Dynamisme et vitalité au département de philosophie de l’Institut des lettres orientales de l’USJ

Le Dr Nadine Abbas
« La philosophie, c'est ce qui ramène au centre où l'homme devient lui-même en s'insérant dans la réalité », estime le philosophe et psychiatre germano-suisse Karl Jaspers. Pourtant, pour de nombreux étudiants, le terme philosophie évoque un univers abstrait, impénétrable, dont ils ne voient pas l'utilité. Une fausse conception que le Dr Nadine Abbas, chef de département de philosophie rattaché à l'Institut des lettres orientales de l'USJ et responsable du Centre Louis Pouzet d'étude des civilisations anciennes et médiévales, corrige : « La philosophie est liée à notre vie, à notre quotidien. C'est une méthode de pensée, une logique. Peu importe son domaine de spécialisation, toute personne gagnerait à prendre un ou deux cours de philosophie. Cela l'aidera à se construire et à développer son esprit critique. »

Des bourses d'études pour attirer les jeunes
Établi il y a plus de cinq ans pour combler un besoin chez les jésuites arabophones pour lesquels il est plus facile d'étudier la philosophie en langue arabe tout en perfectionnant leurs compétences en français et anglais, le département de philosophie rattaché à l'Institut des lettres orientales est ouvert à tous les bacheliers et offre un parcours complet aux étudiants qui souhaitent se spécialiser dans ce domaine : licence, master et doctorat. « Le département se distingue par l'enseignement de la philosophie en langue arabe. Mais également par l'enseignement de la civilisation arabe », précise le Dr Abbas qui travaille actuellement sur un projet collectif d'édition critique de textes inédits de philosophes arabes chrétiens.
« Le département offrira dans les mois à venir deux bourses d'études qui permettront aux étudiants sélectionnés d'intégrer le programme de licence de philosophie », poursuit l'enseignante-chercheuse. Une initiative qui vise à attirer les jeunes vers cette filière. Le concours, prévu le 16 avril, est ouvert aux élèves des classes terminales dans toutes les régions et tous les collèges, privés et publics, à travers le Liban. Basées sur le programme scolaire de philosophie, les épreuves — corrigées à l'aveugle — permettent d'évaluer « la méthodologie de travail des candidats, leur capacité de raisonnement et leur maîtrise de la langue arabe ». La date limite pour présenter sa candidature est fixée au 13 avril. Ce n'est pas la première fois que le département de philosophie soutient financièrement les étudiants méritants qui désirent poursuivre des études dans ce domaine. « Il y a deux ans, nous avons attribué cinq bourses à des étudiants et des étudiantes choisis dans différentes écoles. Ils sont actuellement en deuxième année », confie le Dr Abbas.
Contrairement à la pensée commune qui associe l'enseignement de la philosophie aux méthodes d'apprentissage classiques lourdes et rigides, les nouvelles technologies ont fait leur entrée dans les salles de classe au département de philosophie où les échanges interactifs et les visites ponctuelles d'enseignants invités ne sont pas rares. « Par ailleurs, nous avons remanié et réformé les programmes d'études », ajoute le Dr Abbas qui précise qu'au terme de la licence, les jeunes diplômés peuvent, s'ils le désirent, poursuivre une quatrième année afin d'obtenir une licence d'enseignement ou compléter un master. « À l'opposé de ce que les gens pensent, les débouchés en philosophie sont multiples », avance-t-elle. Et de préciser : « Dans l'enseignement, dans la recherche. Et il n'est pas rare que des diplômés en philosophie se dirigent vers le journalisme. »

Ateliers et conférences publiques
« Nous suivons nos diplômés longtemps après leur entrée dans le monde professionnel en leur offrant des courtes formations qui répondent à leurs besoins », indique le Dr Abbas. À partir du 20 février et pour quatre samedis consécutifs, le département de philosophie organise un atelier de perfectionnement pour accompagner les enseignants, jeunes et expérimentés, diplômés ou non de l'USJ, dans leurs pratiques d'enseignement. « Cette formation est animée par deux enseignants forts d'une longue expérience dans le domaine : les Drs Toni Kahwaji et Efrem Baalbaki. Elle est complète et couvre tout ce qui touche à l'enseignement de la philosophie, des nouvelles méthodes d'apprentissage à l'évaluation, en passant par la programmation des cours et la transmission des infos », souligne le Dr Abbas.
Par ailleurs, afin de mieux déchiffrer et mettre en lumière des concepts et des raisonnements philosophiques, le département organise chaque année un cycle de conférences scientifiques qu'il confie à des spécialistes et des chercheurs confirmés. « Ces conférences sont ouvertes aux enseignants, aux étudiants et au grand public. Nous choisissons toujours des sujets en lien avec l'actualité. L'intégralité des rencontres est publiée dans nos annales », précise la jeune directrice qui conclut en évoquant un article de vulgarisation philosophique sur le thème de la tristesse qu'elle a récemment publié dans le magazine en ligne al-Machrek et qui a attiré un large public parmi les jeunes internautes : « Pour raccourcir la distance entre les gens et la philosophie, il faut rendre cette dernière accessible à tous. »

Joseph Jabbra : Nous contribuons activement à la construction de la nation

ENTRETIEN
Depuis qu'il en a pris les rênes en 2004, l'Université libano-américaine (LAU) s'est développée de façon exponentielle. Accréditations des facultés, nouveaux programmes académiques, un campus à New York et présence accrue dans la société. Rencontre avec le Dr Joseph G. Jabbra.

Propos recueillis par Roula Azar Douglas | OLJ19/02/2016

Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de votre parcours professionnel qui a précédé votre nomination à la tête de la LAU ?
Je suis né à Ferzol, dans la Békaa. Après un baccalauréat en philosophie du Collège oriental et un diplôme en droit de l'USJ, suivant les recommandations de mes parents, je suis parti aux États-Unis où j'avais de la famille. Je ne connaissais pas un seul mot d'anglais à l'époque. J'ai réussi, à la fin du premier semestre, à décrocher une bourse doctorale qui m'a permis de compléter un PhD en sciences politiques à la Catholic University of America à Washington DC. J'ai voulu retourner au Liban, mais la guerre y faisait rage. J'ai alors accepté une offre au Canada et je suis devenu vice-président pour les affaires académiques et la recherche à la St. Mary's University à Halifax. Puis, de 1990 à 2004, j'ai servi comme vice-président pour les affaires académiques à la Loyola Marymount University à Los Angeles. Mais au fond de ma tête, j'ai toujours caressé l'idée de retourner au Liban.

Qu'est-ce qui, à votre avis, distingue la LAU des autres universités ?
Notre mission est succincte, mais puissante, forte dans sa simplicité. C'est l'excellence. Nous nous engageons à l'excellence, non seulement académique, mais l'excellence dans tout ce que nous entreprenons. Par ailleurs, nous sommes une institution centrée sur les étudiants. Nous prenons soin d'eux. S'ils trébuchent, nous leur tendons la main. Nous les aidons à se remettre sur pieds. Nous sommes ici pour donner le savoir. Pour élargir l'horizon du savoir. Avec nos étudiants, ce que nous visons, c'est l'éducation de toute la personne, pas seulement l'excellence académique. Nous leur fournissons la possibilité de grandir psychologiquement. Et, très important, nous croyons fermement que nous avons un rôle à jouer auprès de la société. Nous voulons aider la société à résoudre ses problèmes, à relever ses défis.

Comment concrétisez-vous votre mission auprès de la société ?
D'abord, en acceptant sa jeunesse. Nous estimons que toute personne qualifiée doit avoir la possibilité d'intégrer la LAU. Nous consacrons 25 millions de dollars aux aides financières allouées aux étudiants. Par ailleurs, nous nous intéressons aux élèves brillants dans les écoles publiques. Nous avons obtenu de l'USAid (le Fonds américain pour le développement international) 18 millions de dollars pour couvrir les frais de scolarité, les logements et repas, les ordinateurs, les livres de 260 étudiants (actuellement inscrits à ce programme). Nous répondons également aux besoins de la société à travers la formation continue que nous offrons notamment au Nord, à Zahlé, à Beyrouth.
Finalement, nous contribuons activement à la construction de la nation. L'éducation civique revêt une grande importance pour nous. À titre d'exemple, il y a environ neuf ans, lors des élections estudiantines, il y a eu des échauffourées. Nous avons décidé de transformer cette situation en un moment d'enseignement. Après avoir informé les étudiants impliqués dans ces actes de leur expulsion, nous avons donné une deuxième chance à l'étudiant qui remplit ces trois conditions : suivre des ateliers sur la résolution pacifique des conflits, sur l'acceptation des différences, sur le contrôle de la colère, effectuer 150 heures de travaux communautaires dans une région ayant une couleur confessionnelle différente de la sienne, et réussir un examen. 19 des 20 étudiants ont ainsi réintégré l'université. Nous n'avons plus eu aucun problème de la sorte tout en sachant que nos étudiants viennent de tous les horizons, qu'ils appartiennent à des religions différentes et ont des pensées politiques divergentes.

Quelles sont parmi les dernières réalisations de la LAU celles qui méritent d'être soulignées ?
En premier, les accréditations. La reconnaissance de l'université comme une institution américaine qui mérite l'accréditation l'a catapultée sur le devant de la scène. La LAU est aujourd'hui accréditée par la New England Association of Schools and Colleges (Neasc). L'École de génie est accréditée par l'Accreditation Board for Engineering and Technology (Abet), la meilleure agence d'accréditation au monde. L'École de pharmacie est la seule au Liban à être accréditée par l'Accreditation Council for Pharmacy Education (Acpe). L'École de sciences infirmières est accréditée par la Collegiate Commission on Nursing Education. Mais trois de nos plus importantes réalisations sont la création de l'École de médecine, l'achat de l'hôpital (Rizk) et la création de l'École des sciences infirmières. Sans oublier l'établissement, en 2013, de notre campus à New York.


Pouvez-vous nous parler de ce nouveau campus au centre de Manhattan ?
Je tiens à rappeler que la LAU est une institution américaine et non une institution au style américain. Il était très important pour nous d'avoir un siège social et un centre universitaire au cœur de Manhattan, à deux blocs des Nations unies. C'est un pont que nous lançons entre les États-Unis et non seulement le Liban, mais toute la région. Et comme je l'ai signalé lors de son inauguration, ce campus est un cadeau présenté par le Liban en retour de celui offert par Sarah Lanman Huntington Smith en 1835 lorsqu'elle a fondé la première école pour filles dans la région (qui est devenue la LAU). Nous y offrons des cours variés, dont des cours d'arabe. Et dans le cadre des Global Classrooms LAU Model United Nations, deux fois pas an, nos étudiants y vont pour apprendre à de jeunes collégiens et lycéens internationaux ce qu'est la diplomatie, comment accepter les différences, les méthodes de négociation... Des valeurs que nous leur inculquons.

Pour conclure, que fait la LAU pour aider ses étudiants à intégrer le marché du travail ?
Nous leur offrons, à travers le Bureau des affaires estudiantines, la possibilité de rencontrer des conseillers, de suivre une séance d'orientation professionnelle, d'apprendre à rédiger leur CV, à mener des entretiens d'embauche... Par ailleurs, nous organisons un Salon de l'emploi annuel auquel participent environ 80 entreprises, et programmons une série de conférences sur des sujets relatifs à l'emploi. Nous avons par ailleurs un réseau très actif d'anciens étudiants qui soutiennent les diplômés dans leur recherche d'emploi.

Des étudiants en pharmacie sensibilisent les réfugiés à l’importance de la vaccination

Samar el-Hage lors de l’évaluation des besoins de vaccination des patients.
Développer chez les étudiants les compétences nécessaires pour interagir avec les membres de la communauté, tisser des liens de confiance avec ces derniers et venir en aide aux familles en situation de précarité ; voilà quelques-uns des objectifs du partenariat qui lie l'école de pharmacie de la LAU à la Fondation Makhzoumi. Dans ce cadre et suivant une approche proactive, quatre étudiants inscrits au programme de doctorat de premier cycle en pharmacie (Pharma D) de la LAU – Linda Khadra, Samar el-Hage, Afeef Ibrahim et Karl Awaida – ont animé, au mois de janvier, une session de sensibilisation sur la vaccination à l'intention des réfugiés syriens, au centre de la Fondation Makhzoumi à Beyrouth. Une trentaine de mères de famille, quelques pères et une cinquantaine d'enfants ont bénéficié de cette activité.
« Il était important de mener cette action d'autant que la plupart des refugiés ne sont pas vaccinés et ne respectent pas le calendrier vaccinal de leurs enfants. En tant que pharmaciens, professionnels de la santé, nous avons voulu nous assurer que les parents réalisent à quel point la vaccination est cruciale et qu'ils comprennent son rôle dans la prévention de certaines maladies pouvant mener aux épidémies et à la mort », explique l'une des étudiantes, Samar el-Hage, 23 ans. Dans un langage simple, accessible au public présent et avec beaucoup d'enthousiasme, les jeunes étudiants en pharmacie ont expliqué aux parents et à leurs petits le rôle et l'importance de la vaccination. « Nous avions affaire à des gens de milieux défavorisés. Pour leur rendre l'information accessible, il fallait leur expliquer l'importance de la vaccination avec des termes courants », souligne Samar. Le public a bien interagi avec les étudiants qui ont établi pour chaque personne présente un bilan complet afin d'évaluer ses besoins de vaccination. « Nous leur avons également indiqué les lieux où les vaccins sont offerts gratuitement par le ministère de la Santé », ajoute Samar.

Interactions et enrichissement mutuel
Outre son impact sur le public cible, cette action est également très bénéfique pour les étudiants. « Le contact avec les réfugiés a constitué une expérience très enrichissante pour moi », confie la jeune doctorante.
« Ces expériences sont indispensables, surtout au Liban où les pharmaciens sont sur la ligne de front et en constante interaction avec les patients qui, souvent, ne peuvent se permettre de consulter un médecin », estime Ghada el-Khoury, professeure adjointe d'enseignement clinique à la LAU. Et de conclure : « Notre nouvelle collaboration avec la Fondation Makhzoumi est extrêmement enrichissante et pour la communauté et pour nos étudiants. »

« MedNashra », ou l’actualité médicale à la portée de tous

Selfie avant le tournage.
Ils ont une flamme dans les yeux, et dans la bouche des mots tels que partage, population, sensibilisation. Dix jeunes étudiants en Med 1 et Med 2 (4e et 5e année de médecine) à l'Université libano-américaine (LAU), membres de la Medical Student Association (MSA), recherchent, documentent, écrivent, présentent, tournent, éditent et partagent sur le Web des journaux vidéo, de quelques minutes chacun, sur différents thèmes en lien avec l'actualité et les avancées médicales au Liban et dans le monde. Ces capsules informatives diffusées sur les réseaux sociaux rencontrent, depuis leur lancement il y a un an, un immense succès auprès des internautes avec un taux de visionnement moyen qui dépasse les 35 000 vues.
« Il fallait trouver un moyen d'atteindre les gens et de les amener à interagir avec nous. Le magazine informatif Medizine que la MSA a réalisé dans le passé n'était pas lu. C'est ainsi que MedNashra est né », explique Naji Abou Ali, directeur du comité MedNashra en charge du journal médical. En s'appuyant uniquement sur les ressources qu'ils ont, les dynamiques étudiants ont réussi à relever le défi. Rana Asmar, chargée de la présentation du journal, explique : « Un groupe d'étudiants s'occupe de la collecte de l'info, un autre travaille sur les médias – photos, courtes vidéos, graphes ou autres illustrations à intégrer au journal – et un troisième formé par Naji et moi se consacre à la rédaction du script de manière à rendre l'information accessible à tous. » Les étudiants en médecine se retrouvent donc dans les coulisses, devant et derrière la caméra, faisant de ce journal un produit purement étudiant.

Grande écoute, partages et interactions
Intéressants, variés, documentés et à la pointe de l'actualité, les thèmes présentés par les médecins en devenir attirent des dizaines de milliers de spectateurs, occasionnent des centaines de partages et génèrent de très nombreuses interactions. Parmi les sujets qu'ils ont déjà évoqué : dispositif implanté dans l'estomac pour perdre du poids ; prothèses artificiels contrôlées par la pensée ; opération cardiaque sans ouvrir la poitrine, une nouvelle chirurgie réussie au Liban ; transplantation de pancréas bio-artificiel pour le traitement du diabète, le bonheur et le cerveau... Des sujets que les jeunes étudiants ont abordés, en arabe parlé (dialecte libanais), d'une manière simple et compréhensible par tous. « Nous recevons beaucoup de réactions de la part des internautes. Les gens aiment, partagent, commentent et identifient des amis », affirme Nadia Haddad, présidente de la MSA, qui précise : « MedNashra est la face visible de la MSA. La partie que les gens peuvent voir. » Et de conclure : « Nous essayons à travers la MSA de faire une différence, d'avoir un impact positif sur la communauté. »
Pour visionner les vidéos, visiter la page de la MSA : https ://www.facebook.com/LAUMSA.official/ ? fref=ts.