À l’USJ, les jeunes se penchent sur les droits bafoués des femmes

C'est en incitant les étudiants et les étudiantes à la réflexion, en les poussant à développer leur sens critique et en leur donnant l'occasion d'argumenter et de s'exprimer sur divers sujets en lien avec l'équité et l'égalité entre les genres, que le Club des droits de la femme de l'USJ, Béryte l'Écho des cèdres et le Club libanais de débat ont marqué la Journée mondiale des droits des femmes. « Le lundi 8 mars, nous avons organisé au campus des sciences sociales, avec le soutien de la Bibliothèque et en collaboration avec la faculté de droit et de sciences politiques, la vie étudiante et le Fonds Joseph et Laure Moghaïzel, des joutes oratoires plaçant face à face des étudiants défendant des points de vue opposés sur des thèmes que nous avons prédéfinis », explique Hiba Kanso, étudiante en droit et présidente du Club des droits de la femme de l'USJ. Les sujets proposés par les jeunes organisateurs sont le droit des femmes de transmettre la nationalité, la parité, la suppression des distinctions fille/garçon dans les magasins de jouets et le congé de paternité. Un exercice intellectuel et oratoire très constructeur pour les citoyens en devenir. « C'est particulièrement difficile lorsqu'on demande aux étudiants de défendre des points de vue contraires à leurs convictions », poursuit Hiba.

Transmettre la nationalité, le droit de tout citoyen
Parlant de la parité, un étudiant construit son argumentation sur « des études qui démontrent que la femme peut être plus créative et peut donner plus que l'homme ». La réponse de Hiba : « La supériorité, qu'elle concerne les hommes à l'égard des femmes ou l'inverse, nous éloignera de la parité. L'égalité ne peut pas être subjective. »
« Reste que le sujet qui a suscité le plus de discussions parmi les étudiants est sans doute le droit des femmes de transmettre la nationalité », poursuit la jeune étudiante de 21 ans. Parmi les arguments évoqués par les étudiants qui défendent ce droit figurent les multiples discriminations que vivent les enfants de mère libanaise mariée à un étranger telles que le manque d'accès à une éducation gratuite et les obstacles qu'ils rencontrent lorsqu'ils veulent intégrer le marché du travail. Les étudiants qui s'opposent à ce droit avancent, eux, des raisons politiques, « celles qui enflamment la région : le confessionnalisme et l'évolution de la démographie », précise la jeune avocate en devenir qui insiste : « Le droit de transmettre la nationalité est un droit naturel intrinsèquement lié à l'identité citoyenne de tout individu. »
En conclusion, la présidente du Club des droits de la femme souligne l'importance de tels événements pour attirer l'attention des étudiants sur des thèmes en lien avec la société et pour les sensibiliser sur l'égalité entre les genres. « L'activité que nous avons organisée a encouragé les jeunes à réfléchir collectivement et individuellement, et leur a permis d'échanger calmement et de manière constructive sur des thèmes importants non seulement pour les femmes, mais pour toute la population car ayant un impact direct sur le développement du pays. »

Nagham Chébly, une belle voix très prometteuse

En lui donnant son prénom, qui signifie en arabe mélodie, ses parents ne se sont pas trompés. Dotée d'une belle voix, passionnée par la musique, la jeune étudiante en relations publiques à l'UL aspire, à vingt et un ans, à devenir chanteuse. Un rêve qui n'a rien d'illusoire pour la talentueuse femme vu ses prédispositions vocales – bel héritage du côté maternel de sa famille – auxquelles s'ajoutent une volonté farouche d'apprendre et de s'entraîner, et un enthousiasme déterminé, alimenté par les encouragements de ses proches, amis et professeurs de chant.
« La musique, c'est ce qui m'émeut le plus dans une chanson. En chantant, j'essaye, avec ma voix, de vivre la mélodie », confie la jeune étudiante. Et évoquant la première fois où elle s'est retrouvée devant le micro face au public, elle raconte : « C'était à l'école, au cours de la célébration de la fête de l'Indépendance. J'étais en classe de première. » La jeune adolescente avait alors interprété la chanson Yabni (mon fils) du grand Wadih el-Safi. Sa belle voix et l'émotion qu'elle a réussi à susciter ont rapidement séduit l'audience. « Tout le monde a aimé ma performance. Cela m'a beaucoup motivée », se souvient Nagham Chébly.
Sous les encouragements de son frère, « lui aussi doté d'une belle voix », la jeune femme originaire de Marjaba dans le Metn s'inscrit au Conservatoire national de musique, en chant oriental. « J'ai attendu d'avoir terminé mes études à l'école secondaire de Dhour Choueir avant de suivre des cours de chant », précise-t-elle, en expliquant qu'au début sa mère hésitait à l'encourager à prendre cette voie. « Elle avait peur de ce domaine. Mais les choses ont changé depuis », ajoute-t-elle dans un sourire.

Un premier pas pour se faire connaître
« Mes cours au conservatoire m'ont aidée. Et ma voix a beaucoup évolué », souligne la chanteuse en herbe qui s'investit également dans l'apprentissage du oud.
Sur la page Facebook que Nagham Chébly vient de créer « pour se faire connaître », ses vidéos, dont la majorité sont enregistrées en mode « selfie », plaisent beaucoup aux internautes ; en témoignent les milliers de vues et les nombreux likes, partages et commentaires. Son interprétation de la chanson Yabni de Wadih el-Safi, par exemple, a été vue plus de 9 250 fois. Une vraie bouffée d'oxygène, une note d'espoir, en ce temps de la médiocrité, des chanteurs sans talent et des paroles vides de sens. « Je choisis des chansons qui conviennent à ma voix. Et, le plus souvent, j'enregistre la vidéo seule dans ma chambre », poursuit-elle.
Aujourd'hui, Nagham Chébly souhaite se présenter au concours de chant télévisé The Voice. « Le travail de préparation prend beaucoup de temps. Ma tante écrit les paroles de la chanson que je vais interpréter, et un ami, compositeur, s'occupe de la musique », révèle Nagham.
Dans tous les cas, si elle dit avoir choisi le domaine des relations publiques « par hasard », Nagham Chébly semble être prédestinée à la chanson.
Pour découvrir le talent de Nagham: www.facebook.com/Nagham-Chebly-1646443298954288/ ? fref=ts

Lama Daccache, une jeune femme qui se bat « pour rendre le monde habitable et humain »

Motivée, déterminée, pragmatique et méthodique, elle ne fait pas les choses à moitié, Lama Daccache. La jeune femme, qui occupe depuis janvier passé le poste d'agent de développement de projet chez Jeunesse contre la drogue (JCD), a brillamment complété, après l'obtention de sa licence en gestion des affaires en 2010, une série de formations spécialisées, au Liban et ailleurs, en lien avec le domaine social. Une voie à laquelle ne se destinait pas la jeune étudiante, mais dans laquelle elle s'est résolument engagée suite à un premier emploi à temps partiel au centre libanais de dramathérapie, Catharsis, qui l'a introduite à l'âge de 19 ans dans les prisons libanaises. « J'ai rapidement réalisé qu'il y a un grand manque dans le secteur humanitaire au Liban. Et si, au début surtout, je revenais remuée de mes rencontres avec les détenus, j'y ai également beaucoup appris sur la nature humaine et sur l'impact positif que l'on peut avoir sur les autres », confie-t-elle d'une voix sûre.
En 2009, alors qu'elle est encore en licence, elle devient coordinatrice puis chef de projet chez Catharsis. Fonction à temps plein qu'elle occupera jusqu'en 2015. Réaliste, ambitieuse et assidue, Lama sait que pour pouvoir travailler efficacement dans le secteur humanitaire, « on doit acquérir de nombreuses compétences spécialisées ». La jeune étudiante s'inscrit à la LAU en renforcement des capacités pour les ONG et obtient en 2013 son diplôme d'études supérieures avec distinction. En 2012, une bourse d'études lui permet de compléter sa formation aux Pays-Bas sur la gestion des ONG. Et, en 2014, avec le soutien de l'ambassade du Danemark au Liban, elle suit un programme de formation au dialogue interreligieux et interculturel qui l'emmènera à Copenhague et à Istanbul. « Toutes les ONG doivent compter parmi leurs personnels des employés formés sur les différences culturelles et religieuses. Sinon comment pourront-elles travailler d'une manière efficace avec des gens d'origines, de milieux, de confessions, de cultures, de classes sociales, de niveaux d'éducation différents ? » souligne Lama pour laquelle la formation continue est une nécessité aussi bien pour son développement personnel que pour son travail. La jeune femme qui vient de décrocher en ligne, auprès d'une plateforme éducative reconnue, un certificat sur l'intelligence émotionnelle s'indigne : « Aujourd'hui, pistonnés, les gens intègrent des ONG lorsqu'ils ne trouvent pas du travail dans leur domaine de formation en affaires ou en génie. Et les ONG se retrouvent incapables de travailler correctement car leurs employés ne sont pas formés au travail social. Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi les universités libanaises ne s'intéressent pas à ce domaine, pourtant très florissant au Liban, et appelé à le rester pour les dix prochaines années. »
Une empreinte positive
Parallèlement aux tâches liées à son poste à JCD – de la rédaction de propositions à la gestion des projets, en passant par le financement–, Lama a entrepris d'animer des sessions de sensibilisation sur les stupéfiants, leurs effets et leurs symptômes. « Nous avons commencé avec les membres de la Sûreté générale ; ils sont les premiers qui entrent en contact avec les toxicomanes arrêtés. Souvent ils ne connaissent rien aux substances psychoactives. Si, par exemple, un jeune est sous l'effet de l'héroïne et qu'il est battu à son arrestation, les séquelles risquent d'être très graves et de perdurer à vie », précise-t-elle.
La jeune femme, qui a une expérience de huit ans dans le domaine social, est souvent confrontée aux idées fausses que les gens véhiculent. « Ils pensent que leurs enfants sont à l'abri de la drogue car "ils les élèvent bien", car ce sont uniquement "les fort aisés ou les très pauvres" qui en consomment, que "les gens éduqués ne risquent pas d'aller en prison". » Or la réalité est tout autre. « Le fléau de la drogue envahit nos universités. » Et « dans nos prisons, toute la diversité de la société est représentée. »
De nature sociable, Lama a de nombreux amis. Ces derniers travaillent le plus souvent dans des secteurs très éloignés du domaine social. Cela n'a pas empêché la dynamique jeune femme d'en impliquer une vingtaine dans une action solidaire. « Nous avons créé une sorte de club – avec une page Facebook privée et un groupe sur WhatsApp – pour venir en aide aux familles démunies dans la région du Kesrouan. » Chaque trois mois, Lama collecte 100 dollars de chaque membre. Avec 2 000 dollars en poche, la jeune femme et ses amis se retrouvent au supermarché, remplissent les chariots de denrées et de produits utiles, et les livrent aux personnes concernées. « Pour ces familles, c'est Noël, sourit Lama. Si chaque personne fait un pas, à plusieurs, c'est un marathon de parcouru. »
Lama, qui confie rencontrer des difficultés pour recruter des bénévoles, invite les jeunes « à ne pas voir le bénévolat uniquement comme un fait à mentionner sur leurs rapports universitaires ou leur CV, mais comme une activité fort gratifiante que l'on fait d'abord pour soi, pour son propre développement, pour améliorer sa propre vie ». Et de confier : « Aider les autres me procure une grande satisfaction. Je m'aime lorsque j'arrive à rendre quelqu'un heureux. »
Alors qu'on lui fait remarquer qu'elle semble plus mature que la plupart des jeunes filles de son âge, Lama répond : « Mon travail m'a formée. Mes expériences auprès des prisonniers, des réfugiés, des toxicomanes m'ont construite », avant de conclure avec cette citation du dalaï-lama : « La planète n'a pas besoin de gens qui ont du succès. La planète a désespérément besoin de plus d'artisans de la paix, de guérisseurs, de conteurs et d'amateurs de toute sorte. Elle a besoin de gens qui vivent bien à leur place. Elle a besoin de gens avec du courage, prêts à rejoindre la lutte pour rendre le monde habitable et humain. »

Joanna Akiki, une jeune fille pas comme les autres



Lorsque j'ai fait sa connaissance, dans une salle de classe, en début d'année universitaire, elle avait dix-neuf ans et des rêves plein la tête, mais dans son regard flottait un nuage. Trois ans plus tard, à quelques jours de l'obtention de sa licence en journalisme, un beau soleil a chassé le brouillard qui voilait ses yeux. Joanna Akiki, qui se présente « comme une jeune Libanaise ayant vécu de nombreuses expériences, belles et mauvaises », n'est pas une fille comme les autres. À l'aube de sa vie, lorsque, contre toute attente, la maladie lui rend visite, elle brandit ce qu'elle maîtrise le plus : un courage désarmant, une foi inébranlable et un optimisme à toute épreuve.
Et c'est dans un sourire frais et confiant qu'elle revient sur cet épisode de sa vie : « J'étais en 1re année de droit, en pleine période d'examens. Je me sentais très fatiguée, mais je ne voulais pas ralentir le rythme. » Zélée, Joanna ignore la douleur au cou qui l'empêche de bouger sa main. « Je pensais que c'était dû au stress. Je me bourrais d'analgésiques pour pouvoir continuer. » Et même, lorsqu'avant un partiel, ses camarades, alertés par son visage enflé, lui demandent si elle va bien, elle leur répond : « Ce n'est pas le moment, finissons-en d'abord avec le test. » Mais le lendemain, ses traits tuméfiés sonnent l'alarme. Il fallait consulter sans délai.
Le diagnostic est finalement posé : Joanna souffre d'un lymphome lymphoblastique. La gravité du sujet n'affecte en rien la nature joyeuse de la journaliste en herbe qui poursuit sur le ton de la plaisanterie : « Ce qui m'a le plus frustrée, c'est que mes tests médicaux sont partis en France, tandis que moi je suis restée ici. » Et si elle a pleuré lorsque le médecin lui a parlé de la nécessité de commencer la chimiothérapie immédiatement – « Je ne voulais pas perdre mes cheveux ni prendre du retard dans mes études » –, Joanna a fait preuve, tout au long de son traitement, d'une grande force de caractère, une force qu'elle a puisée de sa mère, qui, indique-t-elle, « nous a appris, à ma sœur, à mon frère et à moi, à faire face ».
De ses multiples et longs séjours à l'hôpital, Joanna n'évoque ni la douleur, ni la peur, ni l'ennui ; par contre elle s'attarde sur les « gentilles infirmières » qui se sont occupées d'elle, sur les bénévoles qui lui ont rendu visite pour l'encourager et la divertir, et surtout sur ses nombreux échanges avec les autres patientes, toutes bien plus âgées qu'elle, et qu'elle soutient avec beaucoup de générosité. « Les gens ne savent pas comment se comporter face au cancer. Ils ont beaucoup d'interrogations : sur l'alimentation, sur le traitement, sur ses effets secondaires... J'essayais de partager avec eux ce que je savais... Ils ont peur de perdre leurs cheveux. Moi aussi au début. Mais il faut apprendre à relativiser. Finalement, ça n'a pas beaucoup d'importance », sourit-elle, fraîche et élégante dans sa belle robe printanière. La jeune patiente, qui « n'occupait sa chambre que lorsqu'elle avait vraiment mal », allait vers les autres malades, leur distribuait des sourires et des encouragements, et essayait de leur remonter le moral. « Je cherchais les mots pour ne pas les effrayer ni les décourager. »
Tourner le négatif en positif
« Lorsque j'avais mal, je pensais aux enfants malades qui, eux, souffraient sans comprendre ce qui leur arrivait », raconte Joanna. Et d'ajouter reconnaissante : « Ma mère restait avec moi à l'hôpital. Ses collègues l'ont bien soutenue. »
Lorsqu'elle retournait chez elle, entre deux séances de chimio, Joanna refusait de « vivre en malade ». « Je ne voulais pas m'imposer des limites. Si mon corps pouvait s'activer, il n'y a pas de raison que je l'en empêche. » Malgré la fatigue, elle se réveillait à 5h45 pour prendre le bus qui l'emmènera de Ajaltoun où elle vit à la faculté d'information, dans le caza du Metn, qu'elle a intégrée après son diagnostic. « J'y allais quotidiennement même si je n'arrivais pas toujours à terminer la journée. Il n'était pas question pour moi de manquer les cours. » Et grâce à sa détermination et au soutien de son entourage, Joanna a relevé le défi et a pu compléter sa licence en trois ans.
À la fac, « en général, tout le monde était gentil ». Un jour, Sandra Ayoub, une camarade que Joanna qualifie de « disciplinée, élégante et sympathique », l'aborde et lui demande si elle porte une perruque. « Elle l'a deviné, car elle aussi était malade, raconte Joanna. Et contrairement à moi, elle, elle parlait facilement de sa maladie. D'ailleurs, elle l'a fait pour nous deux. »
Joanna confie que la foi l'a aidée à faire face au cancer. Elle lui a également permis de donner du sens à ce qui en est dépourvu. « Je me suis dis qu'à travers cette expérience, la Sainte Vierge a voulu me faire comprendre que le journalisme, et non le droit, était ma voie et que, par ailleurs, j'avais une mission : faire preuve de courage et transmettre le message qu'il ne faut pas baisser les bras devant les coups de la vie, estime Joanna. Moi j'ai essayé et j'ai réussi. Il est possible de tourner le négatif en positif. »
Au mois de février, ses cheveux ont commencé à repousser. Encouragée par sa mère, Joanna enlève définitivement sa perruque. « Cela a coïncidé avec le premier jour du carême; c'est très symbolique pour moi », confie la jeune diplômée qui souhaite « contribuer à dénoncer les injustices et à aider les gens à comprendre ce qui arrive autour d'eux. » Et, revenant sur son choix de carrière, elle ajoute : « Des scènes de mon enfance m'ont marquée : mon père commençant ses journées à 6h avec le journal radio et les terminant en regardant les nouvelles du soir. »
Ses projets d'avenir ? Ambitieuse, Joanna entame à la prochaine rentrée un master, toujours à la faculté d'information. « Je tiens à remercier ma grande famille et tous ceux qui m'ont soutenue », insiste-elle.
Une belle histoire de courage, d'optimisme, de détermination. Une leçon de vie.

Patricia Eid, ou quand la passion donne des ailes

Portrait La jeune professeure adjointe en psychologie à la NDU veut contribuer à l'avancement des connaissances sur la violence conjugale au Liban.

Au moment où les jeunes cerveaux fuient le pays du Cèdre, Patricia Eid, elle, choisit d'y retourner avec, dans ses bagages, deux doctorats : un doctorat de recherche en psychologie et un autre en psychologie clinique décrochés en 2015 à l'Université du Québec à Montréal. « J'avais envie d'explorer le terrain libanais autant au niveau personnel qu'au niveau de la recherche », lance la brillante jeune femme en commentant son retour au pays qui l'a vue naître et qu'elle a quitté à l'âge de six ans. Réaliste, rationnelle et directe, la jeune psychologue ne tombe pas dans le sentimentalisme gratuit et insincère pour expliquer sa décision de s'éloigner du Canada où elle a vécu l'essentiel de sa vie et de retourner au Liban pour occuper un poste de professeure adjointe en psychologie à la faculté des sciences humaines de l'Université Notre-Dame de Louaizé (NDU). Et c'est donc loin des clichés et des phrases toutes faites qu'elle raconte, avec simplicité, comment, lorsque l'opportunité s'est présentée, quelques mois après l'obtention de ses diplômes de troisième cycle, elle n'a pas hésité à l'attraper et à intégrer ce poste qui lui permet de « mener des projets de recherche » et de « bonifier » son dossier.

Création d'une équipe de recherche
Passionnée, rigoureuse et intègre, la jeune professeure insiste dans son enseignement sur la compréhension de la méthodologie scientifique et l'importance du processus d'actualisation de la connaissance. « Les étudiants ont de la difficulté à comprendre que la connaissance est scientifiquement établie et qu'elle évolue », note-t-elle.
Parallèlement aux cours qu'elle dispense, l'enthousiaste chercheuse met en place, dès sa prise de fonction à la NDU en septembre 2015, une équipe de recherche rassemblant des étudiants motivés de premier cycle. Une riche et unique expérience qui donne aux jeunes universitaires l'occasion de travailler en équipe et d'apprendre les uns des autres, mais surtout qui leur offre la possibilité de « prendre part au processus d'acquisition de la connaissance » et de « mettre en pratique les concepts théoriques appris en classe » ; une expérience qu'ils n'auraient pas pu vivre autrement à ce stade de leur cheminement académique. Par ailleurs, et c'est d'une grande importance pour le reste de leur parcours, cette initiative valorise les étudiants, leurs efforts et leur travail puisque, d'un côté, leur professeure sait reconnaître les qualités individuelles et les compétences de chacun d'eux et en tirer parti pour l'avancement des travaux de recherche et de l'autre, elle met ses jeunes assistants en avant, que ce soit au sein de leur faculté ou dans d'importantes manifestations scientifiques hors campus telles que le congrès annuel de l'Association libanaise pour l'avancement des sciences (LAAS) où ils ont exposé leurs travaux de recherche.
Le premier projet que la jeune chercheuse libano-canadienne et son équipe ont entamé l'année passée est une recherche sur les attitudes face à la violence conjugale menée auprès de la population générale au Liban. « Nous avons développé un questionnaire qui mesure l'opinion ou l'acceptation de la population générale face à la violence conjugale ou entre partenaires intimes, dans différents groupes, cultures, personnalités. » Cette première étape est suivie par un travail rigoureux sur les variables, psychologiques au niveau de la personnalité ou liées aux milieux, associées à chaque opinion exprimée. « Les premiers résultats montrent que la violence ne dépend pas de la religion mais des niveaux de religiosité et de spiritualité », révèle la dynamique chercheuse dont les centres d'intérêt en matière de recherche tournent autour de trois axes. « D'abord, je m'intéresse aux dynamiques de communication conjugale ainsi qu'à la violence entre partenaires intimes, précise-t-elle. Ensuite, je m'intéresse à l'alexithymie, la difficulté à identifier et à exprimer ses états émotionnels, et son impact sur les perceptions sociales... Enfin, je m'intéresse à l'adaptation d'outils psychométriques dans des contextes cliniques (résilience, traumatismes, etc.) ou des contextes plus larges (alexithymie). »

Un cabinet à Jounieh
La jeune psychologue confie avoir choisi ce domaine, où « la finalité est la personne humaine », car elle voulait « travailler avec les gens, être en contact avec eux et faire en sorte d'améliorer la qualité de leur vie ». Riche de son expérience canadienne en psychologie clinique, elle a ouvert, parallèlement à ses fonctions à la NDU, un cabinet de psychologie à Jounieh où elle reçoit des adultes et des couples en quête de mieux-être. À une question sur la particularité des troubles, inadaptations ou autres difficultés existants au Liban, elle répond : « Je vais retrouver les mêmes problèmes qu'à Montréal. Partout, il y a des dépressions, des suicides, des problèmes entre parents et enfants... Par contre, la façon de les traiter, elle, diffère légèrement car nous ne pouvons pas considérer uniquement l'individu, nous devons également considérer sa famille, sa mentalité, sa culture. »