtout Instagram. Ils sont abondamment likés, débattus et commentés par les abonnés qui, eux aussi, sont de différentes nationalités et régions. « Ils viennent principalement de Malaisie, d'Indonésie, d'Angleterre, des États-Unis, de Nigeria, d'Afrique du Sud, de Brunei et de Singapour », précise Sami. Et de souligner : « Il y a donc un fort écart de mentalité sur notre blog, ce qui rend le débat encore plus exotique et intéressant. »
Un temps fort des Daily Deen Comics : le dessin publié après les attentats de Paris, montrant une femme musulmane, la tête baissée, profondément attristée, et, en toile de fond, l'œuvre de l'artiste Jean Julien créée en solidarité avec la capitale française. Ce dessin a récolté le plus grand nombre de likes parmi tous les comics publiés par le groupe. « Nous y avons ajouté un verset du Coran qui condamne ces actes d'une violence inouïe commis au nom de l'islam. Un verset qui stipule : " Quiconque tue une âme innocente, c'est comme s'il avait tué l'humanité toute entière, et quiconque sauve une âme, c'est comme s'il avait sauvé l'humanité toute entière"», ajoute Sami.

Un manifeste du musulman de l'étranger
Les jeunes volontaires de Daily Deen Comics sont actuellement en phase de préparation d'un « manifeste du musulman vivant à l'étranger ». « Un manifeste qui retrace différentes prises de position et réflexions sur des questions sociopolitiques, identitaires et communautaires, précise Sami. Il s'agit d'une relecture des différents comportements des musulmans vivant à l'étranger qu'il faut corriger et rectifier pour redorer le blason d'une religion qui est très positive, et dont il est bien souvent très agréable de discuter, vu la profondeur de sa perception de la vie et la perspective d'un avenir apaisé qu'elle peut apporter. »
Et de conclure : « La guerre contre les mouvements extrémistes et radicaux ne pourra aboutir que par l'union des musulmans modérés et pacifiques en un groupe fort qui combat les armes par les idées, par la noblesse du comportement et les actes vertueux. Alors j'invite tous ceux qui partagent nos idéaux à se rassembler, pour partir à la conquête d'une religion que les extrémistes nous ont volée. »

Hémophilie sévère : un jeune étudiant témoigne

Il a 22 ans, Antoine*. Il est intelligent, ambitieux et déterminé. Comme la plupart des jeunes de son âge, il a des rêves plein la tête. Mais contrairement à ceux qui se contentent de souhaiter que leurs aspirations se concrétisent, le jeune étudiant en master de biologie travaille dur pour faire de ses objectifs une réalité. Intervenant au cours de la journée d'orientation professionnelle organisée à Beyrouth par l'Association libanaise de l'hémophilie et la société pharmaceutique Novo Nordisk le 11 décembre, le jeune homme raconte, avec une grande lucidité, sans apitoiement sur lui-même ni accent mélodramatique, son histoire avec l'hémophilie, une maladie rare et héréditaire due à l'absence ou au déficit d'un facteur de la coagulation sanguine qui touche un millier de personnes au Liban.
Le jeune étudiant, qui pourtant tient à garder son hémophilie secrète, notamment à l'université, pour ne pas « être réduit à sa maladie » et pour ne pas « voir la pitié dans le regard des gens », lance un important message aux enfants hémophiles et à leurs parents. « Je ne veux pas qu'ils atteignent le stade irréversible où je suis arrivé », explique-t-il en évoquant les atteintes articulaires qui l'affectent et qui sont causées par les longs et nombreux saignements qui ont rythmé son enfance. « Chez moi, l'arthrose, une maladie évolutive et dégénérative, est bien installée. Même si je ne saigne plus, la destruction du cartilage se poursuit. Je sais que lorsque j'aurai 30 ou 40 ans, il y a de fortes chances que je sois sur une chaise roulante. Ma capacité physique et mes choix de carrière sont limités. Par contre, les enfants atteints d'hémophilie ont, de nos jours, les moyens de ne pas en arriver là. En suivant, le plus tôt possible, un traitement prophylactique qui consiste en l'administration quotidienne de concentrés de facteurs de coagulation pour stopper les saignements avant qu'ils ne se produisent. Comme en Suisse, en France ou au Canada, ils pourront préserver leurs articulations », insiste le jeune homme qui, lui, n'a commencé à suivre une prophylaxie médicamenteuse qu'à l'âge de dix-huit ans.
Grâce au traitement préventif, le quotidien d'Antoine, comme celui de milliers d'hémophiles de par le monde, s'est vu considérablement amélioré. « J'ai dorénavant des journées qui ressemblent à celles des autres étudiants », se réjouit le jeune homme qui avait suivi l'essentiel de sa scolarité à partir de la maison, souvent alité, les membres pansés et immobilisés, en proie à de vives douleurs. « Les fréquents saignements que j'avais m'obligeaient à rester à la maison. Je ratais sept des neufs mois d'école. Et c'est grâce à ma mère, a-t-il poursuivi reconnaissant, que je suis arrivé à ce stade dans mon éducation. Elle communiquait en permanence avec mes enseignants, m'encadrait, me soutenait, m'aidait dans mes études. »
Malgré ses longues absences, le jeune étudiant a non seulement réussi à compléter sa scolarité sans retard, il a également toujours figuré parmi les premiers de sa classe. Toutefois, sa sévère hémophilie s'est répercutée sur sa vie sociale qui s'est longtemps limitée à sa famille. « Je n'avais pas d'amis. Pas de sortie en groupe, pas de scoutisme, pas de camps d'été. Souvent, je restais en classe durant les récréations pour éviter de descendre et de remonter les nombreux escaliers. » De ces années, Antoine garde le souvenir de l'amour et du soutien de sa famille, mais également le goût amer des choses non vécues : « Je n'ai pas couru. Je n'ai pas touché à un ballon. Je ne me suis jamais assis par terre. » Enfant, il confie n'avoir pas su « que c'était à cause de l'hémophilie ». « Tout ce que je savais, c'est que j'étais différent des autres et qu'il y avait beaucoup d'interdictions pour moi. Mais je ne me suis jamais demandé pourquoi. »

L'Association libanaise de l'hémophilie
« Ma vie a commencé à 18 ans, avec la prophylaxie », répète-t-il. « Grâce aux 1 000 unités du facteur antihémophilique que je m'administre un jour sur deux, je suis passé d'une hémophile sévère à une hémophilie modérée. Je n'ai plus peur des hémorragies spontanées », raconte Antoine qui dévoile un autre moment marquant dans son parcours avec l'hémophilie : sa rencontre avec l'Association libanaise de l'hémophilie (ALH) et sa présidente Solange Sakr. « J'avais douze ans à l'époque. Avec l'ALH, j'ai commencé à comprendre c'est quoi l'hémophilie. Et les choses se sont un peu améliorées pour moi. J'avais moins de douleurs, puisque je prenais les médicaments rapidement avant que l'articulation ne soit gorgée de sang et douloureuse. Et au lieu de rester dix jours à la maison à attendre que les saignements soient contenus, je récupérais après deux jours. »
Aujourd'hui, grâce au traitement préventif qu'il suit, Antoine voit l'avenir avec optimisme. « Je me suis fait des amis. Je sors. Je poursuis des études supérieures. Je vais à la fac. J'effectue des stages. Comme tous les autres jeunes. Bien sûr, je saigne encore parfois. Et je suis conscient des risques que j'encours, mais je continue ma vie normalement. Et il m'arrive désormais d'oublier pour un instant que je suis hémophile. »

*Nom fictif pour préserver son anonymat.

Au terme d'une journée d’orientation professionnelle organisée conjointement avec Novo Nordisk le 12 décembre, les membres de l’Association libanaise de l’hémophilie (ALH) posent avec la présidente de l’Association, Solange Sakr (deuxième à gauche).


Nadine Asmar, une belle promesse pour le cinéma libanais

Affolée, une adolescente se précipite à l'intérieur d'une église. L'endroit est désert et silencieux. Des cierges brûlent. Plan serré sur le visage troublé de l'écolière. Dans ses yeux anxieux, une profonde inquiétude voile l'insouciance propre aux jeunes de son âge. Le film de diplôme de Nadine Asmar plonge le spectateur, dès les premiers instants, dans l'ambiance gorgée d'angoisse de la guerre, dans un univers – ô combien proche de notre réalité actuelle – où des hommes « prisonniers de leurs préjugés et de leurs haines » sèment l'horreur.
« Mon court-métrage, intitulé L'aveugle de la cathédrale, est une adaptation libre du roman posthume éponyme du romancier libanais Farjallah Haïk, paru aux éditions Hatem en 1994 », précise la jeune fille qui vient de finir sa licence en cinéma et télévision à l'Institut des beaux-arts, section 2, de l'Université libanaise. Un ouvrage que l'étudiante découvre grâce à sa sœur Pascale Asmar qui cosignera avec elle le scénario du film et coproduira l'adaptation cinématographique. Inspiré de la guerre civile qui a déchiré le Liban, c'est un « roman prémonitoire », estime Nadine en faisant allusion à la recrudescence des violences confessionnelles dans différentes régions du globe.
Le court-métrage, d'une durée de dix-sept minutes, a nécessité cinq mois de travail dont quatre jours de tournage et un mois consacré au montage. Un travail assidu et de qualité qui n'a pas été exempt de difficultés. Des traverses que la jeune réalisatrice, qui soufflera dans quelques jours sa vingt et unième bougie, surmonte grâce au soutien et à l'appui indéfectible de sa famille. « Tous les membres de ma famille se sont mobilisés pour m'aider », raconte-t-elle, reconnaissante.
Le résultat final est remarquable. Parmi 2 000 films soumis, L'aveugle de la cathédrale figure sur la liste des dix films finalistes du Bluenose-Ability Film Festival, qui aura lieu au Canada au mois de décembre, dans la catégorie internationale des jeunes réalisateurs. Il est également sélectionné dans plusieurs festivals internationaux : au Voices Film Festival au Bahreïn, au Malmö Film Festival en Suède, au Sose International Film Festival en Arménie et au Chinese American Film Festival à Los Angeles, aux États-Unis. « Et il participera à la compétition du 21e Festival de Caminhos au Portugal », indique Nadine.
 
Transmettre un message, toucher le cœur et l'esprit du spectateur
La jeune fille qui, avant de s'inscrire à l'Institut des beaux-arts, a hésité entre l'audiovisuel et le journalisme confie que l'un de ses principaux objectifs, c'est d'atteindre le spectateur. Savoir que son film a « touché la personne qui l'a regardé, que celle-ci a pu s'y retrouver et y voir une réflexion de ses propres sentiments et pensées », compte beaucoup pour elle. « C'est une façon de mesurer l'importance du film chez l'audience. Et cela veut dire que mon film a rempli son objet principal », souligne-t-elle.
Au cours de sa formation en audiovisuel à l'UL, Nadine a réalisé deux autres courts-métrages. En deuxième année, le premier, intitulé Dans mon cocon, obtient une mention spéciale lors de la Journée cinématographique des étudiants de l'Institut national des beaux-arts, section 2. Son deuxième court-métrage universitaire, filmé en mandarin, est une adaptation de deux légendes de la mythologie chinoise.
Passionnée par le cinéma, Nadine se dit imprégnée par chaque film qu'elle regarde et « essaie d'en extraire la quintessence pour sa propre maturité et la maturité de son travail ». Parmi les films qui l'ont marquée, Nadine cite La Vita E Bella de Roberto Benigni. « Ce film qui repose sur un contexte de guerre, à savoir la Seconde Guerre mondiale, charrie un message d'une noblesse incroyable : un père prêt à tout pour le bien de sa famille, allant jusqu'au point de sacrifier sa propre vie pour son enfant. Le film, à la fois comique et dramatique, est l'un des films les plus touchants que j'aie vus », confie-t-elle.
Aujourd'hui, Nadine s'applique à perfectionner son expérience professionnelle à travers la réalisation de publicités et via la photographie. « Mon prochain projet sera bien sûr un court-métrage dont le sujet est en cours de réflexion. Je prévois aussi de continuer mes études supérieures en cinéma et réalisation. Et, surtout, j'aimerais travailler avec des réalisateurs internationaux pour atteindre une maturité pratique sur le plateau du tournage », dit-elle, avant d'ajouter : « Et ultérieurement, j'aimerais écrire et réaliser un long-métrage. »
La jeune réalisatrice avoue avoir beaucoup de rêves. « Le cinéma m'en donne plein ! » lance-t-elle, avant de conclure : « Le rêve est important, la réalisation effective aussi. J'espère que je pourrai réaliser ces projets et avoir toujours de nouvelles idées, car tant qu'on a des rêves, on est en vie et on est capable de progresser, de mûrir, de grandir et de changer le monde, modestement, grâce au cinéma et à l'art. »

Leila Saadé élue à la tête du Réseau francophone des femmes responsables dans l’enseignement supérieur et la recherche


C'est à l'unanimité qu'une cinquantaine de dirigeantes d'établissements universitaires et de recherche membres de l'AUF ont élu Leila Saadé présidente du bureau du Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche. Mme Saadé est la présidente de l'École doctorale de droit du Moyen-Orient, membre du conseil scientifique de l'AUF et professeure de droit à l'Université libanaise. Elle pilotera le réseau international de dirigeantes universitaires francophones établi en 2014 sous l'impulsion de l'AUF pour favoriser la parité hommes-femmes dans les postes décisionnels du milieu académique.
Outre sa présidente libanaise, le bureau du Réseau, mis en place lors de son assemblée constitutive qui s'est tenue à Paris le 16 octobre sous le parrainage de Michaëlle Jean, secrétaire générale de la Francophonie, comprend : Marie-Monique Rasoazananera, présidente de l'Université de Fianarantsoa et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (Madagascar) ; Christine Clerici, présidente de l'Université Paris Diderot-Paris VII (France); Ramata Bakayoto-Ly, présidente de l'Université Félix Houphouët-Boigny (Côte d'Ivoire) ; Aïcha Derdour Hadj Mokhtar, rectrice de l'Université des sciences et de la technologie Mohammad Boudiaf d'Oran (Algérie) ; Smaranda Angheni, rectrice de l'Université Titu Maiorescu de Bucarest (Roumanie) ; Marie-Linda Lord, vice-rectrice aux affaires étudiantes et internationales à l'Université de Moncton (Canada), et Dominique Aurélia, vice-présidente déléguée aux relations internationales à l'Université des Antilles (France).

Un observatoire pour lutter contre les discriminations
« Notre objectif principal est de mettre en place un observatoire selon des critères établis par un comité scientifique », indique Leila Saadé. Une première action que le Réseau mènera pour promouvoir l'accès des femmes universitaires aux postes de responsabilité dans les institutions d'enseignement supérieur et de la recherche. « Nous voulons pousser les femmes pour qu'elles prennent une place de plus en plus importante dans le monde académique et de recherche, en luttant contre les discriminations auxquelles elles font face... Des discriminations subies mais aussi, et les Libanaises en savent quelque chose, des discriminations choisies », souligne la présidente du Réseau.
L'identification, le partage et la promotion de bonnes pratiques dans le domaine de l'égalité homme/femme au sein de l'espace francophone de l'enseignement supérieur et de la recherche et le renforcement de la coopération avec les réseaux d'aires linguistiques différentes poursuivant les mêmes objectifs figurent parmi les priorités du Réseau.
Pour familiariser les universitaires aux questions de genre et diffuser une culture égalitaire, le Réseau a lancé, en partenariat avec l'Université de Rennes, une formation à distance sur les concepts et les approches genre. « Les modules ont commencé au mois de novembre. Nous avons reçu 69 candidatures représentant les 812 institutions membres de l'AUF à travers le monde », précise Mme Saadé qui estime que la discrimination contre les femmes est universelle. « De la France au Liban, en passant par les pays africains et maghrébins, le problème est le même. Ce qui change, ce sont quelques spécificités propres à chaque pays. » Et de conclure : « Chacun tout seul ne peut rien. Mais tous ensemble, nous pouvons. Lorsqu'il y a une véritable volonté, les choses ne pourront que bouger. »