À l’AUB, une campagne réussie pour adoucir l’hiver des réfugiés

Winter is staying for a while est le nom de la campagne menée du 13 au 16 janvier par le Red Oak Club de l'AUB. Quatre jours durant lesquels les membres du club étudiant — dynamiques, engagés et fort motivés — ont sillonné les rues de la capitale en vue de collecter des vêtements, des couvertures et d'autres nécessités destinés aux réfugiés syriens et palestiniens pour les aider à passer les mois froids de l'hiver. « Nous avons voulu, d'un côté, soutenir les réfugiés et, de l'autre, sensibiliser les gens à la notion de solidarité sociale et leur faire prendre conscience de leur responsabilité face à ceux qui sont dans le besoin », explique Aya Adra, présidente du club.
Les jeunes initiateurs de la campagne ont lancé des appels aux dons à l'université, auprès de leur entourage et sur les réseaux sociaux. Et pour encourager la population à prendre part à leur action, ils ont choisi de se rendre eux-mêmes chez les donateurs, au moment qui convient à ces derniers, pour ramasser les dons. « Nous avons tous dans nos placards des affaires que nous n'utilisons pas et des vêtements que nous ne portons plus, c'est notre responsabilité de ne pas les laisser là et de les offrir à ceux qui en ont besoin. » C'est le message qu'ils ont voulu transmettre aux citoyens « dans tous les quartiers de Beyrouth ». Et ils ont réussi à le faire. De nombreux appels leur demandant de venir collecter des sacs remplis d'habits, d'édredons et d'autres articles utiles leur sont parvenus des différents secteurs de la ville, notamment d'Achrafieh, Verdun, Furn el-Chebbak et Zoqaq el-Blat.
« Le sens civique est présent chez les gens qui ont généreusement donné des vêtements, des jouets, des couvertures... Et ils sont nombreux à nous avoir confié qu'ils voulaient venir en aide aux réfugiés mais ne savaient pas comment s'y prendre pour le faire », poursuit Aya.

Aider les autres, un devoir civique
« Il était important pour nous de ne pas distinguer entre les réfugiés. Les ONG, surtout internationales, s'intéressent temporairement à un groupe donné et oublie l'autre », souligne Aya Adra. La jeune étudiante en master de psychologie dénonce le « manque d'intérêt » du gouvernement envers les réfugiés et le « racisme » qui transparaît dans certaines des mesures qu'il leur a imposées. « Ces gens ont fui Israël ou l'oppression en Syrie, les hommes armés et la violence pour trouver refuge au Liban », rappelle-t-elle.
Pour acheminer les dons qu'ils ont collectés à leurs destinataires, les jeunes étudiants se sont tournés vers deux organisations communautaires : Sawa for Development and Aid, une association fondée en 2011 par un groupe d'étudiants et de jeunes volontaires et qui a pour mission d'apporter une assistance aux réfugiés syriens au Liban, et Basmeh & Zeitooneh, une collectivité libanaise de secours et de développement dont le siège se trouve au camp palestinien de Chatila.
Ces jeunes étudiants ont pu en quelques jours, grâce au soutien de la communauté, contribuer à alléger le quotidien des femmes, des hommes et des enfants qui ont bénéficié des dons. Ils se disent satisfaits des résultats de cette première activité qu'ils ont menée pour venir en aide aux défavorisés. Une initiative appelée à se répéter et qui s'inscrit pleinement dans la mission et les principes d'action du club Red Oak qui, depuis son établissement en 2014, œuvre à favoriser l'activisme et le service communautaire chez les étudiants.

Les «Daily Deen Comics», ou comment de jeunes musulmans luttent, à leur manière, contre l’extrémisme religieux

Près de 80 000 abonnés des quatre coins du globe les suivent sur Instagram, commentent les messages qu'ils véhiculent et débattent des questions qu'ils soulèvent. Des questions de nature « sociale, communautaire, politique, culturelle, cultuelle, identitaire, religieuse, spirituelle, humaniste et humanitaire », souvent en lien avec l'actualité internationale. Les dessins attrayants et colorés de Daily Deen Comics abordent d'une manière originale et créative de sérieuses thématiques en vue de promouvoir auprès des jeunes internautes un islam de paix, « un islam modéré, équilibré, balancé et centré ».
Derrière cette initiative, lancée fin 2013 sur le Web, se rassemblent une soixantaine de jeunes diplômés universitaires en provenance de différentes parties du monde – Amérique du Nord, Europe, Asie, Afrique, Moyen-Orient –, des jeunes qui, le plus souvent, ne se connaissent que virtuellement via les réseaux sociaux, qui viennent de différents horizons mais qui partagent tous la même vision de leur religion. Sami Ammache, 24 ans, diplômé en sciences politiques et administratives de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth en 2015, est l'un de ces volontaires. « Nous formons une sorte de think tank, une boîte de réflexion qui produit des idées », affirme-t-il.
« Daily Deen Comics s'adresse à tout le monde : les musulmans et les non-musulmans, ceux qui partagent nos idées ou ceux qui désirent, tout simplement, en savoir plus sur l'islam tel qu'il est pratiqué par des musulmans prônant le vivre-ensemble, le respect d'autrui et la coexistence entre tous les individus du monde », poursuit Sami. Les dessins sont partagés sur les plateformes virtuelles : Facebook, Twitter et Tumblr, mais surtout Instagram. Ils sont abondamment likés, débattus et commentés par les abonnés qui, eux aussi, sont de différentes nationalités et régions. « Ils viennent principalement de Malaisie, d'Indonésie, d'Angleterre, des États-Unis, de Nigeria, d'Afrique du Sud, de Brunei et de Singapour », précise Sami. Et de souligner : « Il y a donc un fort écart de mentalité sur notre blog, ce qui rend le débat encore plus exotique et intéressant. »
Un temps fort des Daily Deen Comics : le dessin publié après les attentats de Paris, montrant une femme musulmane, la tête baissée, profondément attristée, et, en toile de fond, l'œuvre de l'artiste Jean Julien créée en solidarité avec la capitale française. Ce dessin a récolté le plus grand nombre de likes parmi tous les comics publiés par le groupe. « Nous y avons ajouté un verset du Coran qui condamne ces actes d'une violence inouïe commis au nom de l'islam. Un verset qui stipule : " Quiconque tue une âme innocente, c'est comme s'il avait tué l'humanité toute entière, et quiconque sauve une âme, c'est comme s'il avait sauvé l'humanité toute entière"», ajoute Sami.

Un manifeste du musulman de l'étranger
Les jeunes volontaires de Daily Deen Comics sont actuellement en phase de préparation d'un « manifeste du musulman vivant à l'étranger ». « Un manifeste qui retrace différentes prises de position et réflexions sur des questions sociopolitiques, identitaires et communautaires, précise Sami. Il s'agit d'une relecture des différents comportements des musulmans vivant à l'étranger qu'il faut corriger et rectifier pour redorer le blason d'une religion qui est très positive, et dont il est bien souvent très agréable de discuter, vu la profondeur de sa perception de la vie et la perspective d'un avenir apaisé qu'elle peut apporter. »
Et de conclure : « La guerre contre les mouvements extrémistes et radicaux ne pourra aboutir que par l'union des musulmans modérés et pacifiques en un groupe fort qui combat les armes par les idées, par la noblesse du comportement et les actes vertueux. Alors j'invite tous ceux qui partagent nos idéaux à se rassembler, pour partir à la conquête d'une religion que les extrémistes nous ont volée. »

Hémophilie sévère : un jeune étudiant témoigne

Il a 22 ans, Antoine*. Il est intelligent, ambitieux et déterminé. Comme la plupart des jeunes de son âge, il a des rêves plein la tête. Mais contrairement à ceux qui se contentent de souhaiter que leurs aspirations se concrétisent, le jeune étudiant en master de biologie travaille dur pour faire de ses objectifs une réalité. Intervenant au cours de la journée d'orientation professionnelle organisée à Beyrouth par l'Association libanaise de l'hémophilie et la société pharmaceutique Novo Nordisk le 11 décembre, le jeune homme raconte, avec une grande lucidité, sans apitoiement sur lui-même ni accent mélodramatique, son histoire avec l'hémophilie, une maladie rare et héréditaire due à l'absence ou au déficit d'un facteur de la coagulation sanguine qui touche un millier de personnes au Liban.
Le jeune étudiant, qui pourtant tient à garder son hémophilie secrète, notamment à l'université, pour ne pas « être réduit à sa maladie » et pour ne pas « voir la pitié dans le regard des gens », lance un important message aux enfants hémophiles et à leurs parents. « Je ne veux pas qu'ils atteignent le stade irréversible où je suis arrivé », explique-t-il en évoquant les atteintes articulaires qui l'affectent et qui sont causées par les longs et nombreux saignements qui ont rythmé son enfance. « Chez moi, l'arthrose, une maladie évolutive et dégénérative, est bien installée. Même si je ne saigne plus, la destruction du cartilage se poursuit. Je sais que lorsque j'aurai 30 ou 40 ans, il y a de fortes chances que je sois sur une chaise roulante. Ma capacité physique et mes choix de carrière sont limités. Par contre, les enfants atteints d'hémophilie ont, de nos jours, les moyens de ne pas en arriver là. En suivant, le plus tôt possible, un traitement prophylactique qui consiste en l'administration quotidienne de concentrés de facteurs de coagulation pour stopper les saignements avant qu'ils ne se produisent. Comme en Suisse, en France ou au Canada, ils pourront préserver leurs articulations », insiste le jeune homme qui, lui, n'a commencé à suivre une prophylaxie médicamenteuse qu'à l'âge de dix-huit ans.
Grâce au traitement préventif, le quotidien d'Antoine, comme celui de milliers d'hémophiles de par le monde, s'est vu considérablement amélioré. « J'ai dorénavant des journées qui ressemblent à celles des autres étudiants », se réjouit le jeune homme qui avait suivi l'essentiel de sa scolarité à partir de la maison, souvent alité, les membres pansés et immobilisés, en proie à de vives douleurs. « Les fréquents saignements que j'avais m'obligeaient à rester à la maison. Je ratais sept des neufs mois d'école. Et c'est grâce à ma mère, a-t-il poursuivi reconnaissant, que je suis arrivé à ce stade dans mon éducation. Elle communiquait en permanence avec mes enseignants, m'encadrait, me soutenait, m'aidait dans mes études. »
Malgré ses longues absences, le jeune étudiant a non seulement réussi à compléter sa scolarité sans retard, il a également toujours figuré parmi les premiers de sa classe. Toutefois, sa sévère hémophilie s'est répercutée sur sa vie sociale qui s'est longtemps limitée à sa famille. « Je n'avais pas d'amis. Pas de sortie en groupe, pas de scoutisme, pas de camps d'été. Souvent, je restais en classe durant les récréations pour éviter de descendre et de remonter les nombreux escaliers. » De ces années, Antoine garde le souvenir de l'amour et du soutien de sa famille, mais également le goût amer des choses non vécues : « Je n'ai pas couru. Je n'ai pas touché à un ballon. Je ne me suis jamais assis par terre. » Enfant, il confie n'avoir pas su « que c'était à cause de l'hémophilie ». « Tout ce que je savais, c'est que j'étais différent des autres et qu'il y avait beaucoup d'interdictions pour moi. Mais je ne me suis jamais demandé pourquoi. »

L'Association libanaise de l'hémophilie
« Ma vie a commencé à 18 ans, avec la prophylaxie », répète-t-il. « Grâce aux 1 000 unités du facteur antihémophilique que je m'administre un jour sur deux, je suis passé d'une hémophile sévère à une hémophilie modérée. Je n'ai plus peur des hémorragies spontanées », raconte Antoine qui dévoile un autre moment marquant dans son parcours avec l'hémophilie : sa rencontre avec l'Association libanaise de l'hémophilie (ALH) et sa présidente Solange Sakr. « J'avais douze ans à l'époque. Avec l'ALH, j'ai commencé à comprendre c'est quoi l'hémophilie. Et les choses se sont un peu améliorées pour moi. J'avais moins de douleurs, puisque je prenais les médicaments rapidement avant que l'articulation ne soit gorgée de sang et douloureuse. Et au lieu de rester dix jours à la maison à attendre que les saignements soient contenus, je récupérais après deux jours. »
Aujourd'hui, grâce au traitement préventif qu'il suit, Antoine voit l'avenir avec optimisme. « Je me suis fait des amis. Je sors. Je poursuis des études supérieures. Je vais à la fac. J'effectue des stages. Comme tous les autres jeunes. Bien sûr, je saigne encore parfois. Et je suis conscient des risques que j'encours, mais je continue ma vie normalement. Et il m'arrive désormais d'oublier pour un instant que je suis hémophile. »

*Nom fictif pour préserver son anonymat.

Au terme d'une journée d’orientation professionnelle organisée conjointement avec Novo Nordisk le 12 décembre, les membres de l’Association libanaise de l’hémophilie (ALH) posent avec la présidente de l’Association, Solange Sakr (deuxième à gauche).