Au Liban, le familialisme politique et la marginalisation des femmes

La structure politique libanaise donne naissance à des éléments toxiques qui entravent la participation politique des femmes et empêchent l'État de devenir une véritable démocratie.

« La cause profonde de la sous-représention des femmes en politique au Liban est enracinée dans le familialisme qui sévit dans les partis politiques dominants. » C'est l'une des conclusions d'un intéressant mémoire réalisé par une jeune étudiante palestinienne, Hind Sharif, au Centre interuniversitaire européen pour les droits de l'homme, à Venise en Italie, et qui lui a valu la meilleure note de sa promotion et les félicitations de ses professeurs. Menée dans le cadre d'un master en démocratie et droits de l'homme dans la région MENA dont un semestre a été effectué à l'Université Saint-Joseph à Beyrouth, cette recherche a également montré que le système libanais du partage du pouvoir perpétue les clivages entre les différentes communautés confessionnelles et renforce l'hégémonie des leaders.


« Alors que le familialisme politique est considéré être à l'origine de la discrimination contre les femmes en politique, ce système est renforcé et soutenu par le système électoral en vigueur (ancienne loi) et la formule sectaire de partage du pouvoir. Cet arrangement a ancré les polarisations entre les communautés confessionnelles et a permis aux familles puissantes de maintenir leurs positions héréditaires et leur statu quo, régénérant ainsi un système politique dominé par les hommes et par les clans », explique la jeune chercheuse de 23 ans originaire de Ramallah. Hind, qui effectue actuellement un stage au Parlement européen à Bruxelles au sein de l'Unité d'action pour les droits de l'homme de la Direction générale des politiques externes de l'Union, poursuit : « La structure politique libanaise donne naissance à des éléments toxiques qui entravent la participation politique des femmes et empêchent l'État de devenir une démocratie véritable et fonctionnelle. »
Vaste recherche qualitative
« Alors que l'État libanais a réussi à donner une image libérale de son traitement des femmes, le Liban souffre d'avoir l'un des taux les plus faibles de participation politique des femmes dans la région arabe et dans le monde. Selon l'Union interparlementaire, en 2017, le Liban se classait au 185e rang sur 193 pays dans la classification mondiale de la représentation des femmes au Parlement, avec 3,1 % de femmes au Parlement. C'est plus ou moins le même taux de participation que des pays réputés pour être considérablement plus conservateurs que le Liban, tels que la République islamique d'Iran (3,1 %) ou le Bahreïn (2,7 %) », souligne Hind Sharif.
Intriguée par le décalage entre « la présence et la réussite des femmes libanaises dans les milieux éducatif, social et économique » et « leur très faible participation en politique », la jeune chercheuse mène une vaste étude qualitative sur la participation politique des femmes au Liban et les causes de leur presque absence du pouvoir. Elle interroge des experts, rencontre des candidates aux élections municipales et parlementaires, prend part à un groupe de discussion et effectue une large recherche documentaire. « Les plus grandes difficultés que j'ai rencontrées dans le cadre de ma recherche étaient les contraintes de temps et le manque de contacts. J'ai cependant pu les surmonter grâce à l'aide généreuse de diverses organisations, activistes, collègues, universitaires et étudiants qui ont vraiment rendu cette recherche possible », confie Hind qui tient à remercier tout particulièrement sa directrice de mémoire, la professeure Fadia Kiwan, « dont l'expertise, le soutien et les idées ont contribué à la richesse de cette recherche ».
Reconnaître les lacunes Le familialisme politique au Liban aurait un lourd impact non seulement sur la participation politique des femmes mais également sur la carrière politique des hommes qui viennent de l'extérieur du cercle proche des leaders. « Les aspirants politiques au Liban, qu'ils soient hommes ou femmes qui ne font pas partie des familles au pouvoir ou de leurs réseaux proches trouvent qu'ils ne peuvent pas accéder à des postes élevés au sein des partis politiques, même s'ils ont acquis les compétences nécessaires ».
Lorsque la plupart des recherches précédentes sur la participation politique des Libanaises mettent l'accent sur deux obstacles-clés qui entravent l'accès des femmes aux postes décisionnels : le patriarcat et le système politique sectaire, l'étude de Hind Sharif montre que le système politique sectaire et la société patriarcale au Liban ne sont pas à l'origine de la marginalisation politique des femmes, mais qu'ils la renforcent et la perpétuent. « Ce sont les structures profondes qui façonnent le système politique libanais et les caractéristiques internes des partis politiques, enracinés dans le familialisme politique et les réseaux clientélistes, qui en sont la première cause », souligne la jeune chercheuse.
Les conclusions de cette recherche pourraient servir à trouver des solutions appropriées et efficaces à la faible participation politique des femmes au Liban. « Si l'adoption d'un quota est nécessaire pour renforcer la participation politique des femmes, cette démarche doit s'accompagner d'initiatives de démocratisation visant à affaiblir les caractéristiques familiales et clientélistes actuelles qui dominent le système politique libanais », estime la jeune étudiante.
« Un nombre croissant de pays ont adopté des lois pour réglementer le fonctionnement des partis politiques. Le Liban n'a pas encore de telles lois. L'adoption de mesures pareilles affaiblirait l'autocratie au sein des partis politiques et diminuerait le leadership perpétuel des partis et le familialisme politique, ouvrant la voie à de nouveaux candidats et renforçant la démocratisation des partis », indique encore Hind Sharif. Et de conclure : « La réforme nécessite une décision politique et une volonté de reconnaître les lacunes dans le modèle démocratique du Liban et son exclusion de femmes compétentes de la politique (et d'hommes compétents qui viennent de l'extérieur des familles politiques et de leurs proches). Je crois fermement que mener des recherches dans ce domaine est une étape importante pour plaider et faire pression pour la mise en œuvre de ce changement. »

« Il ne suffit pas d’avoir un diplôme, il faut également posséder des compétences »

Construire le nouvel espace universitaire francophone comme réponse aux grands défis auxquels font face les établissements, tel est l'objectif principal de l'AUF pour les prochaines années, confie Sorin-Mihai Cîmpeanu.

En réponse aux besoins des établissements membres d'enseignement supérieur et de la recherche face aux grands défis qu'ils rencontrent et en mettant en avant la solidarité active entre ses universités partenaires, l'AUF entend construire le nouvel espace universitaire francophone (NEUF).
« Neuf, c'est également le nombre des priorités sur lesquelles repose notre nouvelle stratégie », précise Sorin-Mihai Cîmpeanu, président de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), de passage au Liban pour le colloque annuel de l'AUF organisé à Beyrouth les 7 et 8 novembre. Homme aux multiples casquettes, le recteur de l'Université des sciences économiques et de médecine vétérinaire de Bucarest, député au Parlement de la Roumanie et membre de la délégation du Parlement de la Roumanie à l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), a défini pour « Campus » la nouvelle stratégie de l'AUF adoptée à la 17e assemblée générale de Marrakech au mois de mai dernier. « Le premier défi est celui de la qualité. La qualité de la formation, celle des étudiants, mais aussi celle des enseignants, la qualité de la recherche scientifique et celle de la gouvernance des établissements d'enseignement supérieur. »
Le deuxième volet de la nouvelle stratégie de l'AUF porte sur l'employabilité et l'insertion professionnelle des diplômés. Pour trouver des solutions concrètes aux difficultés d'intégration des diplômés sur le marché de l'emploi, l'AUF veut intensifier le dialogue entre le monde académique et les milieux économiques, mieux « adapter les formations offertes aux besoins socio-économiques » et encourager chez les étudiants l'esprit entrepreneurial. « Les entreprises apprécient de moins en moins les diplômes. Elles recherchent des habiletés. Aujourd'hui, avec la technologie, nous avons accès en un clic aux connaissances et à l'information. Il faut que les diplômés sortent des universités avec des compétences. Il ne suffit pas d'avoir des diplômes », insiste le président de l'AUF. Une constatation que cet ancien ministre de l'Éducation et de la Recherche scientifique en Roumanie avait déjà faite il y a une quinzaine d'années. Alors professeur en génie, il avait recruté ses étudiants les plus brillants pour l'entreprise multinationale qu'il dirigeait. « À mon grand étonnement, les bons résultats universitaires des diplômés que j'ai sélectionnés ne se sont pas traduits par de bonnes compétences dans le milieu du travail », confie-t-il.
« Le rôle des établissements d'enseignement supérieur comme moteur de développement local et régional est au sein de notre troisième grand défi », poursuit le président de l'AUF, qui entend renforcer la contribution des établissements membres au développement économique, social, environnemental, culturel, linguistique et interculturel. Et d'ajouter : « Les universités ont un rôle important à jouer dans la promotion de la paix et de la diversité culturelle. »

Égalité hommes/femmes
Le très dynamique président de l'AUF confie que parmi toutes les fonctions qu'il a occupées dont le poste de Premier ministre par intérim du gouvernement de la Roumanie en 2015, « être le président de l'Agence universitaire de la francophonie est le plus honorable ». « C'est également une grande responsabilité. Les objectifs sont très importants et la couverture de l'AUF est très large », souligne Sorin-Mihai Cîmpeanu.
Répondant à une question sur le rôle de l'AUF dans la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes auprès de ses établissements membres, le président de l'AUF est revenu sur la conférence internationale des femmes de la francophonie, organisée à Bucarest les 1 et 2 novembre par la Roumanie et l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) sous le thème « Création, innovation, entrepreneuriat, croissance et développement : les femmes s'imposent ». Et de préciser : « Un réseau de femmes francophones entrepreneuses a été mis en place au cours de cette conférence. Et je me suis vu recevoir une décoration de la part de l'ONU-section femmes pour le soutien de l'égalité hommes/femmes, et dont je suis très fier. »