Une étudiante libanaise tend la main aux sans-abri dans les rues de Campinas au Brésil

SOLIDARITÉ HUMAINE
En vingt et un jours, Nay Abi Samra, 19 ans, a réussi à toucher de nombreuses personnes parmi les plus vulnérables au Brésil. Zoom sur une expérience édifiante.


« Il s'appelait Panda. Il avait un problème avec l'alcool et vivait dans la rue. On jouait aux cartes ensemble tous les jours. On ne parlait pas la même langue et échangeait avec des signes. Le dernier jour, il est arrivé avec une petite boîte qu'il m'a offerte. Quand je l'ai ouverte, j'y ai trouvé deux cartes : la reine de cœur et un as. Il m'avait écrit un gentil petit mot sur chacune d'elles et m'avait expliqué qu'il avait choisi la reine de cœur parce que je lui avais beaucoup appris et que j'avais touché son cœur. Il y avait également une lettre dans la boîte. Il voulait que quelqu'un me la traduise. Sur la feuille de papier, il avait écrit en portugais : si un jour, plus tard dans ta vie, tu rencontres un panda, rappelle-toi qu'il y aura éternellement un panda qui pense à toi au Brésil. » C'est avec ces mots remplis de chaleur humaine que Nay Abi Samra, jeune Libanaise de 19 ans, éprise de justice et de liberté, évoque les liens qu'elle a réussi à tisser avec les marginalisés de Campinas, lors de son séjour au Brésil, l'été dernier.

Révoltée contre toutes les formes d'injustice, engagée pour la solidarité humaine, la jeune étudiante en droit à la prestigieuse université de Cambridge, en Angleterre, membre de l'ONG Children International Summer Villages (CISV) – une association internationale qui a pour objectif de sensibiliser et d'inspirer l'action pour un monde plus juste et pacifique – n'hésita pas, au mois de juillet dernier, à s'envoler pour l'Amérique du Sud et à embarquer dans le projet international « (In)visible » mené par la CISV, en partenariat avec plusieurs organisations brésiliennes, à Campinas au Brésil, à une centaine de kilomètres de São Paolo.
« Nous étions dix-neuf bénévoles en provenance du Japon, de l'Équateur, des États-Unis, de France, de Belgique, du Portugal, de Danemark, de Pologne, d'Espagne, du Royaume Uni et du Brésil. La plupart étaient des étudiantes issues de différents horizons : relations internationales, droit, médecine, sciences infirmières, éducation... Nous nous sommes réunis autour du projet "(In)visible" qui cible les sans-abri et qui vise à donner une visibilité à ces communautés qui semblent oubliées », précise-elle.

Après cinq jours d'exploration, et une meilleure connaissance des organisations partenaires, les volontaires de la CISV décident de travailler sur quatre projets principaux : la création d'un magasin de rue ; la rénovation et l'enrichissement d'une bibliothèque ; la publication d'une revue racontant les histoires de vie des gens marginalisés qu'ils rencontrent et la réalisation de films qui visent à mettre en lumière les sans-abri. Par conviction et pour une meilleure cohérence entre leur mission et leur discours, les volontaires refusent de désigner les personnes sans domicile, cibles de leurs actions, par le terme homeless (sans-abri), qui stigmatise et marginalise, lui préférant celui de benes, moins réducteur et plus positif. « Benes. Car ces personnes bénéficient des services offerts par nos organisations partenaires », précise la jeune étudiante. Et d'ajouter : « Parmi ces dernières, on retrouve la catadores cooperative responsable de 90 % du recyclage au Brésil. Les catadores vivent souvent dans des conditions assez précaires. Ils se réveillent à l'aube et arpentent les rues à la recherche de toutes sortes de produits qu'ils collectent et transportent dans leur carossa (chariot) afin de les trier et les vendre aux entreprises de recyclage. Ils contribuent à la société ; pourtant, leurs efforts demeurent invisibles pour l'ensemble de la population brésilienne. »


Droit à la dignité, valorisation et estime de soi

Pour permettre aux benes de vivre « une expérience qui ressemble à ce que vivent les clients dans les magasins réels », les volontaires décident de créer un street store et d'y jouer le rôle d'assistants de magasin qui aident et conseillent les visiteurs. « Nous croyons que personne ne devrait être privé de la liberté de choisir ce qu'il aimerait porter. Le magasin de rue offre cette opportunité aux moins fortunés qui ne peuvent pas se permettre de faire du shopping dans les vraies boutiques. Nous y avons classé plus de 3 000 pièces de vêtement collectées selon le type, la taille et l'âge », raconte Nay, les yeux brillants d'avoir pu ainsi insuffler de la chaleur humaine et un peu de plaisir aux 253 personnes qui ont fait la queue pour visiter tranquillement le magasin improvisé – six ou sept personnes à la fois –, choisir les vêtements qui leur plaisent et se les approprier gratuitement. Cette action, très réussie, des jeunes bénévoles fut couverte par la télé locale.

« Par ailleurs, nous avons confectionné et distribué, à la sortie du magasin, 250 kits d'hygiène contenant chacun un shampoing, trois savons, un conditionner, un gel pour le corps, de la crème hydratante, une petite brosse à dent et un dentifrice », poursuit la jeune volontaire qui se dit reconnaissante envers les catadores pour leur aide. « Ils nous ont prêté des structures qui ont servi à mettre en place le street store. Ils ont insisté à les transporter eux-mêmes jusqu'à la cathédrale où était installé notre magasin et sont même arrivés avant nous pour s'assurer que les locaux étaient sécurisés. »


Donner la parole aux sans-voix
« À la Casa da Cidadania (Maison de la citoyenneté), qui accueille les benes quotidiennement de 14h à 20h, se trouvait une petite bibliothèque. Elle était dans un état lamentable. Elle contenait surtout des livres universitaires. Et il n'y avait pratiquement plus d'espace pour ajouter d'autres ouvrages », se rappelle Nay. Voulant rendre cet endroit plus agréable, plus chaleureux, plus utile pour les benes, les volontaires se lancent dans des travaux de transformation des lieux. « Nous avons refait la bibliothèque de A à Z, construit de nouvelles étagères, ajouté 1 500 nouveaux livres que nous avions collectés, instauré un nouveau système de codage en couleurs, décoré les murs avec d'inspirantes citations... »

Mais l'une des expériences les « plus intenses » que les volontaires ont vécues dans le cadre de ce projet est le story book qui leur a permis de donner l'occasion aux benes de s'exprimer et de raconter leurs vécus, leurs rêves, leurs peurs et leurs espoirs. Des témoignages que les bénévoles ont fidèlement et passionnément retracés dans une revue qu'ils ont publiée. « Nous avons écrit leurs histoires en partant de leur passé. Nous avons décrit leur présent et dessiné l'avenir dont ils rêvent. Nous les avons pris en photo, réalisé des dessins et intégré les croquis qu'ils ont eux-mêmes faits, indique Nay. Grâce à ce projet qui fut très chargé émotionnellement, nous avons réussi à établir une forte relation de confiance avec les benes, ce qui a rendu les adieux par la suite déchirants. »

Une version électronique en anglais de cette revue sera accessible en ligne prochainement. « Nous avons également créé une page Facebook pour partager l'évolution de notre projet. Et nous avons l'intention de la maintenir en vie, longtemps après la fin du projet », note la jeune étudiante.

Pour leur donner de la visibilité, mais également pour les valoriser, pour briser les tabous et corriger les idées préconçues, les volontaires ont réalisé trois films autour des benes. « Le premier raconte une journée que nous avons passée à São Paulo avec l'organisation locale Pimp my coperativa – un groupe d'artistes bénévoles qui embellissent et apportent des couleurs aux lieux de travail et aux chariots des catadores. » Le deuxième film met en lumière les catadores. « Et le troisième sensibilise à l'itinérance et met l'accent sur le fait que peu importe nos différences et les situations que nous vivons, nous avons tous l'humanité en commun », poursuit avec enthousiasme Nay.


« Mes yeux sont désormais ouverts »
Nay raconte avoir été impressionnée par la chaleur des Brésiliens. « C'est le peuple le plus chaleureux que j'ai jamais rencontré. Dès qu'il y a de la musique, tout le monde se met à danser la samba, du plus pauvre au plus riche. S'il y a un truc qui les rassemble, c'est leur culture commune », estime-t-elle avant d'ajouter avec regret : « Au Liban, j'ai l'impression qu'on n'a pas une seule culture qui nous rassemble. »
La jeune étudiante confie avoir vécu l'une des expériences les plus gratifiantes de sa vie et qu'elle s'en inspirera pour créer des actions similaires ailleurs. Nay – qui travaille actuellement sur deux projets : la création d'un magasin de rue au Liban et le lancement d'une organisation estudiantine pour venir en aide aux sans-abri à Cambridge – précise : « L'approche que nous avons adoptée envers les benes nous a permis de supprimer la hiérarchie qui existe parfois dans les projets sociaux. Nous ne leur faisions pas sentir que nous sommes là dans un rapport vertical pour leur apporter une aide, mais plutôt qu'ensemble, eux et nous, nous travaillons main dans la main sur ce projet, que nous sommes tous égaux et que nous nous enrichissons mutuellement en apprenant les uns des autres. »
Et de conclure, rayonnante et reconnaissante : « Cette expérience m'a permis de réaliser que je ne voyais pas les gens qui vivaient dans la rue. Aujourd'hui, je ne peux plus les ignorer, mes yeux sont ouverts. »

Université, femmes, égalité : 2e colloque international du Resuff à Moncton

Au XXIe siècle, et malgré toutes les avancées qu'a connues le monde, l'égalité entre les femmes et les hommes est encore loin d'être acquise dans le milieu de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Les 28 et 29 septembre, le Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche (Resuff) organise, avec le soutien de l'AUF, son deuxième colloque international à l'université de Moncton (Canada) sous le thème « Université, femmes, égalité ». Un évènement d'envergure internationale très attendu par la communauté universitaire mondiale. Au programme, des conférences et des débats sur quatre thèmes principaux : formation, pour une université égalitaire ; déconstruire les stéréotypes pour une culture de l'égalité ; indicateurs, pour lutter contre les discriminations ; politiques universitaires égalitaires et bonnes pratiques.

« En ce début du XXIe siècle, alors que le monde autour de nous évolue à une vitesse vertigineuse, la question de l'égalité entre les femmes et les hommes avance à petits pas, malgré les efforts déployés par les défenseurs de cette cause », déplore Leila Saadé, présidente du Resuff, présidente de l'École doctorale de droit du Moyen-Orient et professeure à la filière francophone de droit de l'Université libanaise. Et de poursuivre : « Nous aurions pu penser que le milieu de l'enseignement supérieur et de la recherche, haut lieu académique et culturel, serait égalitaire. Or, malheureusement, les chiffres montrent clairement que, loin d'être un milieu qui prône l'égalité de genre, les universités sont, tous pays et toutes disciplines confondus, un espace de discrimination pour les femmes. »

Créé à l'initiative de l'AUF en 2015, le Resuff a pour mission de promouvoir l'accès des femmes aux postes de responsabilité au sein des institutions d'enseignement supérieur et de recherche. Il regroupe des femmes dirigeantes – présidentes, rectrices, vice-présidentes, vice-rectrices et doyennes – des institutions membres de l'AUF, issues d'Afrique subsaharienne, du Maghreb, du Moyen-Orient, d'Europe centrale et orientale, d'Europe de l'Ouest, d'Asie-Pacifique et du continent américain.





Des actions en faveur de l'égalité dans le monde académique
Parmi les actions lancées par le Resuff depuis sa création il y a deux ans figure une formation en ligne intitulée « Genre : concepts et approche » mise en place en partenariat avec l'université Rennes 2 et qui a attiré pour sa première édition plus de 80 chercheuses de par le monde. « Cette année, nous avons reçu 113 candidatures ; preuve, s'il en fallait, de la qualité de cette formation et de la pertinence des solutions qu'elle préconise pour accéder à l'égalité de genre dans nos institutions universitaires », précise Mme Saadé. La formation, qui comprend trois modules de vingt heures d'enseignement chacun, vise, à travers son premier module, à « introduire les concepts et les approches "genre", à mettre en lumière les obstacles à la progression des femmes – stéréotypes et discriminations, plafond de verre, tuyau percé, plancher collant... – et à conceptualiser les processus et les capacités personnelles de leadership ». Le deuxième module a pour objectif « d'offrir des outils adaptés à l'exercice du leadership au sein des institutions d'enseignement supérieur ». Et le troisième module « cherche à contribuer au développement institutionnel par une approche "genre" comme assurance de qualité des établissements d'enseignement supérieur ».
« Le Resuff va, aussi, avec le précieux concours de bâtisseurs de projets et d'institutions pionnières dans le domaine de l'égalité, déployer les efforts nécessaires et œuvrer pour créer, en 2018, un "Observatoire francophone du genre à l'université". Cet Observatoire aura pour objectif de permettre l'élaboration d'un état des lieux de la situation des femmes dans le milieu académique en se basant sur des indicateurs spécifiques à l'espace francophone, afin d'impulser des politiques favorisant l'égalité dans les institutions d'enseignement supérieur et de recherche et d'en mesurer l'évolution dans le temps », annonce la présidente du Resuff. Et de conclure : « En affichant clairement l'ambition féminine d'accéder au pouvoir dans tous les domaines que couvre l'université, le Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche cherche à dynamiser la société et à mettre en œuvre de grandes valeurs de la démocratie que sont le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes et ses corollaires, celui de l'égalité des droits et des devoirs et celui de l'égalité des chances. »