http://www.resilience-psy.com ! Avril 2008

Chez nous, c'était le silence
"Rompre la loi du silence “Le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle qu’on fait contre le destin qui nous est imposé” Albert Camus
Ghada, l’héroïne du premier roman de Roula Azar Douglas, a douloureusement échoué dans cette quête. Mariée à Pierre, deux enfants, elle va vivre une tragédie dont elle pourra difficilement se relever, celle de la violence conjugale. Roula Azar Douglas, dans son roman “Chez nous, c’était le silence“, s’inspire de l’histoire d’une amie libanaise pour dénoncer le calvaire quotidien que vivent certaines femmes au sein de leur couple. Harcelées, battues, humiliées, tétanisées par un mari agressif, violent, parfois pervers, elles vivent un enfer au quotidien, mais trop souvent elles ne disent rien, se résignent, acceptent leur sort. Pourquoi? pourquoi Ghada, malgré sa conscience, sa souffrance et l’exhortation de sa soeur, reste-t-elle aux côtés de cet homme violent et dominateur? Parce qu’elle a peur des représailles, peur pour ses enfants. Au Liban, le père a quasiment tous les droits sur les enfants, elle veut continuer à les élever comme dans une famille normale. Parce qu’elle est démunie, elle n’a pas de profession, elle est complètement dépendante de son mari économiquement. Parce qu’elle est fragilisée, inhibée par ce qu’elle vit tous les jours. Parce qu’elle est à bout de force: elle met toute son énergie à minimiser les tensions pour protéger ses enfants de la violence gratuite de son mari et de la violence aveugle de la guerre civile. Parce qu’elle a perdu toute confiance en elle, elle se sent même parfois coupable de ce qui lui arrive, elle a honte. Parce qu’elle veut respecter la promesse qu’elle a faite à son père de ne pas briser son foyer pour la réputation de la famille: c’est déshonorant dans une famille libanaise de quitter son mari. Pour toutes ces raisons elle ne peut pas partir, elle ne s’autorise pas à partir. Ainsi elle creuse son malheur et elle conforte son mari dans sa brutalité. Roula nous fait vivre par une écriture simple et délicate les douleurs, les tourments et les émotions de Ghada.
En mélangeant réalité et fiction, elle veut rompre la loi du silence sur ce problème social mais également donner aux femmes qui subissent cette violence conjugale la force de se battre contre leur destin d’épouses maltraitées. Objectif réussi ! Le livre est touchant et donne envie de vous le partager. Le lire, en parler c’est lever un peu le voile sur un problème trop souvent nié au Liban, comme dans d’autres pays d’ailleurs. La tradition et la religion régissent les règles familiales et empêchent l’institution d’un mariage et d’un divorce civils. Les hommes conservent une place dominante, l’honneur et la réputation de la famille sont trop souvent évoqués pour garder le silence. Les femmes sont donc démunies : où trouver un refuge ? Comment se séparer de son époux violent ? Comment faire valoir ses droits à la garde des enfants ? Comment garder sa maison ? Comment vivre et élever ses enfants ? Si la lutte contre la violence passe en partie par l’éducation, il faudrait avant tout que la loi enfin protège les victimes et permette de condamner et de sanctionner les hommes responsables de sévices. Mais les femmes concernées doivent trouver le courage de les dénoncer. Et ce n’est pas facile ! Vous pouvez trouver ce livre à Paris à l'Institut du monde Arabe : Chez nous, c'était le silence de Roula Azar Douglas