Deux jeunes Libanais gravissent le Mont-Blanc au profit des enfants maltraités du Liban

À 4 810 mètres d’altitude, Rayan et Rami célébrant la conquête du plus haut sommet de l’Europe occidentale.


Lundi 28 septembre, 6h45. Transis de froid, épuisés émotionnellement et physiquement mais extatiques, Rami Rasamny et son cousin Rayan Rasamny savourent un sentiment d'accomplissement, sur le plus haut sommet de l'Europe occidentale. Ils sont à 4 810 mètres d'altitude. Sur le toit de l'Europe, le vent souffle à 65 km/heure. La température frôle les – 30 degrés Celsius. Les deux jeunes hommes de 28 ans, tous les deux fervents amateurs de plein air, passionnés de sport et assoiffés de nature, ont réussi à relever le défi qu'ils s'étaient lancé il y a un an. Et cela malgré les difficultés et les mauvaises conditions climatiques qui ont accompagné leur expédition et qui ont failli les obliger, à l'instar de dizaines d'autres alpinistes, à abandonner leur projet ce jour-là. « En temps ordinaire, 400 personnes tentent d'escalader le Mont-Blanc. Pourtant, le jour de notre ascension, ils étaient une centaine. Et seulement 12, dont moi, Rayan et le guide qui nous a accompagnés avons réussi à atteindre le sommet », précise Rami.

Conditions extrêmes
Le Mont-Blanc n'est pas un lieu d'initiation à l'alpinisme. Son ascension, qui comprend des passages délicats avec risques de chutes de pierres et d'avalanches, fait de nombreuses victimes annuellement. Elle requiert une bonne connaissance de la haute montagne, une maîtrise des techniques de « cramponnage » et d'assurage, et une sérieuse préparation. Cela, les deux alpinistes libanais l'ont bien compris. Et bien qu'ils soient tous les deux en bonne forme physique – ils ont escaladé le Kilimandjaro (5 891 m) en 2014 –, Rami et Rayan ont suivi un programme de préparation qui a débuté au Liban avec l'ascension de montagnes locales telles que Kornet el-Saouda, Sannine et Tannourine, et s'est poursuivi, pendant une dizaine de jours, en France.
Leur nuit sur la montagne, les deux jeunes Libanais l'ont passée au refuge du Goûter, à une altitude de 3 817 mètres. « Nous nous sommes réveillés à 2 heures. Le départ a eu lieu une heure plus tard. Le vent soufflait à 40 km/heure. C'est la vitesse maximale acceptée. Un vent un peu plus fort nous aurait obligés à ajourner l'ascension », explique Rami qui confie avoir deux ans et neuf mois lorsque ses parents l'ont mis sur des skis pour la première fois.
Et c'est à la queue leu leu, à commencer par le guide, suivi de Rayan, puis Rami, qu'ils sont partis à l'assaut du Mont-Blanc, déterminés, « non pas à arriver au sommet à n'importe quel prix », mais « à faire de cette aventure une expérience édifiante ». « Les vents étaient extrêmement froids et forts. Et avec le facteur vent, la température descendait au-dessous des – 25 degrés Celsius. Ce qui rendait encore beaucoup plus dangereuse l'escalade, notamment sur les crêtes, très raides et très exposées », raconte Rayan. Le jeune homme, diplômé en finance de l'AUB, qui travaille dans l'entreprise familiale, poursuit : « Et comme 90 % des autres grimpeurs avaient abandonné leur tentative d'atteindre le sommet, nous étions pratiquement seuls sur la montagne, dans de mauvaises conditions. Je ne me sentais pas à l'aise dans cette situation. »

Une très belle leçon d'humilité
Soudain, à quelques minutes du sommet, l'astre jaune surgit de derrière la montagne. « C'était la première fois que je voyais le soleil ce jour-là. Je me suis effondré et j'ai pleuré. Je suis resté dans cet état jusqu'au sommet », confie Rami, ému.
Sur le toit de l'Europe, les alpinistes vivent un moment fort, inoubliable. « Je me sentais vraiment accompli, très touché. Toutefois, je savais que je devais rester concentré parce que 90 % des accidents d'escalade se produisent lors de la descente », se rappelle Rayan.
« C'est une vraie leçon d'humilité. Après une telle expérience, on voit tout sous une autre perspective », poursuit Rami qui ne cache pas l'importance de la nature dans sa vie. Le jeune instructeur de plongée sous-marine, qui détient un master en droit du King's College London, lancera bientôt une application mobile qui lui permettra de partager avec les autres sa passion, presque viscérale, pour les activités de plein air. Son application intitulée LHO, pour Life Happens Outdoor (La vie se déroule en pleine nature), permet à l'utilisateur de découvrir, partout dans le monde, les activités locales offertes, du yoga au parachutisme, et de s'y inscrire.

Protéger les enfants, c'est protéger l'avenir
La courageuse initiative de Rami et Rayan permettra de collecter des fonds pour assurer une éducation à 30 enfants pris en charge par Himaya, organisation non gouvernementale libanaise qui lutte contre la maltraitance des enfants. Un coût d'environ 10 000 dollars américains. « Les enfants représentent l'avenir de notre communauté. En leur offrant une protection et en leur permettant de vivre une enfance enrichissante, nous les aidons à construire la vie dont ils rêvent », explique Rami avant de préciser : « Himaya possède un foyer pour les enfants maltraités dont l'adresse est tenue secrète. Les enfants y sont hébergés en pension complète. L'argent collecté couvrira les frais des équipements, des livres, des enseignants... »
Les jeunes alpinistes ont réussi à recueillir jusqu'à cette date un peu plus de 6 400 dollars. Leur campagne
(www.helpforleb.com/campaigns/help-us-give-30-kids-at-himaya-an-education/)
prend fin le 22 octobre.

Doux arômes de Tripoli


Tripoli. Premières lueurs du jour. La caméra de Yasmine Sabih montre, de derrière un (très significatif) grillage, un quartier tripolitain encore endormi. Rapidement, les mailles disparaissent. Le ciel est limpide. Les ruelles s'animent progressivement. On entend des oiseaux chanter, un rideau métallique s'ouvrir, une marchandise qu'on déballe... La ville se réveille. Le marché reprend vie.
« Je veux à travers ce documentaire montrer le vrai visage de Tripoli. Tripoli qui est pour ceux qui ne la connaissent pas associée aux violences, aux confrontations entre différentes communautés et à la destruction », explique l'étudiante en information de 21 ans qui vient de décrocher son diplôme de l'Université Jinan. Réalisé dans le cadre d'un cours à l'université (voir ci-dessous), la jeune fille a vu ce documentaire, qu'elle a intitulé Arôme, comme une occasion pour donner la parole aux habitants et aux visiteurs de Tripoli : des personnes âgées qui racontent avec émotion leurs souvenirs, des hommes et des femmes plus jeunes, des étrangers installés dans la capitale du Nord mais aussi des Tripolitains expatriés toujours attachés à leur ville natale. À travers leurs regards et sa caméra, Yasmine Sabih nous emmène dans les cafés de Tripoli, ces espaces de vie, de rencontres et d'échanges « gravés dans la mémoire de tout Tripolitain et liés au ramadan ».

Porte-voix des gens sans voix
Son court-métrage d'une durée d'environ 8 minutes a nécessité un travail sérieux et une longue préparation. Bien qu'elle connaisse la région, Yasmine l'a visitée à plusieurs reprises avant le tournage pour s'en imprégner. « Je me suis assise dans ses souks de longues heures. Je m'y suis promenée. J'ai parlé avec les gens... », raconte l'étudiante, transformée le temps de ce documentaire en réalisatrice.
Yasmine a ainsi (re)découvert la région « quartier par quartier, maison par maison », pris des photos, choisi les meilleurs angles pour tourner, et visité des organisations qui s'occupent d'archives. « Mon enfance m'a marquée et a influencé le regard que je porte sur le monde. Je suis née dans un quartier populaire et je me suis imbibée de la simplicité des gens. Et lorsque je me suis installée dans un autre quartier, j'ai pu traduire mes souvenirs en de belles images », confie-t-elle.
Il y a trois ans, convaincue du rôle que peuvent jouer les médias dans l'amélioration de la vie des gens, voulant devenir elle-même actrice de changement, la bachelière, passionnée par la photographie et l'écriture de poèmes, a décidé d'intégrer la section radio et télévision à la faculté de l'information de l'Université Jinan. Aujourd'hui, après avoir obtenu son diplôme, Yasmine est plus que jamais déterminée à devenir le porte-voix des sans voix. Un choix compréhensible pour cette jeune Libanaise qui essaye au quotidien d'avoir un impact positif dans la vie des autres, que ce soit dans sa vie de tous les jours, à travers son travail comme correspondante pour plusieurs sites d'information électroniques, ou lors de ses activités auprès d'organisations locales dans le domaine de la formation à la citoyenneté active.