MyMED à la rencontre des jeunes Méditerranéens

Marion et Tiphaine, au forum Anna Lindh à Marseille.
« Passionnées par le monde méditerranéen et persuadées que la culture et le dialogue sont essentiels et que chacun peut être le changement qu’il veut voir dans le monde », Tiphaine Guérin (24 ans), Marie-Gabrielle Gaulard-Castello (25 ans) et Marion Maestripieri (23 ans) décident d’entreprendre un voyage d’enquête autour de la Méditerranée qui les emmènera, de la mi-août à la mi-octobre, au Liban, en Turquie, en Tunisie, en Grèce et en Espagne, à la rencontre de jeunes, porteurs de projets culturels, artistiques et citoyens. « Aller sur le terrain nous permet de rencontrer des jeunes qui, comme nous, ont la volonté de créer de meilleures relations au sein de l’espace méditerranéen et qui ont la certitude que les projets locaux ont une influence sur l’échelle globale, en servant le dialogue et la paix internationale », affirment les trois jeunes Françaises qui s’étaient rencontrées à l’Institut d’études européennes de Paris 8 alors qu’elles poursuivaient un master 2 en gestion de la culture.
Les questions auxquelles elles souhaitent trouver des réponses portent sur les interactions entre l’expression artistique et l’engagement citoyen chez les jeunes de l’espace méditerranéen. Comment ces jeunes vivent-ils les troubles ou l’absence de troubles dans leurs pays ?
Quel regard portent-ils sur la liberté d’expression et d’opinion ? Existe-t-il une culture méditerranéenne partagée ? Une plateforme Web interactive rendra compte de l’évolution du projet par le biais d’articles, de vidéos, de photographies et de captations sonores.
Pour financer leur voyage, Thiphaine, Marion et Marie-Gabrielle se sont tournées vers le crowdfunding qui leur a permis d’ajouter plus de 2 700 euros aux donations et aux subventions publiques déjà obtenues.
Tiphaine, qui a étudié deux semestres en Italie et aux États-Unis, Marie-Gabrielle qui, elle, a étudié deux ans à Beyrouth dans le cadre de ses études en histoire contemporaine, et Marion, de double origine française et italienne, qui a effectué un semestre d’études en Slovénie, souhaitent, à travers ce projet, aider à l’amélioration des échanges entre les citoyens méditerranéens par le prisme de l’expression artistique.
Elles confient : « Une fois le voyage terminé, nous voulons témoigner de notre expérience et présenter notre projet aux jeunes afin de leur donner envie de s’engager dans le monde... »

www.mymed-project.com/fr/

Des jeunes du monde arabe écrivent, haut et fort, leurs convictions

Ils ont entre 26 et 35 ans. Ils sont originaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, de pays enlisés dans des crises prolongées ou qui viennent de vivre des changements majeurs: Liban, Palestine, Jordanie, Égypte, Koweït, Bahreïn, Algérie, Libye, Maroc, Tunisie, Yémen. Avocats, enseignants, journalistes, médecins, chercheurs, conseillers financiers et travailleurs sociaux, ils sont tous animés par un même désir : contribuer à forger un avenir meilleur pour leurs pays. «En 2012, nous étions étudiants en administration publique à l’École de la citoyenneté et des affaires publiques de Maxwell, de l’Université de Syracuse, aux États-Unis, lorsque Mohammad Masbah, du Maroc, nous a proposé, à Emna Ben Yedder, étudiante tunisienne, et à moi, d’écrire un livre qui regrouperait nos petites histoires derrière la grande histoire de nos pays », raconte Dala Ghandour, avocate stagiaire libanaise spécialisée en statut personnel et coordinatrice du Centre libanais de médiation à la Chambre de commerce de Beyrouth et du Mont-Liban.
Enthousiasmées par l’idée d’un ouvrage qui fera porter au monde entier leurs voix de « citoyens anonymes du monde arabe », les deux jeunes filles embarquent sans hésiter dans cette aventure. Commence alors pour les treize étudiants impliqués dans le projet une riche expérience qui culminera avec la publication, neuf mois plus tard, d’un ouvrage collectif intitulé Revolution by Love : Emerging Arab Youth Voices, aux éditions New City Community Press, à Philadelphie (Pennsylvanie). « Ce livre, c’est l’histoire d’un engagement commun, d’une certaine résistance à vivre – au sens fort du terme – dans nos pays quand tout va mal, d’une force de caractère qui s’attache aux racines, à la famille et à la beauté de notre Orient, et tient à les léguer aux générations suivantes. C’est une révolution que les jeunes citoyens arabes vivent au quotidien avec passion, amour et fougue, mais aussi avec réalisme et détermination. C’est le paysage d’un monde arabe qu’on voit rarement dans les médias, loin de la bipolarisation qu’on aime nous montrer, des demi-solutions et des slogans usés », souligne Dala Ghandour.De la réalisation du recueil, lancé le 17 mai passé, à l’École des études orientales et africaines (SOAS), à Londres, l’auteure libanaise confie : « En tant que coordinatrice du projet, je devais motiver mes coauteurs et leur rappeler les délais de remise des textes... Travailler avec douze auteurs, de caractères différents et qui sont très occupés par leurs études est un défi que j’ai relevé!» 

Outre la signature collective au Royaume-Uni, les auteurs ont organisé, chacun, une séance de dédicaces dans leurs propres pays repectifs. « La mienne, tenue le 13 juin à Beyrouth, a rencontré un franc succès », raconte l’auteure libanaise, avant d’ajouter avec enthousiasme: « Nous prévoyons d’autres séances de dédicaces en Allemagne, en Italie et aux États-Unis.» 

Manque de citoyenneté
Diplômée en droit de l’USJ, en management de l’ESA et de l’ESC-Rouen, et médiatrice formée au Centre professionnel de médiation de l’USJ et au CEDR-Londres, Dala Ghandour poursuit : « L’écriture est cathartique. Elle nous oblige à rentrer au plus profond de nous-mêmes pour faire sortir l’essence et l’essentiel de nos vies. Je me suis redécouverte au fil de mes mots et mieux comprise. » La jeune avocate, qui a vécu à Paris, Washington et Doha, et qui a suivi des formations à La Haye, Londres et Saint-Pétersbourg, a choisi d’introduire son texte intitulé « The Heart Revolution » par une citation, très significative, de Nelson Mandela : « La mémoire est le tissu de l’identité. » Avec des mots simples et dans un style attachant, elle évoque dans ce chapitre l’importance pour un peuple de l’identité et de la connaissance de soi, et dénonce le sectarisme et le suivisme aveugle. « Nous vivons dans un manque de citoyenneté », écrit-elle. Parmi les mots qui caractérisent ses idées : ouverture, esprit critique, amour de la patrie, diversité et créativité. L’auteure raconte aussi sa participation aux élections municipales à Beyrouth en 2010. Une expérience réussie pour la jeune candidate indépendante, car bien qu’elle n’ait pas été élue, les 1 475 voix qu’elle a obtenues lui ont permis de se classer 7e sur les 75 candidats non élus.
Sur un registre un brin plus personnel, Dala, qui ambitionne de se présenter aux élections parlementaires de 2017, parle dans son texte des gens qui l’ont inspirée, de ce qui la motive et de ce qui la pousse à avancer.
La jeune avocate, qui fait partie des 28 juristes sélectionnés parmi 500 candidats, pour suivre, à partir du 18 juillet, une formation de trois semaines sur la primauté du droit à l’Université de Stanford, conclut : « À travers les différents chapitres, on ressent la fierté, le sentiment d’appartenance et l’amour qui animent les auteurs, et qui font d’eux les vrais acteurs du printemps arabe. Et on entrevoit ce que l’avenir, bien qu’assez sombre aujourd’hui, va nous offrir. »

Le livre « Revolution by Love : Emerging Arab Youth Voices » est disponible à la librairie Antoine et au Virgin.