Une rentrée universitaire sous le signe de l’inquiétude

Plus de 150 000 étudiants dans une quarantaine d’universités au Liban ont repris ou reprendront dans les jours qui viennent le chemin de la fac. Dans le climat d’insécurité qui règne, comment les jeunes universitaires voient-ils la rentrée ?

« Où et quand la prochaine explosion aura-t-elle lieu ? Et si c’est sur le chemin de l’université ? Que faire si on décide de bloquer les routes et que je n’arrive pas à rentrer chez moi ? Les universités seront-elles obligées de fermer leurs portes quelque temps après le début des cours ? Ces questions et beaucoup d’autres semblables occupent mon esprit et me préoccupent. Je suis inquiète et j’ai peur. Que nous cache l’avenir ? » s’écrit Sandy Chaaban, étudiante en quatrième année de génie civil à l’Université arabe de Beyrouth (BAU). La jeune fille de 21 ans habite à Saïda et doit se rendre quotidiennement à Debbiyeh, dans le Chouf, pour suivre ses cours à la fac.

Elle n’est pas la seule pour laquelle la rentrée, cette année, a un goût différent. Mehsen el-Mekhtefi entame bientôt le dernier semestre de la licence en sciences politiques et administratives qu’il poursuit à la faculté de droit et des sciences politiques et administratives de l’UL à Tripoli. Le jeune homme de 21 ans, qui est également journaliste Web sur les sites d’information Jbeilnews et al-Haraka.org et correspondant à Zghorta pour La Voix du Liban, raconte : « Dans notre faculté, nous sommes habitués à ce que les cours soient perturbés par les affrontements entre Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen. Et bien que le sentiment d’angoisse et d’inquiétude sur le bon déroulement de l’année universitaire nous soit familier, ce qui fait la différence de cette rentrée, c’est qu’avec l’exacerbation de la crise syrienne et ses répercussions sur la sécurité au Liban, et particulièrement à Tripoli, la situation semble annoncer plus de perturbations. »

Racha el-Halabi, également étudiante à la section III de l’UL, campus de Kobbeh à Tripoli, a, elle aussi, connu ces dernières années l’ajournement de la rentrée et la suspension des cours à cause des confrontations dans la capitale du Liban-Nord. La jeune étudiante en troisième année de conception graphique et communication visuelle exprime sa vive inquiétude : « Des sentiments de peur m’animent désormais, surtout après les deux dernières explosions à Tripoli. Et ce qui ne facilite pas les choses, c’est que, pour arriver au campus, je suis obligée de prendre une route adjacente à Jabal Mohsen et Bab el-Tebbaneh. »
À l’inquiétude face à l’insécurité s’ajoute, pour Racha, un vif sentiment d’incertitude quant au début des cours. « Je n’ai aucune idée de la date de reprise des cours. Tout dépend des examens de la 2e session. D’ailleurs, nous sommes habitués à l’Université libanaise que les décisions soient prises à la dernière minute », se plaint-elle.

Pour Ronalda Ibrahim, 21 ans, étudiante en 2e année de droit à la faculté de droit et des sciences politiques et administratives de l’UL, section II à Jal el-Dib, l’avenir s’annonce sombre. « Je ne suis pas du tout optimiste au vu de la situation actuelle, dit-elle. Nous avons toujours connu des tensions entre les étudiants dans différentes facultés à cause de la politique. J’ai bien peur que l’histoire ne se répète cette année encore, surtout avec la crise syrienne et l’intervention libanaise en Syrie. Mais ce qui me fait le plus peur, c’est l’avenir. Je crains de ne pouvoir continuer mes études ici au Liban, et plus tard, si j’obtiens ma licence, de ne pouvoir y travailler. »

Craintes et inquiétudes
« La situation actuelle est dangereuse. La peur de plonger dans une nouvelle guerre est omniprésente. Les conséquences sur la rentrée et sur toute l’année universitaire sont à prévoir si la situation ne s’améliore pas », avertit Joëlle Karaa dont c’est la première rentrée universitaire. La jeune fille de 19 ans intégrera la faculté d’économie de l’USJ. Et même si elle est inquiète pour la situation, elle est très enthousiaste. « C’est un nouveau début pour moi, un nouveau monde, un nouveau mode de vie. Je suis désormais plus responsable de mes actes comme de mes choix. » Joëlle s’est préparée en douceur pour la rentrée : « J’ai commencé à lire des articles en relation avec mon domaine d’études. Et je me suis organisée, la vie universitaire étant bien différente de la vie pendant les vacances. »

D’autres étudiants n’arrivent pas à se soustraire au climat d’inquiétude qui les entoure. Certains vont jusqu’à entrevoir une guerre qu’ils jugent immanquable. « L’instabilité, l’insécurité et l’incertitude que nous vivons sont insoutenables. Dans la guerre, l’ennemi est connu, tandis qu’aujourd’hui, notre ennemi ou nos ennemis sont anonymes, et c’est là que réside le problème », avance Sandy.

Heureusement, les jeunes gardent l’espoir. Mehsen conclut : « La vie est belle. Et nous espérons avoir la paix au Liban et dans toute la région. Vivre en paix et en sécurité est l’un des droits de l’homme les plus fondamentaux. Et c’est ce qui nous manque. »

MyMED à la rencontre des jeunes Méditerranéens

Marion et Tiphaine, au forum Anna Lindh à Marseille.
« Passionnées par le monde méditerranéen et persuadées que la culture et le dialogue sont essentiels et que chacun peut être le changement qu’il veut voir dans le monde », Tiphaine Guérin (24 ans), Marie-Gabrielle Gaulard-Castello (25 ans) et Marion Maestripieri (23 ans) décident d’entreprendre un voyage d’enquête autour de la Méditerranée qui les emmènera, de la mi-août à la mi-octobre, au Liban, en Turquie, en Tunisie, en Grèce et en Espagne, à la rencontre de jeunes, porteurs de projets culturels, artistiques et citoyens. « Aller sur le terrain nous permet de rencontrer des jeunes qui, comme nous, ont la volonté de créer de meilleures relations au sein de l’espace méditerranéen et qui ont la certitude que les projets locaux ont une influence sur l’échelle globale, en servant le dialogue et la paix internationale », affirment les trois jeunes Françaises qui s’étaient rencontrées à l’Institut d’études européennes de Paris 8 alors qu’elles poursuivaient un master 2 en gestion de la culture.
Les questions auxquelles elles souhaitent trouver des réponses portent sur les interactions entre l’expression artistique et l’engagement citoyen chez les jeunes de l’espace méditerranéen. Comment ces jeunes vivent-ils les troubles ou l’absence de troubles dans leurs pays ?
Quel regard portent-ils sur la liberté d’expression et d’opinion ? Existe-t-il une culture méditerranéenne partagée ? Une plateforme Web interactive rendra compte de l’évolution du projet par le biais d’articles, de vidéos, de photographies et de captations sonores.
Pour financer leur voyage, Thiphaine, Marion et Marie-Gabrielle se sont tournées vers le crowdfunding qui leur a permis d’ajouter plus de 2 700 euros aux donations et aux subventions publiques déjà obtenues.
Tiphaine, qui a étudié deux semestres en Italie et aux États-Unis, Marie-Gabrielle qui, elle, a étudié deux ans à Beyrouth dans le cadre de ses études en histoire contemporaine, et Marion, de double origine française et italienne, qui a effectué un semestre d’études en Slovénie, souhaitent, à travers ce projet, aider à l’amélioration des échanges entre les citoyens méditerranéens par le prisme de l’expression artistique.
Elles confient : « Une fois le voyage terminé, nous voulons témoigner de notre expérience et présenter notre projet aux jeunes afin de leur donner envie de s’engager dans le monde... »

www.mymed-project.com/fr/

Des jeunes du monde arabe écrivent, haut et fort, leurs convictions

Ils ont entre 26 et 35 ans. Ils sont originaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, de pays enlisés dans des crises prolongées ou qui viennent de vivre des changements majeurs: Liban, Palestine, Jordanie, Égypte, Koweït, Bahreïn, Algérie, Libye, Maroc, Tunisie, Yémen. Avocats, enseignants, journalistes, médecins, chercheurs, conseillers financiers et travailleurs sociaux, ils sont tous animés par un même désir : contribuer à forger un avenir meilleur pour leurs pays. «En 2012, nous étions étudiants en administration publique à l’École de la citoyenneté et des affaires publiques de Maxwell, de l’Université de Syracuse, aux États-Unis, lorsque Mohammad Masbah, du Maroc, nous a proposé, à Emna Ben Yedder, étudiante tunisienne, et à moi, d’écrire un livre qui regrouperait nos petites histoires derrière la grande histoire de nos pays », raconte Dala Ghandour, avocate stagiaire libanaise spécialisée en statut personnel et coordinatrice du Centre libanais de médiation à la Chambre de commerce de Beyrouth et du Mont-Liban.
Enthousiasmées par l’idée d’un ouvrage qui fera porter au monde entier leurs voix de « citoyens anonymes du monde arabe », les deux jeunes filles embarquent sans hésiter dans cette aventure. Commence alors pour les treize étudiants impliqués dans le projet une riche expérience qui culminera avec la publication, neuf mois plus tard, d’un ouvrage collectif intitulé Revolution by Love : Emerging Arab Youth Voices, aux éditions New City Community Press, à Philadelphie (Pennsylvanie). « Ce livre, c’est l’histoire d’un engagement commun, d’une certaine résistance à vivre – au sens fort du terme – dans nos pays quand tout va mal, d’une force de caractère qui s’attache aux racines, à la famille et à la beauté de notre Orient, et tient à les léguer aux générations suivantes. C’est une révolution que les jeunes citoyens arabes vivent au quotidien avec passion, amour et fougue, mais aussi avec réalisme et détermination. C’est le paysage d’un monde arabe qu’on voit rarement dans les médias, loin de la bipolarisation qu’on aime nous montrer, des demi-solutions et des slogans usés », souligne Dala Ghandour.De la réalisation du recueil, lancé le 17 mai passé, à l’École des études orientales et africaines (SOAS), à Londres, l’auteure libanaise confie : « En tant que coordinatrice du projet, je devais motiver mes coauteurs et leur rappeler les délais de remise des textes... Travailler avec douze auteurs, de caractères différents et qui sont très occupés par leurs études est un défi que j’ai relevé!» 

Outre la signature collective au Royaume-Uni, les auteurs ont organisé, chacun, une séance de dédicaces dans leurs propres pays repectifs. « La mienne, tenue le 13 juin à Beyrouth, a rencontré un franc succès », raconte l’auteure libanaise, avant d’ajouter avec enthousiasme: « Nous prévoyons d’autres séances de dédicaces en Allemagne, en Italie et aux États-Unis.» 

Manque de citoyenneté
Diplômée en droit de l’USJ, en management de l’ESA et de l’ESC-Rouen, et médiatrice formée au Centre professionnel de médiation de l’USJ et au CEDR-Londres, Dala Ghandour poursuit : « L’écriture est cathartique. Elle nous oblige à rentrer au plus profond de nous-mêmes pour faire sortir l’essence et l’essentiel de nos vies. Je me suis redécouverte au fil de mes mots et mieux comprise. » La jeune avocate, qui a vécu à Paris, Washington et Doha, et qui a suivi des formations à La Haye, Londres et Saint-Pétersbourg, a choisi d’introduire son texte intitulé « The Heart Revolution » par une citation, très significative, de Nelson Mandela : « La mémoire est le tissu de l’identité. » Avec des mots simples et dans un style attachant, elle évoque dans ce chapitre l’importance pour un peuple de l’identité et de la connaissance de soi, et dénonce le sectarisme et le suivisme aveugle. « Nous vivons dans un manque de citoyenneté », écrit-elle. Parmi les mots qui caractérisent ses idées : ouverture, esprit critique, amour de la patrie, diversité et créativité. L’auteure raconte aussi sa participation aux élections municipales à Beyrouth en 2010. Une expérience réussie pour la jeune candidate indépendante, car bien qu’elle n’ait pas été élue, les 1 475 voix qu’elle a obtenues lui ont permis de se classer 7e sur les 75 candidats non élus.
Sur un registre un brin plus personnel, Dala, qui ambitionne de se présenter aux élections parlementaires de 2017, parle dans son texte des gens qui l’ont inspirée, de ce qui la motive et de ce qui la pousse à avancer.
La jeune avocate, qui fait partie des 28 juristes sélectionnés parmi 500 candidats, pour suivre, à partir du 18 juillet, une formation de trois semaines sur la primauté du droit à l’Université de Stanford, conclut : « À travers les différents chapitres, on ressent la fierté, le sentiment d’appartenance et l’amour qui animent les auteurs, et qui font d’eux les vrais acteurs du printemps arabe. Et on entrevoit ce que l’avenir, bien qu’assez sombre aujourd’hui, va nous offrir. »

Le livre « Revolution by Love : Emerging Arab Youth Voices » est disponible à la librairie Antoine et au Virgin. 

Lorsque les chaînes sont mentales

« Nafs el-helem ». Le même rêve, ou le rêve de soi. Un jeu de mots qu’Yvan Harfouche, 22 ans, étudiant en dernière année d’audiovisuel à l’Université libano-allemande (LGU), a choisi pour son premier court-métrage réalisé dans le cadre d’une campagne de sensibilisation sur la liberté d’expression menée par l’ONG March et pour lequel le jeune réalisateur a été primé par la LGU. Une juxtaposition de scènes simples, touchantes et fortes. On y voit un jeune homme raconter à un ami un rêve récurrent qui le tenaille. Et des images, presque stroboscopiques, où on visite son cauchemar. L’homme, seul, attaché à une chaise dans une salle noire – à l’exception d’une « lumière dont il ne reconnaît pas la source » et qui inonde et aveugle son visage tordu par la souffrance –, n’arrive pas à appeler à l’aide. « Coincé », « emprisonné », presque abattu, quelques instants avant de se laisser aller au désespoir et d’abandonner toute lutte une ombre – lui-même – le (se) libère.
« L’idée m’est venue rapidement. Et j’ai réalisé le film en quelques heures », confie Yvan. Une force mentale, une reprise de contrôle sur la vie qui n’est d’ailleurs pas étrangère au propre vécu du jeune réalisateur. « Il y a quelques années, j’avais 15 ans, un malheureux accident m’a laissé sur cette chaise roulante », raconte-t-il. Une pénible expérience pour l’adolescent qui passe l’année du brevet sur un lit d’hôpital. Mais qui ne l’empêche pas de présenter l’examen officiel dans une salle aménagée pour l’occasion au sein de l’établissement hospitalier et d’obtenir son diplôme avec mention. S’ensuivent de multiples interventions chirurgicales et une longue hospitalisation aux États-Unis. De ces mornes journées dans une chambre aseptisée, Yvan est sorti avec une passion, le cinéma, et une détermination : réaliser des « films qui laisseront des traces ».
« Je veux transmettre un message à travers l’image », poursuit le jeune homme, peu loquace, qui considère que « les mots risquent d’affaiblir la force du visuel ». Parlant de force, Yvan semble avoir une grande capacité mentale à se donner à fond dans la poursuite des objectifs qu’il s’est fixés. Une force mentale qui se trouve multipliée par celle de sa mère, Micha, qui, dès les premiers jours de l’accident, a décidé que son « fils vivra normalement ». « Pas facile, surtout dans un pays où rien ou presque n’est adapté aux personnes ayant des handicaps », lance-t-elle. Micha réussit à convaincre la municipalité de Jounieh d’aménager dans la ville un accès facile aux personnes en chaise roulante. Ça ne sera pas son unique victoire. « Dans notre malheur, nous avons eu la chance de retrouver sur notre chemin des gens qui nous ont beaucoup soutenus, souligne Micha Harfouche, en insistant sur le rôle qu’a joué et que continue à jouer la LGU dans la vie de son fils unique. Yvan, l’un des premiers de sa promotion, effectue actuellement un stage à la LBC et rêve de scènes mondiales. « Il n’en est pas loin, affirme sa mère. Ses enseignants lui prédisent un avenir brillant, mais il est trop modeste pour en parler. » 

Du talent, de l’ambition et une détermination à soulever des montagnes

Diplômée en arts visuels de l’Université libanaise, l’ambition dont Raymonda Adib fait preuve et son envie de créativité n’ont pas de limites. « Nos rêves doivent nous rendre plus forts et non pas le contraire », lance-t-elle, un sourire contagieux illuminant son visage aux traits fins. Pourtant, le vécu de la jeune peintre n’a pas été des plus faciles. « J’ai commencé à travailler vers l’âge de 15 ans », confie-t-elle. Son premier emploi dans une boulangerie (qu’elle n’a pas tardé à quitter) puis celui dans une boutique de sacs et de chaussures lui permettent de financer sa scolarité et d’acquérir son premier ordinateur. « Je fréquentais une bien modeste école. Une seule enseignante était chargée de nous apprendre toutes les matières. Je travaillais après les cours et rentrais chez nous vers 21h pour étudier tard la nuit, souvent jusqu’au petit matin. »
Avant d’intégrer la faculté des beaux-arts, Raymonda peignait spontanément. « Ma formation a été très constructive. J’ai appris les fondements et la base de la peinture, et j’ai compris le pourquoi des choses », poursuit-elle, avant d’ajouter : « J’ai beaucoup travaillé sur moi-même. J’ai appris l’anglais en regardant des films sous-titrés. » Un parcours réussi, maints obstacles surmontés, une histoire à succès qu’elle n’hésite pas à partager. « Il y a deux mois, j’ai été invitée à Dubaï par “ The Nawaya Network ”, une ONG qui s’occupe des enfants défavorisés, pour raconter mon histoire et exposer mes toiles. » C’était la première fois que la jeune femme prenait l’avion. Avait-elle peur de se dévoiler devant un public qu’elle ne connaissait pas ? « Non. Par contre, lorsque j’ai parlé devant des élèves de six et sept ans à l’école Wellspring, dans la région du musée à Beyrouth, j’avais le trac. C’est une grande responsabilité que de communiquer avec des enfants. Il fallait être prudente et éviter de leur donner le mauvais message. Un petit a proposé de donner de son argent pour aider les pauvres. Je lui ai répondu : “ Il vaut mieux leur donner des outils pour réussir que de l’argent. ” Un autre a voulu savoir si j’étais en colère lorsque j’ai peint Une étude (de l’âme) de l’immobilité et du mouvement que j’avais choisie pour illustrer les cartons distribués aux élèves. » Une peinture que Raymonda évoque avec passion et émotion. « Sortir de la boîte », « lever la tête », « respirer la liberté » sont des termes qui reviennent souvent dans sa bouche lorsqu’elle en parle.

Malgré son quotidien chargé, la jeune femme trouve toujours le temps de s’investir dans la société. « J’ai collaboré à Imagination Studio , un projet inscrit dans le cadre du doctorat de Joanna Choukeir à l’Université des arts de Londres, qui a réuni des jeunes de différents régions, mentalités et intérêts autour de la volonté de s’exprimer et de changer les choses.Aujourd’hui, à 24 ans, Raymonda est déterminée à se réaliser et à voir ses rêves devenir réalité. Mariée depuis quatre ans, « juste après la terminale », elle bénéficie du soutien de son mari qui l’encourage « à aller de l’avant, à ne pas me limiter et à me construire en permanence ».
Un dernier mot ? « Dans la vie, j’ai appris à travailler dur. Mon message aux jeunes : si vous tombez, relevez-vous et recommencez. »

www.raymondaadib.com 

« Bleus de Marybelle », ou lorsque la plume se fait lumière

Coloré, drôle et émouvant, le premier livre pour enfants de Carole Awit, jeune enseignante de français à l’Université Sainte-Famille à Batroun et lauréate du prix Rami Azzam en 2009, aborde un thème social important : l’acceptation de la différence. La jeune auteure raconte l’histoire de Marybelle, une petite fille « pas comme les autres » qui, bébé, était « belle comme un cœur » et pour laquelle « ses parents imaginèrent une vie sans nuages ». Un vœu qui aurait pu être exaucé n’était-ce sa chevelure, « à la couleur indéfinie qui ressemblait au bleu de la nuit », qui affectera le regard que lui portent les gens.
« Pour évoquer la différence, je n’ai pas voulu parler aux enfants de maladies ou de handicaps comme c’est souvent le cas », souligne la jeune écrivaine. Dans Bleus de Marybelle, publié aux éditions Hatem et joliment illustré par Élie Saliba, Carole Awit a tenu à présenter aux élèves libanais « des personnages qui sont eux aussi des élèves » qui leur ressemblent, qui mènent des activités similaires et qui évoluent dans un milieu scolaire. « Souvent on donne aux enfants des livres avec, comme personnages principaux, des animaux, des fées ou des gens qui ne sont pas dans la vie de tous les jours. Et même si certains de ces livres sont très beaux, j’ai voulu leur offrir des personnages plus réels », poursuit Carole.
Imagination, gaieté du ton et message édifiant
En 2011, Carole Awit a reçu le prix du jeune écrivain de langue française pour sa nouvelle Comateen, alors qu’elle était étudiante en master de lettres françaises à l’USJ. Son récit a été publié aux éditions Buchet-Chastel dans une œuvre collective intitulée L’idiot du village et autres nouvelles.
« J’ai toujours écrit pour les adultes. Cette fois, j’ai eu envie de réaliser quelque chose pour les petits », raconte la jeune fille dont les deux parents sont professeurs de lettres et qui s’est trouvée immergée dans l’univers des livres dès sa tendre enfance. « Chez nous, on aimait beaucoup lire. On aimait raconter nos propres histoires aussi » , ajoute-t-elle.
Parlant de son livre, elle confie : « J’avais, depuis longtemps, l’idée de ce récit dans la tête. J’en ai discuté avec Mme Thérèse Hatem, directrice des éditions Hatem. Et nous nous sommes entendues sur sa publication. »
Bleus de Marybelle, qui allie imagination et gaieté du ton, est porteur d’un message édifiant. Le récit, musical, rempli d’images et de couleurs, n’est peut-être pas étranger à l’amour qu’avait la jeune auteure pour l’écriture de chansons. « Adolescente, je rêvais d’écrire des chansons. J’avais des amis musiciens qui se sont intéressés à mes textes. Malheureusement, nos projets sont tombés à l’eau » , raconte-t-elle.
Ce livre, qui comprend, outre le récit, un supplément de huit pages d’exercices ludiques, a été adopté par nombre d’écoles privées pour distribution auprès de leurs élèves.
L’auteure projette de publier bientôt un recueil de nouvelles pour adultes. Intelligente, talentueuse et persévérante, Carole Awit ira loin.

Pour en savoir plus sur Bleus de Marybelle :
 www.facebook.com/BleusDeMarybelle. 

Lorsque tout se joue très tôt

Ci-dessus, de jeunes étudiantes sortant de l’USJ à Beyrouth.

Ce n’est pas sur le campus d’une université ni dans un atelier de formation que je l’ai rencontrée, bien qu’elle aurait donné des années de sa vie pour pouvoir y accéder. Ni au cours d’une quelconque manifestation culturelle, sportive ou communautaire. Je l’ai croisée dans un salon de beauté, l’une des innombrables boutiques de coiffure qui pullulent à Beyrouth. Elle y travaille comme manucure, neuf à dix heures par jour, six jours par semaine. « Souvent sans pause déjeuner », précise-t-elle. 
Le teint terne, la peau rêche, le regard éteint, Samar, dans la seconde moitié de la vingtaine, portait difficilement une grossesse de huit mois. « La chaleur me tue. Notre appartement, situé au dernier étage d’un petit immeuble, est un four », se plaint-elle, avant d’ajouter en regardant son ventre : « C’est mon troisième. Mon premier, une fille, je l’ai eu à l’âge de 15 ans. » Une enfant qui donne naissance à un enfant. Une adolescence volée. Une vie à jamais altérée. « Je n’ai pas connu l’insouciance de la jeunesse. Je me suis retrouvée très tôt face à des responsabilités qui me dépassent et qui m’ont demandé de grandir trop vite. Et si je veux raconter mon histoire aujourd’hui, c’est pour avertir les jeunes Libanais du risque sérieux qu’il y a à abandonner ses études et de la gravité des mariages précoces qui ne devraient pas être encouragés par les parents », poursuit-elle.

Travail précaire et maigre revenu
À quelques semaines de l’accouchement, Samar est très préoccupée par la situation financière de sa famille. « Je me fais beaucoup de soucis. Je vais prendre un mois de congé à la naissance de mon fils, durant lequel mon salaire actuel de 600 dollars par mois sera coupé », confie-t-elle. Pourtant, le code du travail, amendé au moins d’octobre passé, prévoit un congé maternité payé d’une durée de 60 jours. « Peut-être... Mais je n’ose pas me plaindre pour ne pas perdre mon emploi », avoue-t-elle. Samar ne pourra pas non plus compter sur le faible revenu de son mari, chauffeur de camion, pour compenser la perte de gain générée par son arrêt de travail.
« Je regrette de ne pas avoir poursuivi mes études. Tout aurait été différent si j’avais un diplôme ! Qu’est-ce que je donnerais pour un retour dans le temps et le banc de l’école », soupire-t-elle. Mais il n’est jamais trop tard pour prendre les rênes de sa vie en main, reprendre ses études et devenir ce qu’on aurait pu être ? « Pas au Liban. On me dit que dans d’autres pays, en Europe ou au Canada, j’aurais pu recommencer et reprendre mes études là où je les avais abandonnées, apprendre un autre métier ou même intégrer une fac où de nombreuses formations se donnent en soirée, tout en gardant mon travail pour subvenir aux besoins de ma famille. On me parle aussi de l’aide sociale que les gouvernements de ces pays donnent aux citoyens démunis. Pas au Liban, non ! »

Il s’appelait Mariam

Lorsque je l’ai rencontré dans un café à Gemmayzé, il arborait un sourire calme. Son visage, sérieux et barbu, était serein. Ses cheveux drus, coupés très courts, avaient les mêmes reflets que ses yeux ténébreux. Direct, confiant, sûr de lui-même, le jeune homme de 21 ans donnait l’impression de savoir exactement ce qu’il voulait dans la vie.
Nous aurions pu parler des difficultés qu’il a rencontrées, lui issu « d’une famille défavorisée », à poursuivre ses études dans une université privée à Beyrouth, ou de ses rêves « d’ouvrir son propre restaurant dans une dizaine d’années ». 

« Je suis né fille », lance-t-il tout de go. Un premier enfant. Deux sœurs viendront compléter la famille. « J’étais heureux jusqu’à l’âge de 9 ans », se souvient-il. Sa puberté, précoce, le met face à un corps dont il ne veut pas et à une identité qu’il ne se reconnaît pas. William raconte ses « souffrances », son grand « malaise » et ses « difficultés d’être », qui l’accompagnent dès lors et jusqu’à l’âge de dix-sept ans. « Je me rappelle très bien le moment du déclic. Je regardais l’émission américaine “Oprah” à la télé. Sur le plateau, un invité raconte son histoire. » Accroché(e) à ses lèvres, l’adolescent(e) qu’il était se reconnaît dans les propos de cet homme. « Quel soulagement ! J’ai pu mettre un mot sur ce que je suis : un transsexuel », poursuit-il. Il se rue sur Internet et tombe, au cours de ses recherches, sur un témoignage qui lui « montre qu’il y avait une lueur d’espoir ». « Bien que j’aie su ce jour-là qui je suis, j’ai décidé de ne pas en parler dans la famille. Il y avait déjà assez de problèmes entre mes parents », confie-t-il.
Ce n’est que deux ans plus tard – il se rappelle la date exacte – qu’il se résout à en parler avec sa mère. « Elle était dans la cuisine en train de rouler des feuilles de vigne. Je lui dis sur le pas de la porte : “Maman, je suis un homme”. » Sa mère est en état de choc. C’est la crise à la maison. Un ami lui parle de l’association Nassawiya et lui recommande de la contacter. « Là-bas, on m’a parfaitement compris. Je ne m’attendais pas du tout au soutien qu’on m’a accordé. ».
Un mois plus tard, William quitte la maison. Ce ne fut pas facile, « surtout au début ». S’ensuivent des menaces de son père, des altercations avec des membres de la famille, des tentatives de réconciliation avec sa mère, mais aussi des cours en communication à la LAU et un premier travail dans une boutique de vêtements.
Aujourd’hui, William se dit heureux. Il travaille comme superviseur dans un pub et effectue des traductions en ligne. Et s’il a régulièrement des injections de testostérone et qu’il a connu une mastectomie, il n’a pas encore subi d’opération de changement de sexe.
Pourquoi a-il accepté de partager son histoire ? « Car chaque matin, je me réveille avec l’envie de commencer ma journée. Je suis heureux d’être moi-même. J’ai pu trouver le bonheur que les gens recherchent toute leur vie. C’est le message que je veux transmettre. » 

Ne fermons pas les yeux. Soyons solidaires !

Il y a quelques mois, Peter Dagher, 21 ans, brillant étudiant en 4e année de génie électrique à l’université Notre-Dame de Louaizé, n’avait d’autres soucis que ceux de son âge. Aujourd’hui, le jeune homme lutte courageusement contre une forme rare de leucémie – leucémie dérivée des cellules dendritiques plasmocytoïdes – qui l’a obligé à mettre en suspens sa vie telle qu’il la connaissait, ses études et la bourse de stage qu’il a réussi à décrocher dans une importante société au Qatar.
« Tout a commencé lorsqu’un jour, en me préparant pour aller à l’anniversaire de ma petite sœur, je remarque une lésion sur mon épaule droite », raconte l’ingénieur en devenir. S’ensuivent deux mois de consultations médicales avant qu’un diagnostic clair ne soit effectué. « Le lendemain de la biopsie, après une journée ordinaire à l’université, je rentre à la maison avec l’intention de commencer à réviser avant les prochains examens. La mauvaise nouvelle m’attendait. Il m’a fallu quelques secondes pour saisir le sens de ce que me disait mon père, mais à la fin j’ai compris que j’avais un cancer. »

Peter portant sa petite sœur devant le sanctuaire Notre-Dame du Liban à Harissa.

Les deux premiers mois qui ont suivi le diagnostic initial ont été une vraie montagne russe émotionnelle pour Peter et sa famille. À deux reprises, et dans deux hôpitaux différents, on leur annonça qu’il n’y avait plus de trace de la maladie. Malheureusement, le diagnostic est finalement confirmé.
« Après des tests sans fin et quatre biopsies de moelle osseuse, le médecin m’a informé que la chimiothérapie seule ne suffit pas pour me guérir et que ma seule chance de survie est une greffe de moelle osseuse », confie Peter. Commence alors une vraie course contre la montre pour trouver un donneur adéquat. En théorie, un patient a une chance sur quatre d’être compatible avec son frère ou sa sœur. Mais ce n’est pas le cas de Peter.
Des membres de sa famille, des connaissances, une quarantaine de jeunes étudiants de l’école secondaire publique de Tannourine (amenés en autobus du village paternel de Peter à l’AUH à Beyrouth) ont subi, chacun, un prélèvement sanguin pour déterminer leur groupe tissulaire et le comparer à celui du jeune homme. Ils se sont tous avérés non compatibles, tout comme les millions de donneurs volontaires inscrits dans des registres en Europe et aux États-Unis. Pas étonnant, surtout pour les donneurs internationaux, puisque la probabilité de compatibilité entre deux individus pris au hasard est d’une chance sur un million. 


Lui sauver la vie
En l’absence d’un donneur compatible, l’alternative pour Peter est une greffe de moelle osseuse provenant d’un donneur haplo-identique (compatible à 50 %). Une procédure risquée et très coûteuse.
Peter a urgemment besoin de trouver un donneur compatible. Ceux qui souhaitent tester leur compatibilité avec le jeune homme sont priés de contacter le 03-626711. L’AUH a accepté de réduire le coût de l’examen médical (environ 250$) si de nombreux volontaires se présentent ensemble.
Il est vital pour Peter qu’une grande chaîne de solidarité soit constituée à l’échelle nationale et essentiel pour tous les Libanais qu’un registre de donneurs volontaires soit établi le plus rapidement possible.

Jeunes Libanais, préparez-vous à voter !

Ils sont plusieurs milliers de Libanaises et de Libanais à avoir atteint l’âge de vote (21 ans) depuis les dernières élections législatives. De futurs électeurs qui ne connaissent pas toujours l’importance de la participation des citoyens aux élections, qui sous-estiment le poids de leurs voix et qui ne sont pas conscients de leur pouvoir de changement. D’où le projet « One voice can change » de Smart Center – organisation civile à but non lucratif fondée en 2009 dans le but de promouvoir les droits de l’homme et la construction d’une pleine citoyenneté au Liban et dans la région MENA – lancé avec le soutien de l’initiative américaine du partenariat pour le Moyen-Orient (MEPI), le 15 février passé, pour sensibiliser les jeunes sur leur droit et leur devoir de voter, sur le pouvoir des urnes et pour leur permettre de découvrir ce que sont les élections démocratiques intègres et les mécanismes de reddition de comptes.
« One voice can change » est un concours de réalisation d’annonces de service publique (PSA) lancé dans une dizaine d’universités à travers le Liban. Son objectif : stimuler la créativité des étudiants et les encourager à utiliser les nouvelles technologies et les médias afin de promouvoir leurs points de vue et d’influencer le public en général et les jeunes en particulier. « C’est une opportunité pour nous d’inciter les jeunes à s’engager dans la vie politique et de les sensibiliser sur l’importance d’avoir des élections équitables. Le projet donne également l’occasion aux étudiants de se perfectionner dans la réalisation des PSA et de partager leurs idées avec le grand public », insiste Randa Yassir, directrice de Smart Center. 


La durée de l’annonce vidéo ne doit pas dépasser les deux minutes. Un maximum de 120 secondes donc pour convaincre les spectateurs, et particulièrement les jeunes, de l’importance du rôle que joue le citoyen dans les élections. Selon les auteurs du projet, cette initiative considère les jeunes comme des acteurs de changement positif capables de constituer des groupes de pression pour défendre des causes justes.
Le projet, d’une durée de sept mois, comprend plusieurs phases. Sérina Salloum, chargée du projet, explique : « Pour commencer, on offre aux participants un atelier de production audiovisuelle axée sur le service public, la communication, la résolution de conflit, la médiation et le leadership. Les étudiants produiront par la suite leurs propres vidéos qui seront diffusées ultérieurement dans les universités et sur les chaînes de télévision locales afin de provoquer un débat public sur les élections et provoquer un changement positif. »
« Un des éléments de réussite de ce projet repose sur le partenariat que nous avons établi avec les médias. Cet accord permettra d’implanter un bon programme de soutien et d’accompagnement pour les jeunes réalisateurs. La participation des médias nous aidera également à diffuser la vidéo gagnante auprès du grand public », conclut Randa Yassir.

Krystel Saneh, jambes en or et volonté de fer

En 2011, lors de la première édition du championnat de l’Asie de l’Ouest en athlétisme pour les cadets, Krystel remporte trois médailles d’or.
Posée, intelligente, dynamique, Krystel Saneh a la tête sur les épaules. Ses rêves, elle est déterminée à «faire le nécessaire pour les réaliser ». La brillante athlète, étudiante en première année de publicité à l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA), sait de quoi elle parle. Aux Jeux ouest-asiatiques 2012 tenus à Dubaï au mois de décembre, elle remporte trois médailles dont une d’or. Mais aujourd’hui, c’est de ses études qu’elle commence à parler. «Je suis contente de la filière que j’ai choisie. La publicité est un domaine dans lequel je me vois évoluer. Surtout que c’est conciliable avec le sport. » La jeune fille de dix-huit ans consacre deux heures et demie par jour, six fois la semaine, aux entraînements. « Pas d’impact sur mon travail à l’université, tout est affaire d’organisation », assure-t-elle en confiant qu’elle apprécie beaucoup la compréhension de l’ALBA qui l’autorise à s’absenter lorsqu’elle a des compétitions à l’étranger. « J’aime beaucoup l’ambiance dans les cours et la complicité avec mes camarades. Nous sommes tous sur la même longueur d’onde. Par ailleurs, nous avons d’excellents profs qui se donnent à fond », poursuit-elle. 

Un don découvert très tôt
Sa passion pour le sport remonte à loin. « J’étais en classe de 10e au Collège de Champville où j’ai effectué toute ma scolarité. C’est Arda Kalpaklian, la première athlète libanaise et arménienne à participer à des Jeux olympiques, qui m’a découverte. Je me rappelle avoir réalisé un saut en longueur de 1,90 m. J’avais 7 ans », précise Krystel. Encouragée par sa professeure d’éducation physique, elle commence à pratiquer le basket-ball. Un sport auquel elle s’adonne pendant quelques années avant de se consacrer à l’athlétisme.
Passionnée par cette discipline, l’adolescente se met à faire des recherches sur les grands athlètes mondiaux et à suivre leurs nouvelles. «J’étais à ce moment-là en classe de 6e. » Et c’est alors qu’elle commence à s’entraîner sérieusement avec Élie Saadé, qui deviendra son coach et son mentor. «Sans lui, je n’aurai pas pu arriver à ce niveau. C’est très important que le coach comprenne l’athlète. »
Des difficultés dans son parcours ? Krystel sourit : «Le manque de soutien matériel de la part du gouvernement, et cela malgré le support moral offert », souligne-t-elle.
Son prochain objectif : les Jeux olympiques 2016. « Je ferai le nécessaire pour y arriver », répète l’athlète avant d’ajouter : « Le sport m’a appris à bien m’organiser, m’a permis de développer des habiletés relationnelles, et m’a aidée à devenir mature. »

Échanges interculturels au fond du désert


« Connecting cultures », initiative de l’ONG internationale Outward Bound, organise, depuis 2004 et avec le soutien de l’Unesco, des expéditions dans les déserts d’Oman pour des jeunes de 17 à 24 ans « appelés à devenir les dirigeants de la société de demain ». L’objectif de ces randonnées intensives : favoriser la rencontre des cultures et promouvoir la compréhension mutuelle et la paix dans le monde, en rassemblant durant cinq jours, dans un environnement naturel, sans Internet ni couverture réseau, des jeunes de différents pays de l’Occident et du monde arabe.
John Achkar, licencié en économie de l’USJ et étudiant au master en relations internationales, a représenté le Liban lors de la dernière expédition qui a eu lieu au mois de décembre. « Parler au nom de mon pays est un honneur pour moi », lance le jeune homme de 22 ans, fier « d’avoir porté le drapeau libanais » devant des participants (17 au total) d’une quinzaine de pays arabes et européens : Oman, Arabie saoudite, Maroc, Irak, Yémen, Égypte, Slovénie, Pologne, Grande-Bretagne, Croatie, Finlande, Allemagne, Andorre, Espagne et Hollande.


« Avant de m’envoler pour Oman, j’ai entendu un prêtre déclarer que pour avoir un vrai contact avec une personne et découvrir son fond, il faut s’imaginer dans le désert, sans Internet ni téléphone, et voir uniquement l’autre en face de soi. L’expédition, c’était justement cela », affirme John. 
Une fois arrivés à Oman, les jeunes participants, de différentes origines et d’horizons divers, sont allés au désert en autocar, « un trajet de trois heures », précise John, qui poursuit : « Nous avons commencé notre marche dans le désert, le 7 décembre vers 13h, accompagnés de trois chameaux, sous un soleil de plomb ! » Le jeune étudiant qui effectue actuellement une année d’échange à Sciences Po (Paris) se réjouit de la bonne communication qui s’est rapidement établie entre les jeunes participants. « Je n’imaginais pas cela. Nous en sommes arrivés à discuter de n’importe quel sujet, à sortir des préjugés, à trouver des points communs. » 

Aller vers l’autre
Les journées étaient structurées autour de la marche (12 km par jour) et de débats quotidiens. Les discussions, animées par Marc Evans, le fondateur de « Connecting cultures », portaient sur des thèmes tels que les acteurs de changement, les préjugés et le rôle des médias. « Et en soirée, passé 20h, après avoir poursuivi officieusement le débat, nous dansions la dabké, chantions autour du feu de camp et jouions à différents jeux... J’ai appris par exemple qu’en Europe, le jeu du téléphone cassé est appelé téléphone arabe... » ajoute John.
Le jeune homme, qui tient à « remercier l’USJ, le bureau du délégué du recteur à la vie étudiante et aux engagements citoyens et la Commission nationale libanaise pour l’Unesco », déclare : « Même si le soleil brûlait fort, traverser le désert n’est pas uniquement une épreuve physique. C’est surtout une expérience psychologique. Les moments passés seuls face au néant constituent une expérience inoubliable. Avoir soif, faim, un peu froid la nuit, faire face à des tempêtes de sable, voir des mirages, parler aux Bédouins et ne rien comprendre de leur langage, chanter tout seul, découvrir cet animal magnifique qu’est le chameau... » 
Mais le plus édifiant de ce bain interculturel est le contact avec les autres participants. « Ce qui m’a marqué le plus, ce sont les débats engagés avec les jeunes des pays arabes, en majorité musulmans. Des discussions de fond sur la religion et les croyances », confie John qui dénonce le confessionnalisme au Liban, « depuis toujours l’instrument utilisé par les envahisseurs ». L’importance de ces discussions pour le jeune homme relève du fait qu’elles permettent de trouver des points de convergence. « Je ne savais pas qu’il y avait autant de points communs entre les jeunes. Des points sur lesquels nous pourrons à l’avenir construire de meilleures politiques de cohésion, un espace Schengen arabe, pourquoi pas ? » se demande, confiant, John.

La culture du dialogue
« Chez nous, il y a absence de dialogue. La grande majorité des Libanais ne sont pas sortis de leurs communautés respectives durant toute leur vie. Comment un échange pourrait-il alors avoir lieu ? Il faut dépasser la confession et les partis confessionnels. Je sais que c’est facile à dire et difficile à mettre en place. Pourtant il faut être conscient que les choses bougent déjà... et dans le bon sens. Les jeunes désireux de briser le système de “castes” confessionnelles sont de plus en plus nombreux. Ils en ont assez d’entendre leurs parents affirmer que tel leader est bon pour les chrétiens ou tel autre pour les musulmans », conclut John. 

Une enseignante libanaise récompensée à Prague

Youssr Mokhtar Chediac est rentrée de la République tchèque, début décembre, fière et heureuse. La méthode éducative qu’elle a développée, et adoptée dans sa propre classe, intitulée en arabe « Warak warak », a remporté le troisième prix au Forum mondial des enseignants innovants de Microsoft dans la catégorie « Construction de connaissances et esprit critique ». Plus d’une centaine d’éducateurs – dont la lauréate libanaise –, sélectionnés à l’issu de compétitions locales et régionales, ont concouru dans six catégories distinctes. Les enseignants, de différentes nationalités et de différents horizons académiques, ont présenté chacun son projet éducatif devant plus de cinq cents éducateurs, directeurs d’école et autres professionnels de l’éducation venus des quatre coins du globe. « C’est la première fois au Forum mondial des enseignants innovants qu’un Libanais gagne à titre individuel un prix d’excellence », souligne Youssr.
L’éducatrice récompensée – licenciée en biologie de la LAU – est enseignante de sciences à l’école publique Gebran Andraos Tuéni depuis 2004. Son projet éducatif, primé au préalable au Forum des enseignants innovants tenu au Maroc au mois de septembre passé, comprend trois étapes. « La construction de connaissances et le développement de compétences à travers différentes activités d’apprentissage constituent la première phase. La deuxième implique l’établissement de collaborations entre les étudiants, avec des élèves de l’extérieur de la classe, avec d’autres enseignants, des experts et la communauté. La troisième phase porte sur la création d’un réseau de transfert de connaissances qui va au-delà de la classe », explique la lauréate libanaise, qui ajoute : « On ne peut pas éduquer les leaders de demain avec les outils et les méthodes du passé. En tant qu’enseignants, nous devons continuer à améliorer nos pratiques d’enseignement. » 



La participation des étudiants
Pour publier sa méthode sur l’Internet et communiquer autour de son projet, l’enseignante sollicite l’aide de deux élèves, Ali Dayekh et Abdallah Faraj. Aujourd’hui en terminale, les deux étudiants étaient en classe de seconde au lancement du projet en 2010. « Je me suis occupé de la construction du site Web », affirme Ali, qui précise que l’objectif est d’informer les internautes sur « Warak warak » d’une manière simple mais avec exactitude. Abdallah, quant à lui, a créé et gère la page Facebook et le compte Twitter du projet. « Je suis ravi des réactions sur les réseaux sociaux. Les étudiants n’hésitent pas à publier en grand nombre sur notre page et à aimer et commenter nos publications. Cela nous motive et nous encourage à continuer et aller de l’avant », confie-t-il.
La communication autour de la méthode développée par Youssr est importante. « Puisque “Warak warak” a gagné un prix d’excellence, pour des années à venir, des images et des vidéoclips, expliquant la méthode et donnant parfois la parole aux étudiants, seront diffusés dans le monde entier, à travers les publications du Forum mondial des enseignants innovants et sur le Web », précise l’enseignante.
Sur un autre registre, Youssr Chediac a été récompensée au Maroc pour un deuxième projet qu’elle a élaboré en collaboration avec d’autres enseignants de la région et qui porte sur la sauvegarde des monuments historiques. Un projet collectif dans lequel l’enseignante a impliqué ses étudiants à l’école Gebran Andraos Tuéni qui ont été nombreux à partager leurs idées et points de vue sur la préservation des monuments. « J’ai, par ailleurs, emmené dans mes bagages, à Prague, des cartes postales représentant différentes régions du Liban et portant au verso des messages écrits par mes élèves. Des cartes que j’ai données à mes collègues afin qu’ils les transmettent, une fois de retour dans leur pays, à leurs propres étudiants », raconte Youssr.

Créer des ponts pour l’avenir
Samedi 12 janvier. Une journée ordinaire à l’école secondaire Gebran Andraos Tuéni. La cloche sonne. Youssr Chediac entre dans la classe de première B, les étudiants se lèvent. Ils sont vingt-cinq garçons et filles. Certains ont 14 ans à peine. D’autres ont dépassé les 18 ans. Enthousiastes, ils commentent, à la demande de leur enseignante, leur récente visite à l’Université américaine de science et de technologie (AUST), organisée dans le cadre de la phase trois du projet « Warak warak ». Objectif de cette visite : suivre un atelier animé par des étudiants en licence de mathématiques sur les applications d’Excel au quotidien.
« Ce que j’ai aimé le plus de cette expérience, c’est qu’elle nous a permis de faire un saut dans l’avenir et d’entrevoir l’université », indique Rawan, 17 ans. Iman, 19 ans, affirme : « Au début, j’appréhendais cette formation, mais la patience des étudiants de l’AUST a fini par payer... L’impact de cette expérience est énorme sur la confiance que j’ai en moi-même. » Les élèves sont unanimes à reconnaître que l’attitude ouverte des étudiants de l’AUST a facilité leur apprentissage. Ils trouvent cette expérience édifiante. « Elle nous a permis de sortir hors des quatre murs de notre classe », « Elle nous a ouvert de nouveaux horizons », « Nous avons appris une nouvelle approche vis-à-vis de tout projet », « J’ai compris que rien n’est inaccessible », « Nous avons réalisé que nous avons un potentiel non exploré à exploiter »...
Des visages joyeux, des voix excitées, un enthousiasme sincère que le projet de l’enseignante a généré et qu’elle a pu montrer au monde entier grâce à son prix.

Deux étudiantes libanaises sur un podium américain

Mélissa el-Debs et Caroline Der-Nigoghossian.
Uniques participantes en dehors des États-Unis, elles remportent le troisième prix dans la fameuse Clinical Skills Competition (CSC), un concours basé sur une analyse interactive de scénarios cliniques, organisé annuellement au mois de décembre par la Société américaine des pharmaciens de système de santé (ASHP). Mélissa el-Debs et Caroline Der-Nigoghossian, étudiantes en doctorat en pharmacie à la LAU, ont réussi à se distinguer dans ce concours – tenu à Las Vegas – impliquant 240 étudiants issus de différentes facultés et écoles de pharmacie américaines. « La LAU est l’unique université en dehors des États-Unis à offrir un programme de pharmacie accrédité par le Conseil d’accréditation pour l’éducation de pharmacie (ACPE). C’est ce qui nous a permis de participer à la CSC », explique Caroline.
Le défi relevé par les deux pharmaciennes en devenir consistait à étudier un cas psychiatrique et à proposer un plan de traitement. « Le jury nous a demandé d’analyser le cas d’un patient souffrant de schizophrénie, de dépression et d’autres complications comorbides. L’homme avait également développé une résistance à de nombreux médicaments », précise Mélissa, qui poursuit : « Il nous fallait trouver le meilleur traitement tout en prenant en considération d’autres facteurs tels que l’absence d’assurance médicale. » 

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Leurs « qualifications exceptionnelles » – les mots sont ceux du doyen de la faculté de pharmacie à la LAU, le Dr Pierre Zalloua –, leur grande motivation et une préparation intense et assidue ont permis aux jeunes étudiantes libanaises de se hisser parmi les dix finalistes et d’occuper la troisième place. Le stage qu’elles ont complété à l’Hôpital méthodiste de Houston, au Texas, dans le cadre de leurs études en doctorat, leur a également été très bénéfique. « Nos professeurs à l’université et nos précepteurs à l’Hôpital méthodiste de Houston nous ont aidées à nous préparer. Mais pour être honnête, j’avoue que nous ne nous attendions pas à ce résultat », souligne Caroline. Mélissa acquiesce : « Avant la compétition, nous avons regardé des vidéos de l’édition passée et nous nous sommes rendu compte des difficultés des cas présentés par le jury. »
Les deux jeunes étudiantes avaient déjà remporté un concours local organisé au mois d’octobre à la LAU pour désigner les participants à la compétition américaine.
À 23 ans et à quelques mois de l’obtention du doctorat, Mélissa et Caroline ambitionnent de parfaire leur formation à l’étranger pour « éventuellement revenir au Liban et faire profiter des concitoyens de notre savoir dans le domaine ».
Mélissa conclut : « Cette expérience nous a permis de donner une bonne image non seulement de notre université, mais également des étudiants libanais et du Liban. »

Anna-Rita Bassil, une étudiante peu ordinaire

Anna-Rita, à la signature de "Neuf"

Anna-Rita Bassil est une étudiante épanouie et motivée en deuxième année de psychologie à l’Université libanaise, campus de Fanar. L’étude des caractères et des comportements humains n’était pourtant pas son premier choix de filière. « J’ai commencé par étudier la gestion commerciale... Mais c’est dans la psychologie que je me suis retrouvée », confie-t-elle. La psychologie qu’elle ne voit pas comme une profession qu’elle exercerait à l’avenir mais plutôt comme une découverte et une exploration qui l’enrichiraient. « Ce n’est pas le métier de psychologue qui m’intéresse », répète-t-elle, avant d’expliquer : « Ce qui m’attire dans ce domaine, c’est la recherche, les théories de Freud, de Lacan et d’autres grands noms de la psychologie. »
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Inspiration et imagination
Ses études en psychologie ont stimulé et « épicé » son imagination, et l’ont poussée à écrire Neuf, roman que la jeune fille a signé au Salon du livre de Beyrouth au mois de novembre passé. « Dans ce livre, j’aborde le sujet délicat des séquelles psychiques de l’avortement et de la grossesse nerveuse. Un sujet encore tabou dans notre société dont il faut parler, surtout auprès des femmes qui, souvent, souffrent sans comprendre la cause de la douleur qui les ronge. Pour l’avortement, même s’il n’est pas accepté par notre société, il serait naïf de croire qu’il n’a pas lieu en secret. D’où la nécessité d’en parler », affirme la jeune fille originaire de Fidar, dans le caza de Jbeil.

Neuf n’est pas le premier ouvrage d’Anna-Rita. « À 21 ans, j’ai voulu ajouter mon propre livre à ma bibliothèque. J’ai alors écrit Éclipse de lune, roman d’inspiration autobiographique, que j’ai publié en 2009 à l’âge de 24 ans, à compte d’auteur, tout comme Neuf cette année. » Pourquoi avoir opté pour cette formule d’édition ? Anna-Rita répond avec candeur : « Cela m’a permis d’être seule en charge de toutes les étapes de la création de mon livre. Mais avec un risque plus élevé d’erreurs non corrigées dans le texte. »

À l’ère du copier-coller, le message que la jeune fille lance, en conclusion, aux jeunes a une signification particulière. « Utilisez votre imagination, leur dit-elle. Seule l’imagination est libre. »