Le Women’s Rights Club de l’AUB, ces étudiant(e)s qui veulent devenir acteur(trice)s du changement

Elle a l'entrain et le dynamisme de ses vingt ans, le discernement et la maturité d'une femme beaucoup plus âgée. Ingrid Kasbah, fondatrice et présidente du Women's Rights Club de l'AUB, a les pieds sur terre et des projets plein la tête, à commencer par le club féministe qu'elle a fondé il y a trois mois au sein de son université. 
« On me demande souvent pourquoi ce club ? La réponse est évidente. Il n'y a pas assez d'éveil quant aux droits des femmes, surtout parmi les étudiants », lance avec vigueur Ingrid. En quelques semaines seulement, la jeune étudiante en génie informatique et de la communication a réussi, avec l'aide d'une poignée de ses camarades, à rassembler des dizaines d'étudiants et d'étudiantes autour de la cause qu'ils défendent.
Parmi leurs premières activités sur le terrain, une opération de sensibilisation à l'égalité hommes-femmes menée au Collège Rafic Harri. « Ce fut une très belle expérience. Très réussie. Les 11-12 ans ciblés par notre initiative étaient très réceptifs », se réjouit Ingrid. Et d'ajouter dans un sourire : « En sortant de l'établissement, nous avons surpris une conversation entre deux élèves. Ils parlaient d'égalité. »
Les membres du Women's Rights Club sont convaincus du « rôle essentiel de l'éducation comme vecteur de changement social ». Et ils sont résolus à tisser des liens et à collaborer avec d'autres acteurs sociaux tels que les organisations non gouvernementales, la Commission nationale des affaires de la femme libanaise et le Comité des droits de la femme avec lesquels ils participent déjà au projet « Lana Hak » (Nous avons le droit) qui encourage la participation active des femmes aux instances de prise de décision.
Libérer l'homme aussi
Le 11 mars, l'événement organisé à l'occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes par le Women's Rights Club, en partenariat avec les autres clubs de l'AUB, et auquel ont participé, outre les étudiants, plusieurs ONG, fut un franc succès. « Chaque club a animé un stand avec, pour thème, un des droits lésés des Libanaises », précise Ingrid qui rêve d'un jour où « nous n'aurons plus besoin de revendiquer nos droits, car ils seront tous acquis ».
Le Women's Rights Club réalise et publie auprès des étudiants un magazine mensuel, « fait main », libre et créatif. La présidente du club conclut : « Quand on lutte contre les stéréotypes qui touchent la femme, on libère l'homme également. On entend toujours : être un homme signifie être fort ; l'homme peut être faible. Le changement de ces idées toutes faites, avec lesquelles on a été élevé, prend du temps, mais il faut le faire. »
Pour en savoir plus sur le club : www.facebook.com/WomensRightsClubAUB

« Organized chaos », ou Beyrouth vue autrement

Des tableaux gais, colorés et frais, signés Marianne Karam, évoquant Beyrouth dans toutes ses contradictions, sont exposés à l'espace créatif multifonctionnel L'Appartement, à Achrafieh.


Le regard que Marianne Karam porte sur Beyrouth est à la fois celui du touriste émerveillé qui découvre la capitale libanaise pour la première fois et de l'émigré nostalgique ému devant un visage ridé sous un tarbouche traditionnel. « J'ai dessiné le Beyrouth que j'ai vu lorsque je suis retournée au Liban, celui qui m'a manqué lorsque j'étais loin », lance la jeune artiste qui a longtemps vécu à l'étranger, notamment au sultanat de Oman, un pays où « les options sont limitées ». « Beyrouth me parle, ses couleurs, ses embouteillages, sa foule, son chaos, ses panneaux d'affichage », poursuit Marianne.
Peintes à la gouache, dessinées avec des feutres ou des crayons japonais, ses représentations, dans le style naïf, sont toutes empreintes de joie et de bonne humeur. « Le Libanais est bombardé de négativité, notamment par les médias. C'est à se demander si on ne veut pas le pousser à haïr son pays », fulmine Marianne qui voit dans « les contradictions de Beyrouth », une multiplicité de choix pour ses habitants et ses visiteurs.
« Organized chaos » est le fruit d'un travail intensif d'environ deux mois que l'artiste a effectué alors qu'elle était en visite à Dubaï. « Lorsque j'ai réalisé le premier tableau de cette collection, je n'avais pas de plan bien déterminé. C'est plus tard que le projet est devenu plus clair », précise l'artiste.
Le pays en images
Marianne Karam, titulaire d'une maîtrise en études multidisciplinaires de l'Université de Buffalo, à New York, se prépare à lancer son deuxième ouvrage intitulé My Lebanon #nofilter. Il s'agit d'un recueil de photos prises par l'artiste à travers le Liban, accompagnées chacune par un commentaire ou un texte explicatif. Ce livre, réalisé dans le même esprit de positivité et d'amour du pays que la collection « Organized chaos », est destiné aux « touristes, aux Libanais vivant à l'étranger et à ceux qui résident au Liban ».
Une tranche de pastèque sous le soleil d'été, des vaches qui se promènent au bord de la mer, des célébrations à Ehden... « Les photos montrent des scènes, des paysages, des situations qui donnent envie de revenir au Liban que la situation sécuritaire y soit bonne ou non », indique Marianne. Elle tient à préciser qu'elle n'est pas photographe professionnelle. « Ces clichés sont pris avec mon portable. Ils racontent des histoires que vos amis peuvent vous répéter pour vous inciter à visiter le Liban. Des choses que les gens ne connaissent pas avant de découvrir le pays du Cèdre et qu'ils gardent en eux lorsqu'ils partent. »
R. A. D.
L'exposition se poursuit jusqu'au 11 avril, à l'espace créatif L'Appartement, rue Nicolas Mrad, quartier Sioufi, à Achrafieh, téléphone : 03/760044.

Ahmad Ghourabi, l’étudiant qui veut faire avancer les droits des femmes


« Tu ne veux pas avoir un vrai partenaire dans la vie ? » C'est ainsi qu'Ahmad Ghourabi, fondateur et président du Women's Rights Club de l'Université libanaise (UL), aborde les droits des femmes avec les jeunes hommes qu'il cherche à conscientiser. « Lorsque je veux sensibiliser mes confrères à la cause féminine, j'essaye toujours de rapprocher le sujet de leur vécu et des situations qu'ils vivent. Et le problème social le plus grave auquel ils font face à cet âge, c'est comment rencontrer et se lier avec la femme de leur vie... », explique-t-il. Pour cet étudiant en master de chimie, 22 ans, originaire de Saïda, notre société patriarcale est dangereuse, non seulement pour les femmes, mais également pour les hommes. « En privant la femme de certaines responsabilités, elle exerce une grande pression sur l'homme. Et cela dans les divers aspects de la vie : économique, social mais également affectif. On attend de l'homme qu'il assure tout, avant et après le mariage. Et avec la mauvaise situation économique actuelle, ce n'est pas facile pour lui », dénonce le jeune étudiant qui raconte s'être intéressé à la chimie après avoir vu son rêve d'intégrer l'École militaire voler en éclats « malgré ses bons résultats scolaires », car il n'avait pas « de piston politique ».
Les racines du militantisme d'Ahmad pour les droits des femmes remontent à loin. Le jeune homme confie que « son amour pour ses trois sœurs », beaucoup plus âgées que lui, a constitué un facteur déterminant dans sa volonté de défendre les femmes et leurs droits.
La naissance du Women's Rights Club
« Pour faire avancer la cause des femmes et atteindre une meilleure justice sociale, il faut cibler les jeunes, ce sont les clés du changement », affirme Ahmad qui, parallèlement à ses études en chimie, donne des leçons particulières aux étudiants des classes terminales. Et pour toucher les jeunes, quel meilleur endroit que l'université ? Le jeune militant en est conscient. Au mois de novembre 2014, et après deux longs mois et maintes difficultés pour obtenir l'autorisation, il réussit à créer dans sa faculté à Hadath le Women's Rights Club, premier club pour les droits des femmes à l'UL. « La naissance de notre club n'a pas été facile. "Choisissez un sujet un peu plus décent", nous a-t-on dit au début. Et dernièrement, on nous a poussés à annuler une activité prévue au sein de la fac pour soutenir la participation politique de la femme », dénonce Ahmad.
Le Women's Rights Club – dont le principal objectif est de conscientiser et sensibiliser la jeunesse libanaise sur « le respect de la femme » et « l'importance de ses droits » – a commencé ses activités sur le terrain en animant des débats estudiantins sur différents sujets sociaux. Une approche interactive qui a permis aux membres du club de déconstruire les stéréotypes et de changer les perceptions erronées. « Nous avons réalisé que de nombreuses filles ne connaissent pas leurs droits », révèle Ahmad, avant d'évoquer, à titre d'exemple, les jeunes étudiantes qui rêvent d'un mari « aisé financièrement, qui a réussi dans la vie » au lieu d'envisager leur propre réussite professionnelle et sociale.
Actuellement, l'association estudiantine qui réunit 22 membres, filles et garçons, de différentes confessions et appartenances, participe, avec la Commission nationale des affaires de la femme libanaise, au projet « Lana Hak » (On a le droit). Une initiative qui soutient la participation active des femmes aux instances de prise de décision. « Nous suivons également des ateliers formatifs avec l'ONG Abaad et le Comité des droits de la femme libanaise qui nous soutiennent », précise Ahmad, qui a déjà participé à de multiples conférences autour des droits des femmes, au Liban, mais également en Jordanie, au Kurdistan iranien et en Turquie.
Pour conclure, le jeune militant insiste sur l'importance d'adopter une approche inclusive dans la lutte pour les droits des femmes. « Les problèmes des femmes au Liban ne seront pas résolus sans la participation des hommes, en tant que partenaires du problème et des solutions. Toute initiative qui ne prend pas cela en considération sera vouée à l'échec », affirme-t-il.
Pour en savoir plus sur le Women's Rights Club de l'UL : www.facebook.com/women.club.ul? fref=ts.

Les femmes écartées de la direction des principales universités au Liban


Zéro. C'est le nombre de femmes à la tête des principales universités libanaises. En 2014. Un constat désastreux. Une situation désolante qui ne se limite pas au Liban, comme l'a montré le colloque international « Femmes universitaires, femmes de pouvoir ? » organisé par l'AUF à Dakar (Sénégal) les 13 et 14 novembre. Rencontre au cours de laquelle 25 intervenants, dont 24 femmes, issus de 15 pays, ont débattu devant près de 200 personnes des causes de la sous-représentation des femmes aux postes de pouvoir dans les universités.

« Nous aurions pu penser que le milieu de l'enseignement supérieur et de la recherche, haut lieu académique, de science et de culture, serait égalitaire. Malheureusement, les chiffres qui ont été égrenés par les intervenantes et intervenants, tout au long de ces deux jours, montrent clairement que, loin d'être un milieu qui prône l'égalité de genre, les universités sont, tous pays et disciplines confondus, un espace de discrimination pour les femmes. Les chiffres mettent en lumière un monde universitaire profondément discriminatoire, et c'est simplement l'ampleur du phénomène et ses spécificités qui changent d'un pays à un autre », déplore Leila Saadé, coordonnatrice du Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche.

Le réseau, mis en place par l'AUF en mars 2014 et dirigé par Mme Saadé, vise à améliorer l'accès des femmes universitaires aux postes de responsabilité. Il est ouvert aux académiciennes, enseignantes et chercheuses de l'Afrique, du Maghreb, du Moyen-Orient, de l'Europe et du continent américain. « Nous voulons, à travers le Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche, créer une solidarité entre les femmes universitaires, les mobiliser pour faire avancer la cause de l'égalité hommes-femmes et les encourager à braver l'hostilité en leur donnant les moyens d'abattre les obstacles sur le chemin de l'égalité », explique Leila Saadé qui a fondé en 1996 et dirigé pendant 15 ans la filière francophone de droit au Liban, et qui fut la doyenne de l'École doctorale de droit et des sciences politiques, administratives et économiques de l'UL pendant plus de six ans. Et de poursuivre : « Notre objectif est également d'assurer une formation aux femmes universitaires qui voudraient s'investir dans les établissements académiques et de recherche. Formation qui leur permettra de découvrir leur potentiel et les compétences dont elles sont porteuses et d'utiliser les outils dans l'exercice de leurs futures responsabilités. »

Les recommandations du colloque
Pour promouvoir l'égalité de genre dans l'enseignement supérieur et la recherche, la coordinatrice du Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche a proposé à l'AUF d'introduire dans les chartes d'adhésion à l'agence et dans les conventions qu'elle signe avec les universités membres un article sur l'égalité hommes-femmes. « Et même au-delà, l'AUF peut conditionner son soutien à ces institutions à l'évolution de la place de la femme dans leurs instances dirigeantes », recommande Leila Saadé, qui est aussi présidente de l'École doctorale de droit du Moyen-Orient.

Au terme du colloque, les participantes et les participants ont adressé les recommandations suivantes aux chefs d'État et de gouvernement de la Francophonie pour favoriser l'égal accès aux responsabilités dans le milieu universitaire : former les responsables politiques et les cadres de la fonction publique à l'égalité femmes-hommes ; doter les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Recherche d'une Direction sur l'égalité femmes-hommes ; mettre en place un observatoire de l'égalité femmes-hommes au sein de chaque université; nommer un(e) référent(e) genre dans les universités; soutenir financièrement la sensibilisation à l'égalité femmes-hommes à tous les niveaux et dans toutes les disciplines par la mise en place de modules de formation ; légiférer pour assurer la parité au sein des instances dirigeantes des établissements universitaires et de recherche; financer les travaux de recherche pour produire des données scientifiques sur la situation des femmes dans l'enseignement supérieur et la recherche ; assortir tous les projets de recherche d'une dimension « égalité » ; créer un répertoire de bonnes pratiques sur la parité dans les universités ; rendre obligatoire la prévention et la lutte contre le sexisme et les violences sexuelles par la création d'un bureau de lutte contre le harcèlement sexuel au sein des universités.

Des recommandations ont été également émises à l'adresse de l'AUF : consolider et renforcer le Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche ; créer un prix pour les meilleurs travaux pour les femmes scientifiques ; introduire un article sur l'égalité femmes-hommes dans la charte d'adhésion à l'agence ; créer une revue scientifique de haut niveau et de référence dans l'espace francophone; créer un label « égalité » pour les universités.