« Ya ashta (délicieuse crème) ! Qu’est-ce que tu fais ce soir ? »

« Je me fais souvent accoster dans la rue, se plaint Rouba, étudiante en journalisme à la faculté d’information et de documentation de l’Université libanaise. On me siffle, me klaxonne ou me lance des propos déplaisants ou blessants. C’est très frustrant. » La jeune fille de 20 ans n’est pas motorisée et utilise souvent le transport en commun pour ses déplacements. « Pour me rendre à l’université, par exemple, je marche une dizaine de minutes car ma maison est loin de la route principale où passent les “services”. Et je suis obligée de changer plusieurs fois de voitures en cours de route. » Ce qui prolonge son exposition « aux regards insistants et aux remarques désobligeantes de certains hommes ». Le cas de Rouba n’est pas isolé. Le harcèlement de rue est une réalité quotidienne pour beaucoup de femmes au Liban.
Une réalité que le collectif Nasawiya essaye de changer. Depuis quelques mois, le groupe féministe mène une opération de sensibilisation contre le harcèlement sexuel. La campagne est basée sur un personnage, Salwa, femme menue qui n’hésite pas à se défendre face au harcèlement dont elle est victime à l’université, au travail, en taxi, dans la rue, dans les boîtes de nuit. En parallèle aux miniclips intitulés Les aventures de Salwa sur YouTube, Nasawiya a créé un blog, « Resist Harassment », où les femmes, comme Rouba, peuvent témoigner et partager leur expérience – dans l’anonymat si elles le souhaitent – du harcèlement sexuel. Toujours dans le cadre de cette campagne, Nasawiya a mis sur les routes un camion équipé de haut-parleurs qui diffusent en boucle des sifflements, des bruits de bouche et des voix de femmes proférant des remarques salaces. « Toi, beau brun, tu me plais, tu habites où ? », « Oh la la ! Quels beaux biceps ! » « Toi, le beau, tu existes en Jell-O ? ». Une initiative originale pour rappeler que le harcèlement n’est pas un jeu.
Par ailleurs, Nasawiya travaille avec un avocat à la rédaction d’une loi sur le harcèlement sexuel au travail. « C’est très bien ce qu’ils font, reconnaît Rouba. Mais il faut surtout changer la mentalité des gens qui souvent confondent harceler et draguer. Parfois, lorsque je me plains devant des amis des remarques et insultes qu’on me lance dans la rue, ils banalisent cela et me disent, avec un clin d’œil agaçant : “mais avoue, sincèrement, tu ne te sens pas flattée” ? »

Un athlète, un modèle, une source d’inspiration

Insérés dans l’en-tête de son blog, le drapeau libanais, l’image d’un casque de protection et ces trois expressions: «Constamment, patiemment, avec succès.» Des mots qui représentent sa vision de la vie, lui qui a réussi à se surpasser à maintes reprises. Lui qui, après un grave accident de travail survenu en 1995 et qui l’a laissé paraplégique, est parvenu à rebondir, à se reconstruire et à se créer une nouvelle existence.
Quel bel exemple de résilience!

Deux ans seulement après son accident, Edward Maalouf commence à s’entraîner intensivement et devient en 2005 cycliste à main professionnel. Aujourd’hui, presque deux décennies après sa malheureuse chute du 6e étage d’un immeuble en construction, cet athlète doublement médaillé de bronze en cyclisme à main aux Jeux paralympiques de Pékin est parti à la conquête de l’or à Londres.
En tapant son nom sur un moteur de recherche, on tombe rapidement sur des appels de soutien à Edward Maalouf qui se bat – sous les couleurs libanaises – presque sans aucun support officiel du gouvernement libanais. Une honte! Une honte aggravée par le fait que c’est nous qui avons besoin d’Edward Maalouf, de l’image qu’il véhicule et de la bouffée d’espoir qu’il transmet.
Dans une entrevue accordée après ses excellents résultats (malgré des problèmes de santé) aux Jeux de Pékin, Maalouf adresse un mot aux Libanais souffrant de handicaps. «...Je suis sûr que si j’ai pu le faire, ils peuvent également y parvenir, affirme-t-il. Ils doivent se battre pour atteindre leurs objectifs.»
Un précieux message et une leçon de vie qui peut servir à chacun de nous.