Nadine Asmar, une belle promesse pour le cinéma libanais

Affolée, une adolescente se précipite à l'intérieur d'une église. L'endroit est désert et silencieux. Des cierges brûlent. Plan serré sur le visage troublé de l'écolière. Dans ses yeux anxieux, une profonde inquiétude voile l'insouciance propre aux jeunes de son âge. Le film de diplôme de Nadine Asmar plonge le spectateur, dès les premiers instants, dans l'ambiance gorgée d'angoisse de la guerre, dans un univers – ô combien proche de notre réalité actuelle – où des hommes « prisonniers de leurs préjugés et de leurs haines » sèment l'horreur.
« Mon court-métrage, intitulé L'aveugle de la cathédrale, est une adaptation libre du roman posthume éponyme du romancier libanais Farjallah Haïk, paru aux éditions Hatem en 1994 », précise la jeune fille qui vient de finir sa licence en cinéma et télévision à l'Institut des beaux-arts, section 2, de l'Université libanaise. Un ouvrage que l'étudiante découvre grâce à sa sœur Pascale Asmar qui cosignera avec elle le scénario du film et coproduira l'adaptation cinématographique. Inspiré de la guerre civile qui a déchiré le Liban, c'est un « roman prémonitoire », estime Nadine en faisant allusion à la recrudescence des violences confessionnelles dans différentes régions du globe.
Le court-métrage, d'une durée de dix-sept minutes, a nécessité cinq mois de travail dont quatre jours de tournage et un mois consacré au montage. Un travail assidu et de qualité qui n'a pas été exempt de difficultés. Des traverses que la jeune réalisatrice, qui soufflera dans quelques jours sa vingt et unième bougie, surmonte grâce au soutien et à l'appui indéfectible de sa famille. « Tous les membres de ma famille se sont mobilisés pour m'aider », raconte-t-elle, reconnaissante.
Le résultat final est remarquable. Parmi 2 000 films soumis, L'aveugle de la cathédrale figure sur la liste des dix films finalistes du Bluenose-Ability Film Festival, qui aura lieu au Canada au mois de décembre, dans la catégorie internationale des jeunes réalisateurs. Il est également sélectionné dans plusieurs festivals internationaux : au Voices Film Festival au Bahreïn, au Malmö Film Festival en Suède, au Sose International Film Festival en Arménie et au Chinese American Film Festival à Los Angeles, aux États-Unis. « Et il participera à la compétition du 21e Festival de Caminhos au Portugal », indique Nadine.
 
Transmettre un message, toucher le cœur et l'esprit du spectateur
La jeune fille qui, avant de s'inscrire à l'Institut des beaux-arts, a hésité entre l'audiovisuel et le journalisme confie que l'un de ses principaux objectifs, c'est d'atteindre le spectateur. Savoir que son film a « touché la personne qui l'a regardé, que celle-ci a pu s'y retrouver et y voir une réflexion de ses propres sentiments et pensées », compte beaucoup pour elle. « C'est une façon de mesurer l'importance du film chez l'audience. Et cela veut dire que mon film a rempli son objet principal », souligne-t-elle.
Au cours de sa formation en audiovisuel à l'UL, Nadine a réalisé deux autres courts-métrages. En deuxième année, le premier, intitulé Dans mon cocon, obtient une mention spéciale lors de la Journée cinématographique des étudiants de l'Institut national des beaux-arts, section 2. Son deuxième court-métrage universitaire, filmé en mandarin, est une adaptation de deux légendes de la mythologie chinoise.
Passionnée par le cinéma, Nadine se dit imprégnée par chaque film qu'elle regarde et « essaie d'en extraire la quintessence pour sa propre maturité et la maturité de son travail ». Parmi les films qui l'ont marquée, Nadine cite La Vita E Bella de Roberto Benigni. « Ce film qui repose sur un contexte de guerre, à savoir la Seconde Guerre mondiale, charrie un message d'une noblesse incroyable : un père prêt à tout pour le bien de sa famille, allant jusqu'au point de sacrifier sa propre vie pour son enfant. Le film, à la fois comique et dramatique, est l'un des films les plus touchants que j'aie vus », confie-t-elle.
Aujourd'hui, Nadine s'applique à perfectionner son expérience professionnelle à travers la réalisation de publicités et via la photographie. « Mon prochain projet sera bien sûr un court-métrage dont le sujet est en cours de réflexion. Je prévois aussi de continuer mes études supérieures en cinéma et réalisation. Et, surtout, j'aimerais travailler avec des réalisateurs internationaux pour atteindre une maturité pratique sur le plateau du tournage », dit-elle, avant d'ajouter : « Et ultérieurement, j'aimerais écrire et réaliser un long-métrage. »
La jeune réalisatrice avoue avoir beaucoup de rêves. « Le cinéma m'en donne plein ! » lance-t-elle, avant de conclure : « Le rêve est important, la réalisation effective aussi. J'espère que je pourrai réaliser ces projets et avoir toujours de nouvelles idées, car tant qu'on a des rêves, on est en vie et on est capable de progresser, de mûrir, de grandir et de changer le monde, modestement, grâce au cinéma et à l'art. »

Leila Saadé élue à la tête du Réseau francophone des femmes responsables dans l’enseignement supérieur et la recherche


C'est à l'unanimité qu'une cinquantaine de dirigeantes d'établissements universitaires et de recherche membres de l'AUF ont élu Leila Saadé présidente du bureau du Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche. Mme Saadé est la présidente de l'École doctorale de droit du Moyen-Orient, membre du conseil scientifique de l'AUF et professeure de droit à l'Université libanaise. Elle pilotera le réseau international de dirigeantes universitaires francophones établi en 2014 sous l'impulsion de l'AUF pour favoriser la parité hommes-femmes dans les postes décisionnels du milieu académique.
Outre sa présidente libanaise, le bureau du Réseau, mis en place lors de son assemblée constitutive qui s'est tenue à Paris le 16 octobre sous le parrainage de Michaëlle Jean, secrétaire générale de la Francophonie, comprend : Marie-Monique Rasoazananera, présidente de l'Université de Fianarantsoa et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (Madagascar) ; Christine Clerici, présidente de l'Université Paris Diderot-Paris VII (France); Ramata Bakayoto-Ly, présidente de l'Université Félix Houphouët-Boigny (Côte d'Ivoire) ; Aïcha Derdour Hadj Mokhtar, rectrice de l'Université des sciences et de la technologie Mohammad Boudiaf d'Oran (Algérie) ; Smaranda Angheni, rectrice de l'Université Titu Maiorescu de Bucarest (Roumanie) ; Marie-Linda Lord, vice-rectrice aux affaires étudiantes et internationales à l'Université de Moncton (Canada), et Dominique Aurélia, vice-présidente déléguée aux relations internationales à l'Université des Antilles (France).

Un observatoire pour lutter contre les discriminations
« Notre objectif principal est de mettre en place un observatoire selon des critères établis par un comité scientifique », indique Leila Saadé. Une première action que le Réseau mènera pour promouvoir l'accès des femmes universitaires aux postes de responsabilité dans les institutions d'enseignement supérieur et de la recherche. « Nous voulons pousser les femmes pour qu'elles prennent une place de plus en plus importante dans le monde académique et de recherche, en luttant contre les discriminations auxquelles elles font face... Des discriminations subies mais aussi, et les Libanaises en savent quelque chose, des discriminations choisies », souligne la présidente du Réseau.
L'identification, le partage et la promotion de bonnes pratiques dans le domaine de l'égalité homme/femme au sein de l'espace francophone de l'enseignement supérieur et de la recherche et le renforcement de la coopération avec les réseaux d'aires linguistiques différentes poursuivant les mêmes objectifs figurent parmi les priorités du Réseau.
Pour familiariser les universitaires aux questions de genre et diffuser une culture égalitaire, le Réseau a lancé, en partenariat avec l'Université de Rennes, une formation à distance sur les concepts et les approches genre. « Les modules ont commencé au mois de novembre. Nous avons reçu 69 candidatures représentant les 812 institutions membres de l'AUF à travers le monde », précise Mme Saadé qui estime que la discrimination contre les femmes est universelle. « De la France au Liban, en passant par les pays africains et maghrébins, le problème est le même. Ce qui change, ce sont quelques spécificités propres à chaque pays. » Et de conclure : « Chacun tout seul ne peut rien. Mais tous ensemble, nous pouvons. Lorsqu'il y a une véritable volonté, les choses ne pourront que bouger. »

Sécurité routière : un jeune diplômé de l’Iesav réalise un spot efficace avec des enfants


Des centaines de Libanais meurent sur les routes chaque année. Souvent au printemps de leur vie. Alcool au volant, excès de vitesse, mauvaise signalisation routière, les causes diffèrent. Le résultat, lui, est le même. En une fraction de seconde, la vie de ces conducteurs, passagers ou piétons bascule. Celle de leurs proches aussi. Face à cette situation, Michael Abi Khalil ne voulait pas rester les bras croisés. Le jeune réalisateur, diplômé de l'Institut d'études scéniques, audiovisuelles et cinématographiques de l'USJ (Iesav) en 2013, particulièrement peiné par la mort de Martine Daher, jeune réalisatrice de 25 ans décédée dans un accident de la route à Jounieh au mois de juin, a voulu offrir à la société ce qu'il sait faire de mieux « pour contribuer à sa manière à la réduction des accidents de la route ». C'est ainsi que Learn from them est né, un spot de sensibilisation à la sécurité routière, d'une durée de trois minutes et demie, réalisé avec des enfants, loin des images violentes habituelles dans ce genre de production.
Ambiance candide et message fort
Une journée ensoleillée. Un parc. Et sur un tourniquet, des rires d'enfants. Naturels et espiègles, Ray, Reem, Mario, Owen, Enzo, Rachelle, Serena, Jeffrey et Cybelle se prêtent au jeu de Michael et répondent spontanément à ses questions. Comment conçoivent-ils leur avenir ? Les petits écoliers rêvent de devenir médecin, architecte, enseignant, ingénieur et « pompier parce qu'il sauve les animaux et les gens ». Dès les premières images et tout au long du spot, le spectateur est plongé dans une ambiance candide et enfantine, et cela grâce, en partie, à la musique de fond, au cadre du tournage ainsi qu'aux plans serrés sur les visages des enfants et leur langage corporel.
Puis, de derrière sa caméra, Michael lance une autre série de questions, sur la sécurité routière cette fois. « Les réponses pertinentes et correctes des enfants sont surprenantes », confie le jeune homme, impressionné par les connaissances des filles et des garçons sur les dangers de la route. Pour simuler les accidents, Michael utilise des véhicules en jouets. Mais le son qui accompagne ces images est, lui, réel : vrombissement de moteur, crissement de freins, choc métallique et bris de verre. L'effet est intense ; sans sang, sans victimes visibles, sans violence apparente.
« Dans leurs réponses, les enfants parlent de la vitesse, de l'airbag, du choc, de la mort, de la prière. Si la forme est enfantine, le contenu, lui, ne l'est pas », explique Michael. La dualité sur laquelle mise le jeune réalisateur est efficace. Le message, fort, s'adresse également aux enfants et aux adultes. « Dans le monde virtuel, en un seul clic, tout peut se réparer. Pas en réalité. Les enfants l'ont compris », souligne-t-il. Et de préciser : « Learn from them est divisé en trois parties. Après les questions sur les panneaux de signalisation et celles sur les risques routiers, au cours du dernier segment, chacun des enfants fait une promesse pour se protéger des accidents : respecter les limites de vitesse, éviter l'alcool au volant, se concentrer sur la conduite, ne pas utiliser son téléphone mobile en conduisant... » À travers leur serment, Michael voulait faire prendre conscience aux écoliers de leurs futures responsabilités en ce qui concerne la sécurité routière, et, ce faisant, le jeune réalisateur espère sensibiliser tous les spectateurs.

Toucher un plus large auditoire
Le jeune réalisateur qui veut « faire dans un proche avenir des courts-métrages qui transmettant des messages » s'intéresse depuis longtemps aux sujets ayant un impact social. Au cours de sa formation à l'Iesav, il a réalisé un documentaire d'une vingtaine de minutes sur le racisme. « C'est l'histoire d'un jeune Libanais qui épouse une aide domestique philippine. Il invite des gens de son entourage à la fête qu'il organise pour l'anniversaire de sa femme... »
Michael qui, malgré les difficultés rencontrées au début, a réussi à concrétiser – à ses propres frais – son idée, tient à remercier les membres de l'équipe de travail de Learn from them, tous bénévoles, Tania Kammoun, ingénieure de son, Élias Chikhani, vidéograffeur, et Carla Ezzo, productrice. « Je remercie également la Yasa, et particulièrement son fondateur Ziad Akl, cette organisation qui lutte depuis des années pour la sécurité routière au Liban et qui a partagé mon spot. »
Maintenant que son court-métrage de sensibilisation sur la sécurité routière a vu le jour, Michael Abi Khalil espère le voir projeter « dans les salles de cinéma, au cours de la bande-annonce qui précède la projection principale et à la télé, afin de sensibiliser le plus grand nombre de personnes ».
Pour voir le spot : https://www.facebook.com/yasa.org/videos/933463350022212/

La science de Talal Darjani, « entre Meyerhold et Stanislavski »

Maria-Christie Bakhos auprès de Talal Darjani, au Salon du livre arabe.
« Peut-on dire d'un journaliste, ou d'un chirurgien par exemple, qu'il est bon pour le Liban ? Non. Même chose pour le cinéma, il n'y a pas de films bons pour le Liban. Il n'y a que de bonnes ou de mauvaises productions », estime Maria-Christie Bakhos, professeure titularisée à l'Institut des beaux-arts de l'UL, qui vient de signer aux éditions Dar al-Farabi un ouvrage en deux volumes intitulé Talal Darjani : la dialectique de Stanislavski et de Meyerhold.
Il s'agit d'une étude scientifique de longue haleine à laquelle la jeune chercheuse s'est intéressée alors qu'elle était encore en licence, et qui a constitué l'essentiel de sa thèse de doctorat soutenue en 2012 à l'Usek. Travail qui lui a valu la mention très honorable avec les félicitations du jury.

Mettant en lumière la vision innovante et révolutionnaire du professeur Talal Darjani qui, dans ses œuvres dramatiques, a fusionné avec succès les approches de deux pionniers de la pédagogie théâtrale, Stanislavski et Meyerhold, longtemps considérés comme opposés, Bakhos décode dans son ouvrage l'expérience réussie du chercheur et metteur en scène libanais. Elle montre et explique l'évolution de son style en une nouvelle école susceptible de raviver et de révolutionner le théâtre libanais et arabe. « Joindre Stanislavski et Meyerhold est non seulement possible, c'est également très avantageux, avance-t-elle. L'approche conçue par le Pr Darjani permet de trouver des solutions à de nombreux problèmes auxquels est confronté un metteur en scène et qu'il ne peut pas résoudre en suivant uniquement l'une des méthodes précitées. » Et d'insister : « J'ai eu la chance de travailler avec le professeur Darjani en tant qu'actrice au début, puis comme assistante à la mise en scène par la suite. Je trouve que c'est de mon devoir de transmettre ce que j'ai expérimenté avec ce grand metteur en scène de calibre international qui a choisi de travailler au Liban. »

Une autre particularité du professeur Darjani, selon la chercheuse, est qu'il s'est intéressé aux œuvres de grands auteurs libanais. « Il s'est particulièrement investi dans la théâtralisation de la littérature libanaise, que ce soit à l'université ou dans des spectacles ouverts au public. Il a travaillé Gibran Khalil Gibran, Maroun Abboud, Youssef Habchi el-Achkar, Amin Maalouf, Fouad Kanaan et Mikhaïl Naïmeh. De grands auteurs libanais qui sont absents de nos chaînes de télévision », dénonce-t-elle.

Le théâtre comme outil de changementLa passion de Maria-Christie Bakhos pour le théâtre remonte à loin. Elle l'a poussée à explorer une grande partie de ce qui a été écrit sur le théâtre, que ce soit en arabe, en français ou en anglais. Complet, concret et pratique, son ouvrage représente un livre de références pour les spécialistes et les étudiants en art dramatique. « Il traite la réalisation, la direction des acteurs, la mise en scène, la scénographie, la dramaturgie », poursuit Mme Bakhos. Son étude peut également être utile au grand public, puisqu'elle lui offre les clés pour mieux appréhender les œuvres théâtrales.

Parlant des difficultés qu'elle a rencontrées lors de son travail de recherche, la jeune chercheuse évoque le manque de références pratiques sur le sujet. D'où son choix de rédiger sa thèse en langue arabe.
Maria-Christie Bakhos, qui travaille actuellement sur une autre recherche en lien avec les arts du spectacle, le goût artistique du public, ainsi que le rapport entre le créateur de l'œuvre et le récipiendaire, souligne le grand rôle que peut jouer la littérature ou le théâtre en particulier dans la transformation des sociétés. « Si on regarde le passé, on trouve que des civilisations entières ont été établies, des valeurs transformées, des révolutions complétées et des concepts ancrés dans la société grâce à la littérature et, plus particulièrement, au théâtre », indique-t-elle. Et de conclure avec amertume, en dénonçant le traitement souvent superficiel de thèmes sociaux importés, étrangers à nos sociétés : « Au Liban, nous avons un grand problème : à l'exception, bien sûr, de quelques grands réalisateurs, nos œuvres dramatiques, que ce soit au cinéma, à la télévision ou au théâtre, ne traitent pas les sujets tabous, les vraies problématiques, ni ce dont souffrent vraiment nos sociétés. »

Deux jeunes Libanais gravissent le Mont-Blanc au profit des enfants maltraités du Liban

À 4 810 mètres d’altitude, Rayan et Rami célébrant la conquête du plus haut sommet de l’Europe occidentale.


Lundi 28 septembre, 6h45. Transis de froid, épuisés émotionnellement et physiquement mais extatiques, Rami Rasamny et son cousin Rayan Rasamny savourent un sentiment d'accomplissement, sur le plus haut sommet de l'Europe occidentale. Ils sont à 4 810 mètres d'altitude. Sur le toit de l'Europe, le vent souffle à 65 km/heure. La température frôle les – 30 degrés Celsius. Les deux jeunes hommes de 28 ans, tous les deux fervents amateurs de plein air, passionnés de sport et assoiffés de nature, ont réussi à relever le défi qu'ils s'étaient lancé il y a un an. Et cela malgré les difficultés et les mauvaises conditions climatiques qui ont accompagné leur expédition et qui ont failli les obliger, à l'instar de dizaines d'autres alpinistes, à abandonner leur projet ce jour-là. « En temps ordinaire, 400 personnes tentent d'escalader le Mont-Blanc. Pourtant, le jour de notre ascension, ils étaient une centaine. Et seulement 12, dont moi, Rayan et le guide qui nous a accompagnés avons réussi à atteindre le sommet », précise Rami.

Conditions extrêmes
Le Mont-Blanc n'est pas un lieu d'initiation à l'alpinisme. Son ascension, qui comprend des passages délicats avec risques de chutes de pierres et d'avalanches, fait de nombreuses victimes annuellement. Elle requiert une bonne connaissance de la haute montagne, une maîtrise des techniques de « cramponnage » et d'assurage, et une sérieuse préparation. Cela, les deux alpinistes libanais l'ont bien compris. Et bien qu'ils soient tous les deux en bonne forme physique – ils ont escaladé le Kilimandjaro (5 891 m) en 2014 –, Rami et Rayan ont suivi un programme de préparation qui a débuté au Liban avec l'ascension de montagnes locales telles que Kornet el-Saouda, Sannine et Tannourine, et s'est poursuivi, pendant une dizaine de jours, en France.
Leur nuit sur la montagne, les deux jeunes Libanais l'ont passée au refuge du Goûter, à une altitude de 3 817 mètres. « Nous nous sommes réveillés à 2 heures. Le départ a eu lieu une heure plus tard. Le vent soufflait à 40 km/heure. C'est la vitesse maximale acceptée. Un vent un peu plus fort nous aurait obligés à ajourner l'ascension », explique Rami qui confie avoir deux ans et neuf mois lorsque ses parents l'ont mis sur des skis pour la première fois.
Et c'est à la queue leu leu, à commencer par le guide, suivi de Rayan, puis Rami, qu'ils sont partis à l'assaut du Mont-Blanc, déterminés, « non pas à arriver au sommet à n'importe quel prix », mais « à faire de cette aventure une expérience édifiante ». « Les vents étaient extrêmement froids et forts. Et avec le facteur vent, la température descendait au-dessous des – 25 degrés Celsius. Ce qui rendait encore beaucoup plus dangereuse l'escalade, notamment sur les crêtes, très raides et très exposées », raconte Rayan. Le jeune homme, diplômé en finance de l'AUB, qui travaille dans l'entreprise familiale, poursuit : « Et comme 90 % des autres grimpeurs avaient abandonné leur tentative d'atteindre le sommet, nous étions pratiquement seuls sur la montagne, dans de mauvaises conditions. Je ne me sentais pas à l'aise dans cette situation. »

Une très belle leçon d'humilité
Soudain, à quelques minutes du sommet, l'astre jaune surgit de derrière la montagne. « C'était la première fois que je voyais le soleil ce jour-là. Je me suis effondré et j'ai pleuré. Je suis resté dans cet état jusqu'au sommet », confie Rami, ému.
Sur le toit de l'Europe, les alpinistes vivent un moment fort, inoubliable. « Je me sentais vraiment accompli, très touché. Toutefois, je savais que je devais rester concentré parce que 90 % des accidents d'escalade se produisent lors de la descente », se rappelle Rayan.
« C'est une vraie leçon d'humilité. Après une telle expérience, on voit tout sous une autre perspective », poursuit Rami qui ne cache pas l'importance de la nature dans sa vie. Le jeune instructeur de plongée sous-marine, qui détient un master en droit du King's College London, lancera bientôt une application mobile qui lui permettra de partager avec les autres sa passion, presque viscérale, pour les activités de plein air. Son application intitulée LHO, pour Life Happens Outdoor (La vie se déroule en pleine nature), permet à l'utilisateur de découvrir, partout dans le monde, les activités locales offertes, du yoga au parachutisme, et de s'y inscrire.

Protéger les enfants, c'est protéger l'avenir
La courageuse initiative de Rami et Rayan permettra de collecter des fonds pour assurer une éducation à 30 enfants pris en charge par Himaya, organisation non gouvernementale libanaise qui lutte contre la maltraitance des enfants. Un coût d'environ 10 000 dollars américains. « Les enfants représentent l'avenir de notre communauté. En leur offrant une protection et en leur permettant de vivre une enfance enrichissante, nous les aidons à construire la vie dont ils rêvent », explique Rami avant de préciser : « Himaya possède un foyer pour les enfants maltraités dont l'adresse est tenue secrète. Les enfants y sont hébergés en pension complète. L'argent collecté couvrira les frais des équipements, des livres, des enseignants... »
Les jeunes alpinistes ont réussi à recueillir jusqu'à cette date un peu plus de 6 400 dollars. Leur campagne
(www.helpforleb.com/campaigns/help-us-give-30-kids-at-himaya-an-education/)
prend fin le 22 octobre.

Doux arômes de Tripoli


Tripoli. Premières lueurs du jour. La caméra de Yasmine Sabih montre, de derrière un (très significatif) grillage, un quartier tripolitain encore endormi. Rapidement, les mailles disparaissent. Le ciel est limpide. Les ruelles s'animent progressivement. On entend des oiseaux chanter, un rideau métallique s'ouvrir, une marchandise qu'on déballe... La ville se réveille. Le marché reprend vie.
« Je veux à travers ce documentaire montrer le vrai visage de Tripoli. Tripoli qui est pour ceux qui ne la connaissent pas associée aux violences, aux confrontations entre différentes communautés et à la destruction », explique l'étudiante en information de 21 ans qui vient de décrocher son diplôme de l'Université Jinan. Réalisé dans le cadre d'un cours à l'université (voir ci-dessous), la jeune fille a vu ce documentaire, qu'elle a intitulé Arôme, comme une occasion pour donner la parole aux habitants et aux visiteurs de Tripoli : des personnes âgées qui racontent avec émotion leurs souvenirs, des hommes et des femmes plus jeunes, des étrangers installés dans la capitale du Nord mais aussi des Tripolitains expatriés toujours attachés à leur ville natale. À travers leurs regards et sa caméra, Yasmine Sabih nous emmène dans les cafés de Tripoli, ces espaces de vie, de rencontres et d'échanges « gravés dans la mémoire de tout Tripolitain et liés au ramadan ».

Porte-voix des gens sans voix
Son court-métrage d'une durée d'environ 8 minutes a nécessité un travail sérieux et une longue préparation. Bien qu'elle connaisse la région, Yasmine l'a visitée à plusieurs reprises avant le tournage pour s'en imprégner. « Je me suis assise dans ses souks de longues heures. Je m'y suis promenée. J'ai parlé avec les gens... », raconte l'étudiante, transformée le temps de ce documentaire en réalisatrice.
Yasmine a ainsi (re)découvert la région « quartier par quartier, maison par maison », pris des photos, choisi les meilleurs angles pour tourner, et visité des organisations qui s'occupent d'archives. « Mon enfance m'a marquée et a influencé le regard que je porte sur le monde. Je suis née dans un quartier populaire et je me suis imbibée de la simplicité des gens. Et lorsque je me suis installée dans un autre quartier, j'ai pu traduire mes souvenirs en de belles images », confie-t-elle.
Il y a trois ans, convaincue du rôle que peuvent jouer les médias dans l'amélioration de la vie des gens, voulant devenir elle-même actrice de changement, la bachelière, passionnée par la photographie et l'écriture de poèmes, a décidé d'intégrer la section radio et télévision à la faculté de l'information de l'Université Jinan. Aujourd'hui, après avoir obtenu son diplôme, Yasmine est plus que jamais déterminée à devenir le porte-voix des sans voix. Un choix compréhensible pour cette jeune Libanaise qui essaye au quotidien d'avoir un impact positif dans la vie des autres, que ce soit dans sa vie de tous les jours, à travers son travail comme correspondante pour plusieurs sites d'information électroniques, ou lors de ses activités auprès d'organisations locales dans le domaine de la formation à la citoyenneté active.

Un prix d’inspiration Sara Khatib, car « sourire en dépit de la douleur est toujours possible »

Sara se prenant en photo avec sa famille, ses proches et ses amis, venus nombreux assister à une cérémonie à la LAU au cours de laquelle, en reconnaissance de son courage, le public lui a réservé une longue ovation debout.
Une intense lumière. Un merveilleux rayon de soleil. Des sourires. Du courage. De la détermination. De la chaleur. De l'humanité. Une boule de positivité. Différentes expressions pour une seule et même personne : Sara Khatib. La brillante étudiante en 4e année de pharmacie à la LAU qui, malgré la trop grande brièveté de son existence, a réussi à profondément toucher des milliers de personnes - des jeunes et des moins jeunes, des filles et des garçons, d'ici et d'ailleurs -, beaucoup plus que la plupart des gens leur vie durant. La jeune femme de 22 ans, « maladroite et qui aime le Nutella » comme elle s'est, elle-même, décrite lors d'une conférence TEDx qu'elle avait animée deux semaines avant sa cruelle disparition au mois de septembre 2014. La pharmacienne en devenir qui s'est farouchement battue contre la maladie, qui, malgré la chimiothérapie et les multiples chirurgies dont l'une l'a laissée amputée d'un bras, n'a pas perdu son sourire, a continué à assister aux cours, à présenter ses examens et à obtenir d'excellents résultats académiques.
Sara, l'intelligente, l'humaine, la jeune fille qui apprécie le temps passé entre amis, l'étudiante exemplaire, croyait dur comme fer que si « la douleur est inévitable, la souffrance qui vient avec, elle, est facultative ». Sa conviction s'est vite transformée en mode de vie et en message que la jeune étudiante partageait généreusement avec tous ceux qui ont eu la chance de croiser son chemin.

Naissance d'un fonds de soutien aux étudiants
En sa mémoire, pour préserver son message positif et le répandre, sa famille a établi, il y a quelques mois, le Prix d'inspiration Sara Khatib, qui vise à récompenser des universitaires de toutes les facultés qui partagent le courage et l'esprit positif de leur fille.
« L'objectif de Sara était d'obtenir son diplôme avec ses amis, mais son corps était plus faible que sa détermination... On espère réaliser son vœu en lui permettant d'être présente en esprit, chaque année, aux cérémonies honorifiques de la LAU, et cela à travers le récipiendaire de ce prix », explique à L'Orient-Le Jour Rula Khatib, la mère de Sara. Le Prix d'inspiration Sara Khatib sera donc décerné annuellement à un (ou une) étudiant(e) particulièrement remarquable, qui se distingue par l'excellence de ses résultats académiques, mais également par son attitude positive et son « impact sur les autres en étant, face aux obstacles, un modèle de courage, de détermination, d'endurance et d'espoir ».
Najla Khatib, la sœur de Sara, précise : « Le prix comprend une récompense financière qui, nous l'espérons, pourra fournir un soutien au lauréat, particulièrement durant la période qui suit l'obtention de son diplôme, période au cours de laquelle la plupart des diplômés planifient et entament leur carrière. »
La première édition de ce prix, qui a eu lieu début juillet sur le campus de la LAU à Byblos, fut doublement significative pour la famille de Sara puisqu'elle a coïncidé avec le dîner de remise de diplômes de la faculté de pharmacie, événement auquel la jeune étudiante était supposée assister en tant que diplômée. La lauréate cette année, Rana Dbeissy, est elle-même diplômée en pharmacie.

Look Forward
« Sara rêvait à la création d'un moyen de communication avec d'autres patients atteints du cancer et d'autres amputés, pour partager leurs expériences et se soutenir mutuellement », raconte Rula, la mère de Sara. Pour honorer le vœu de leur fille, la famille Khatib a établi Look Forward : The Sara Khatib Cancer and Amputee Association, une organisation qui a pour mission d'aider les jeunes aux prises avec le cancer et/ou souffrant d'une amputation. Najla Khatib explique : « L'objectif de l'association est d'offrir un support au quotidien aux jeunes patients atteints du cancer et/ou amputés et à leurs familles. Parmi les services offerts, un accompagnement individuel par un coach qui a vécu une situation pareille. » Un précieux soutien. D'ailleurs, les histoires à succès de cette nouvelle association ne se font pas attendre. Une jeune étudiante amputée qui a été mise en contact, grâce à Look Forward, avec un coach de l'association, lui-même amputé, a réussi à décrocher son diplôme universitaire et à entamer une intéressante carrière.
L'organisation fournit d'autres services tels que des séances de consultation gratuites, un numéro d'appel d'urgence pour les questions médicales et de l'aide pratique pour la famille. « Par exemple, le frère d'un patient avait besoin de soutien dans ses devoirs d'été ; l'année ayant été très difficile pour cette famille, il avait accusé un retard dans son travail scolaire. Un de nos volontaires le visite dorénavant trois fois par semaine afin de l'aider dans ses études avant la rentrée scolaire », poursuit Najla.

Leçon de vie
La famille de Sara n'est pas moins exceptionnelle que sa fille. Au lieu de se recroqueviller dans leur douleur, les parents et la sœur de la jeune étudiante en pharmacie prématurément fauchée par la maladie sont allés vers les autres, multipliant à l'infini son message positif. À travers leurs actions, Sara vit. « Vous avez toujours la possibilité de sourire en dépit de la douleur et de profiter de chaque seconde de votre vie », disait-elle. Et elle a raison.

Publication d’une étude exhaustive, systématique et critique de la loi sur la nationalite

Allant à l'encontre de la Constitution libanaise et des traités internationaux ratifiés par le Liban, la loi libanaise sur la nationalité ne considère pas la femme libanaise comme une citoyenne à part entière. Lorsqu'elle permet à l'homme de transmettre sa nationalité à son (ou ses) épouse(s) non-libanaise(s), aux enfants qu'il a avec elle(s) et même, sous certaines conditions, aux enfants nés d'une union antérieure entre sa (ses) femme(s) naturalisée(s) et un (des) non-Libanais, la loi n'accorde pas à la femme libanaise le droit d'octroyer sa nationalité à ses propres enfants.
« Cette question a suscité un débat juridique d'abord puis, plus récemment, une polémique politique. Des positions particulièrement divergentes voire extrêmement contraires ont notamment marqué la jurisprudence et la doctrine à partir de l'aube de la seconde moitié du siècle passé jusqu'à nos jours, ce qui range cette problématique juridique parmi les plus graves et alarmantes des XXe et XXIe siècles. Ce d'autant plus qu'elle est pluridisciplinaire puisqu'elle se lie à la fois aux droits privé et public, ainsi qu'aux autres sciences sociales et humaines notamment la politique, la sociologie et l'anthropologie. La portée du problème s'aggrave davantage à la lumière du droit comparé : en Occident, la question semble être unanimement réglée en faveur de l'égalité totale entre les hommes et les femmes au regard de la loi sur la nationalité », explique Ghadir el-Alayli, avocat à la cour, doctorant en droit à la faculté de droit et de sciences politiques de l'Université Saint-Joseph et auteur de l'ouvrage Le droit de la femme libanaise d'accorder sa nationalité à ses enfants qui vient d'être publié par le cabinet d'avocats HBD-T.
L'exposé, préfacé par l'ancien ministre de l'Intérieur et des Municipalités Ziyad Baroud, est une reproduction révisée par l'auteur de son mémoire de DEA en droit privé des affaires effectué sous la direction de Me Amine Barsa à l'USJ en 2012. Il a fait l'objet d'une conférence-débat organisée hier à la Maison de l'avocat avec la participation de l'auteur Ghadir el-Alayli, de Me Ziyad Baroud, de Me Asma Hamadeh, présidente du Comité des femmes au barreau de Beyrouth, et de Lina Abou Habib, directrice exécutive du Collectif de recherche, de formation et de développement (CRTDA), en tant que modératrice de la rencontre.

Innovation et apports importants
Dans son exposé, le jeune chercheur examine la controverse suscitée par le contenu de l'article 4 in fine de l'arrêté 15 S/1925 « qui a été interprété, aussi bien par la jurisprudence que par la doctrine, tantôt de manière large, tantôt de façon rigide ». « L'innovation de Ghadir el-Alayli en la matière provient de sa tentative de classifier l'interprétation de l'article 4 in fine en trois catégories distinctes : d'abord horizontale qui adopterait une doctrine rigoureuse mais souple; ensuite verticale aux abords rigides ; et enfin linguistique et grammaticale. Cet exercice de l'esprit est élucidé dans l'ouvrage par des exemples à la fois doctrinaux et jurisprudentiels ostensiblement exhaustifs », précise Me Ziyad Baroud dans la préface de l'ouvrage.
L'un des grands apports de l'étude de Me el-Alayli réside dans la mise en lumière, pour la première fois en doctrine, du revirement jurisprudentiel catégorique opéré à partir de 1980-1983. Son exposé, exhaustif, systématique et critique, jette un éclairage précieux sur la loi sur la nationalité et pourra contribuer substantiellement aux débats, doctrinal et parlementaire (tant attendu), censés aboutir à la modification de la loi de la nationalité libanaise de manière à lever l'injustice dont les Libanaises mariées à des étrangers et leurs familles sont victimes.
« Il y a nécessité de refonder le droit de la nationalité libanaise de sorte à en éliminer toute incohérence et toute trace de discrimination ou de sexisme et de le rendre conforme à la Constitution et aux engagements internationaux du Liban, estime l'auteur. Au XXIe siècle, la discrimination, le sexisme et la conception patriarcale, sous quelque prétexte que ce soit, sont inadmissibles. » Mais en attendant, l'auteur plaide pour « une interprétation de la loi qui soit plus juste, égalitaire et équitable ». « Il faut " élargir " la fonction du juge lorsque le législateur est inerte face à la nécessité de protéger des catégories sociales marginalisées telles que les enfants et surtout les femmes libanaises qui sont à présent malheureusement traitées comme étant des " citoyennes de second degré ", en l'occurrence en la matière. Surtout que la magistrature est (relativement) laïque au Liban, alors que le Parlement libanais est, quant à sa formation, confessionnel et (donc) souvent mû par des considérations d'ordre confessionnaliste », conclut Ghadir el-Alayli.
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L'ouvrage « Le droit de la femme libanaise d'accorder sa nationalité à ses enfants » de Me Ghadir el-Alayli est disponible au bureau d'avocat HBD-T au 97 rue Monnot, à Achrafieh.





La jeune femme qui avait des ailes argentées et un cœur en or

Elle était belle, de l’intérieur et de l’extérieur, Martine Daher. Sa tragique disparition a profondément affecté tous ceux qui l’ont connue. Photo tirée de la page Facebook de Martine
« Elle était belle, mais pas comme ces filles dans les magazines. Elle était belle pour sa façon de penser. Elle était belle pour cette étincelle dans ses yeux quand elle parlait de quelque chose qu'elle aimait. Elle était belle pour sa capacité à faire sourire les autres même quand elle était triste. Non, elle n'était pas belle pour quelque chose de temporaire comme son apparence. Elle était belle, au plus profond de son âme. » C'est avec ces mots, empruntés à Francis Scott Fitzgerald, qu'une de ses amies la décrit. Elle, c'est Martine Daher, jeune réalisatrice de 26 ans, photographe, scénariste, artiste aux multiples talents, brutalement arrachée à la vie dans un accident de voiture le 6 juin, avant le lever du soleil.
Depuis l'annonce de sa disparition, qui a soulevé une vague d'émotion et profondément affecté tous ceux qui l'ont connue, les messages de chagrin pleuvent sur sa page Facebook. Des amis de longue date, des proches, des collègues, des professionnels du monde de l'image et de l'audiovisuel, de nouvelles connaissances, des gens qu'elle a croisés brièvement et qui affirment qu'elle les a marqués. Du Liban, de Jordanie, d'Égypte, d'Europe ou d'ailleurs, ils partagent des photos, des captures d'écran de conversation, des chansons, des vidéos, des témoignages... « Tu es une personne exceptionnelle, une source d'inspiration », « Merci d'avoir croisé mon chemin », « Le jour où je t'ai rencontrée, j'ai vu la joie que tu répandais autour de toi », « Te connaître était un vrai privilège », « Ta folie, ton humour, ton talent, ta joie de vivre vont beaucoup nous manquer », « Tu as vécu en 26 ans beaucoup plus que ce que la plupart des gens vivent en une vie ».
Et on découvre, à travers le regard de ces hommes et de ces femmes des quatre coins du monde qui ont connu Martine Daher, qui l'estiment et qui l'aiment, une jeune femme pas comme les autres. Une cinéaste qui avait un avenir très prometteur. Une artiste douée, généreuse, active, dynamique et passionnée. Une étudiante exceptionnelle qui a laissé des traces indélébiles à l'Institut d'études scéniques, audiovisuelles et cinématographiques de l'Université Saint-Joseph (Iesav) où elle a suivi, de 2007 à 2011, des études cinématographiques. Une amie très appréciée. Un être remarquable. Une jeune femme qui a des ailes argentées, un cœur en or et des rêves plein la tête. Un rayon de soleil.

Une projection publique de tous les films auxquels Martine a participé est prévue le mercredi 17 juin à 20h au West Avenue Bistro à Hamra.

De Tyr aux États-Unis, en passant par Balamand, l’itinéraire d’une passionnée

Ils sont quelque 4 000 étudiants et jeunes professionnels dans 155 pays à travers le monde à décrocher, chaque année, une bourse Fullbright leur permettant de poursuivre des études supérieures aux États-Unis. La Libanaise Aseel el-Zein en fait partie. La brillante jeune stagiaire en nutrition, fraîchement diplômée de l'Université de Balamand, s'envolera au mois d'août pour le sud-est des États-Unis où elle entamera un master en nutrition humaine à l'Université de Floride.
Outre sa passion pour la nutrition et sa détermination à aller le plus loin possible dans ses études, ce qui frappe chez cette jeune étudiante de 22 ans est son profond désir d'avoir un impact positif sur sa communauté et son enthousiasme à vouloir aider les populations défavorisées sans aucune distinction de religion ou de région. Intelligente, ouverte d'esprit, capable de comprendre et d'accepter les différences, Aseel incarne l'image, de moins en moins répandue, du Libanais qui se sent chez lui partout au Liban et qui n'a pas peur de l'autre.

Découvrir sa voie
Originaire de Tyr, c'est à l'Université de Balamand, dans la caza du Koura, à plus de 160 kilomètres de sa famille, qu'elle décide de poursuivre une licence en nutrition. Étudier et vivre « à quatre heures en voiture » de sa ville natale a non seulement permis à Aseel « de découvrir de nouvelles régions » et de « faire de nouvelles rencontres », cela a également « forgé son caractère et ouvert son esprit », confie-t-elle.
« Le travail de mes parents dans le domaine de la santé a influencé mon choix de carrière », indique la jeune étudiante qui a su, très jeune, bien avant d'obtenir son bac du lycée national Hanaway de Tyr, qu'elle travaillerait, elle aussi, dans ce secteur. Après une courte hésitation entre la médecine et la nutrition, la jeune étudiante choisit cette dernière filière qui lui permettrait de combiner son souhait « de travailler dans le domaine de la santé » avec sa « passion pour la nutrition » tout en lui donnant les moyens « d'avoir un impact positif sur la vie des gens ».
Convaincue au début de sa licence de vouloir se spécialiser en nutrition clinique et thérapeutique, elle réalise par la suite que ce qui l'intéresse vraiment, c'est la nutrition communautaire. « J'ai découvert cela après avoir animé, en tant que volontaire, des activités en éducation nutritionnelle auprès d'adolescents souffrant de handicaps mentaux et de difficultés d'apprentissage », raconte-t-elle.
Bénévole auprès du centre al-Hanan pour enfants ayant des besoins spéciaux, Aseel effectue plusieurs voyages, en Tunisie, en Égypte et aux Émirats arabes unis, en tant que chef de groupe avec des élèves ayant le syndrome de Down. « J'ai remarqué leurs habitudes alimentaires excessives et leur propension à choisir des aliments à haute teneur en calories mais faibles en nutriments. » Cela la conforte dans son choix de s'investir dans le domaine de la nutrition communautaire. Conviction confirmée lors d'autres activités volontaires, notamment celle menée avec le bataillon coréen de la Finul au Liban-Sud pour analyser la composition corporelle de ces mêmes enfants. « Les résultats étaient choquants. De nombreux enfants semblent souffrir d'obésité morbide, de diabète, d'hypertension, d'hyperlipidémie et de troubles digestifs », révèle Aseel qui confie s'être sentie encore plus « enthousiaste et déterminée à travailler avec les populations mal desservies au Liban ».
L'ambitieuse nutritionniste, qui dit aimer les voyages, la découverte de nouvelles cultures et les activités de plein air, aspire à « combiner la nutrition thérapeutique et la nutrition communautaire pour cibler et éduquer les populations défavorisées qui souffrent d'un manque de prise de conscience et/ou de ressources nécessaires pour l'adoption de saines habitudes alimentaires ».
« Le Liban en a particulièrement besoin en cette période, vu le débordement de la crise syrienne et le grand nombre de réfugiés qui y résident », poursuit Aseel qui souhaite voir un jour la nutrition figurer parmi les matières enseignées dans les écoles.

En hommage aux travailleurs, des étudiants de l’AUB nettoient leur campus

Ils ont marre des slogans et des mots creux. Ils en ont assez de la théorie. Pour montrer leur reconnaissance à ceux qui « travaillent de longues heures chaque jour » afin de garder le campus propre, dans des conditions « pas toujours faciles », des étudiants de l'AUB, membres du Red Oak Club, ont eu l'idée de retrousser leurs manches et de faire, pendant quelques heures, le jeudi 30 avril, le travail de ces ouvriers.
« À l'occasion de la fête du Travail, on a voulu faire quelque chose de concret sur le terrain », précise Aya Adra, future présidente du Red Oak Club, fraîchement élue, dont le mandat commence à l'automne prochain, en insistant sur la volonté des membres du club de mener, de plus en plus, des actions tangibles ayant un impact sur le quotidien des gens concernés. Cependant, la jeune étudiante en psychologie estime avec regret qu'un grand nombre de jeunes à la fac souffrent d'un « détachement de la réalité » et demeurent indifférents à ce qui arrive autour d'eux.
« Nous avons planifié cette campagne pour soulager les ouvriers responsables du nettoyage d'une partie de leur charge de travail. Nous avons vu qu'il vaut mieux effectuer cette opération à la fin de la journée, après leur départ. Et afin d'inciter d'autres étudiants à se joindre à nous dans cette campagne, nous avons créé un événement sur Facebook », indique Shadi Rachid, étudiant en génie électrique et président actuel du club.

Activisme et engagement
Yusra Bitar, elle, n'est pas membre du Red Oak Club. La jeune étudiante en sciences politiques a décidé de mettre la main à la pâte par « respect » et « par solidarité avec les ouvriers qui travaillent dur et sont sous-payés ». Contente d'avoir pris part à cette campagne, elle confie toutefois : « J'ai découvert que mes collègues à l'AUB sont moins respectueux de leur campus que je ne le pensais. Il a fallu que je participe à cette activité pour le remarquer. Je suis déçue. »
Le club étudiant de gauche est loin d'être à sa première activité. Il a organisé, depuis sa création il y a un an, plusieurs conférences au sein de l'AUB, notamment sur le féminisme, le mariage civil, les causes économiques de la guerre civile ainsi que sur les droits des travailleurs. Il a, par ailleurs, activement protesté contre la hausse des frais universitaires et participé à une série d'actions hors campus telles que le dernier rassemblement en faveur des employées de maison étrangères. Aujourd'hui, il compte une quarantaine de membres, tous actifs, « car pour être admis dans le club, il faut s'engager à y investir de son temps et de son énergie », souligne Aya Adra.

Un étudiant libanais sort de son cocon et explore l’Europe autrement

Parti au mois de septembre en échange académique à l'université de Lund en Suède, Ralph Haiby, étudiant en 3e année d'économie à l'Université américaine de Beyrouth (AUB), en est retourné au mois de janvier la tête remplie d'images, de découvertes, d'émotions et de nouvelles rencontres. Le jeune homme de vingt ans a vécu une expérience universitaire et sociale fort enrichissante dans cette ville de l'extrême sud suédois. Mais pas seulement. Le dynamisme, l'énergie, le courage, la curiosité de l'économiste en herbe et son amour de l'aventure l'ont poussé hors de son cocon de confort, à la découverte d'autres régions en Europe.

En 180 jours, entre ses cours et autres engagements à Lund les premiers mois, puis d'affilée les dernières semaines, empruntant différents types de transport – voiture, bus, bateau, avion –, l'étudiant libanais explore une vingtaine de villes suédoises et européennes telles que Malmö, Helsingborg, Stockholm, Copenhague, Vienne, Budapest, Bratislava, Groningue, Lyon, Gutenberg, Zurich et Francfort.
« Avant mon voyage, j'avais juste deux choses en tête : sortir de mon cocon et revenir avec des histoires à raconter », confie Ralph. Un défi que l'ancien champion libanais de squash relève en entreprenant son voyage sans planification préalable, se laissant emporter par le vent de l'aventure, et choisissant le couchsurfing (littéralement le surf sur le canapé) pour découvrir autrement les bourgs, les villes et les métropoles visités. Ce moyen d'hébergement alternatif basé sur le principe de l'hospitalité permet de voyager en logeant gratuitement chez l'habitant. « Les voyageurs entrent en contact avec des habitants (inconnus) du pays ou de la ville qu'ils souhaitent visiter via une plate-forme Internet », explique Ralph, en précisant que son objectif à lui était de « voyager » et non pas de « faire du tourisme ».
« Quand on loge chez des locaux, on voit la ville selon leur perspective. Si je n'ai pas voulu descendre dans les hôtels, ce n'est donc pas pour des raisons financières, mais pour découvrir la région différemment », souligne-t-il. Une expérience inoubliable pour le jeune homme qui a ainsi dormi au cours de son voyage dans une salle de séjour, dans une cuisine, dans une buanderie, par terre, sur un matelas gonflable et dans un dortoir. « Je décidais la veille, si ce n'est pas le jour même, de ma prochaine destination et je choisissais mon logement sur place », raconte-il.

Ne pas s'enfermer dans une bulle
Lund est considérée comme la deuxième ville universitaire de Suède. « La moyenne d'âge y est de 28 ans. Cette ville offre une vie étudiante intéressante et très dynamique », précise Ralph. Les restaurants, les cafés, les pubs et les clubs de sport sont tenus par des étudiants. « Lorsqu'on travaille dans ces endroits, on n'est pas payé en argent, mais en produits ou en services selon la nature de l'endroit. Par exemple, si un étudiant donne des leçons de squash dans un club, il sera payé en obtenant un accès gratuit aux activités du club », explique le jeune homme.
Loin de se contenter de ses cours à la fac, Ralph profite de son séjour dans la ville suédoise pour y effectuer un stage professionnel tout en travaillant dans un club sportif. « Cela m'a permis de rencontrer un grand nombre de Suédois et de découvrir la culture du pays qui m'a accueilli. Le piège pour les étudiants en échange est de ne pas établir beaucoup de contacts avec les locaux et de rester avec les étudiants internationaux », affirme-t-il.
Dans quelques semaines, Ralph obtiendra sa licence en économie. Le jeune homme, qui compte entamer bientôt sa vie professionnelle, caresse le projet de partir à la découverte de l'Amérique du Sud.
« Il ne faut pas avoir peur de réaliser ce qu'on a envie de faire. Il ne faut pas non plus remettre à plus tard ses rêves. Il faut sortir de la routine, prendre des risques, faire de nouvelles rencontres. Les gens me disent en évoquant mon voyage à travers l'Europe : je n'aurais jamais pu faire ce que tu as fais. Je leur réponds : il suffit de faire un pas et de se dire : je veux sortir de ma bulle. C'est très facile de rester dans son cocon. Le défi serait de le quitter et de faire des choses qui ne sont pas confortables. C'est là où tout commence », conclut-il.

À 18 ans, un étudiant libanais crée une application sauveuse de vies

Victime d'un malaise ou d'un accident ? En situation de danger ? L'application « I'm Not OK » pour Android, développée par George Bahry, jeune étudiant en première année de génie informatique à l'Université de Balamand, alertera les proches de l'utilisateur et leur indiquera l'endroit où il se trouve grâce au système de localisation intégré au portable.
« L'idée m'est venue lorsqu'un ami de mon père, qui a des problèmes cardiaques, lui a demandé, avant son départ seul à la chasse, de l'appeler régulièrement sur son téléphone mobile pour s'assurer qu'il va bien », raconte le jeune homme de 18 ans. Passionné par les ordinateurs et l'informatique depuis sa tendre enfance, l'ingénieur en herbe s'attelle à concrétiser son idée. Un peu plus de trois mois plus tard, en janvier passé, son application « I'm Not OK » est née. Pratique, simple à utiliser et gratuite, elle rencontre immédiatement un vif succès et se retrouve rapidement dans la liste des applications les plus populaires sur Google Play.
« La nouveauté de I'm Not OK est que, contrairement aux applications d'urgence existantes, celle-ci n'exige aucune action de la part de la personne en détresse », souligne George. En effet, en configurant l'application, l'utilisateur ajoute un numéro de téléphone à contacter en cas d'urgence. Il choisit le moyen de communication souhaité : un appel téléphonique ou l'envoi d'un court message. Il définit également un intervalle pour les alarmes compris entre 5 et 90 minutes. « Lorsque l'alarme sonne, l'utilisateur a 30 secondes pour l'éteindre en tapant sur la notification. Sinon, l'application alertera le proche choisi lors de la configuration », explique le jeune étudiant.
Une application intéressante, particulièrement utile pour les personnes ayant des problèmes de santé ou des besoins spéciaux, celles qui exercent des métiers dangereux ou qui sont souvent sur les routes.
Le jeune créateur, qui se tient constamment informé des nouveautés dans le domaine de la technologie, travaille sur la mise à jour et l'ajout de nouvelles fonctionnalités à son application. Il a plusieurs idées à développer en tête, mais « la priorité est actuellement aux études », précise-t-il.

Le Women’s Rights Club de l’AUB, ces étudiant(e)s qui veulent devenir acteur(trice)s du changement

Elle a l'entrain et le dynamisme de ses vingt ans, le discernement et la maturité d'une femme beaucoup plus âgée. Ingrid Kasbah, fondatrice et présidente du Women's Rights Club de l'AUB, a les pieds sur terre et des projets plein la tête, à commencer par le club féministe qu'elle a fondé il y a trois mois au sein de son université. 
« On me demande souvent pourquoi ce club ? La réponse est évidente. Il n'y a pas assez d'éveil quant aux droits des femmes, surtout parmi les étudiants », lance avec vigueur Ingrid. En quelques semaines seulement, la jeune étudiante en génie informatique et de la communication a réussi, avec l'aide d'une poignée de ses camarades, à rassembler des dizaines d'étudiants et d'étudiantes autour de la cause qu'ils défendent.
Parmi leurs premières activités sur le terrain, une opération de sensibilisation à l'égalité hommes-femmes menée au Collège Rafic Harri. « Ce fut une très belle expérience. Très réussie. Les 11-12 ans ciblés par notre initiative étaient très réceptifs », se réjouit Ingrid. Et d'ajouter dans un sourire : « En sortant de l'établissement, nous avons surpris une conversation entre deux élèves. Ils parlaient d'égalité. »
Les membres du Women's Rights Club sont convaincus du « rôle essentiel de l'éducation comme vecteur de changement social ». Et ils sont résolus à tisser des liens et à collaborer avec d'autres acteurs sociaux tels que les organisations non gouvernementales, la Commission nationale des affaires de la femme libanaise et le Comité des droits de la femme avec lesquels ils participent déjà au projet « Lana Hak » (Nous avons le droit) qui encourage la participation active des femmes aux instances de prise de décision.
Libérer l'homme aussi
Le 11 mars, l'événement organisé à l'occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes par le Women's Rights Club, en partenariat avec les autres clubs de l'AUB, et auquel ont participé, outre les étudiants, plusieurs ONG, fut un franc succès. « Chaque club a animé un stand avec, pour thème, un des droits lésés des Libanaises », précise Ingrid qui rêve d'un jour où « nous n'aurons plus besoin de revendiquer nos droits, car ils seront tous acquis ».
Le Women's Rights Club réalise et publie auprès des étudiants un magazine mensuel, « fait main », libre et créatif. La présidente du club conclut : « Quand on lutte contre les stéréotypes qui touchent la femme, on libère l'homme également. On entend toujours : être un homme signifie être fort ; l'homme peut être faible. Le changement de ces idées toutes faites, avec lesquelles on a été élevé, prend du temps, mais il faut le faire. »
Pour en savoir plus sur le club : www.facebook.com/WomensRightsClubAUB

« Organized chaos », ou Beyrouth vue autrement

Des tableaux gais, colorés et frais, signés Marianne Karam, évoquant Beyrouth dans toutes ses contradictions, sont exposés à l'espace créatif multifonctionnel L'Appartement, à Achrafieh.


Le regard que Marianne Karam porte sur Beyrouth est à la fois celui du touriste émerveillé qui découvre la capitale libanaise pour la première fois et de l'émigré nostalgique ému devant un visage ridé sous un tarbouche traditionnel. « J'ai dessiné le Beyrouth que j'ai vu lorsque je suis retournée au Liban, celui qui m'a manqué lorsque j'étais loin », lance la jeune artiste qui a longtemps vécu à l'étranger, notamment au sultanat de Oman, un pays où « les options sont limitées ». « Beyrouth me parle, ses couleurs, ses embouteillages, sa foule, son chaos, ses panneaux d'affichage », poursuit Marianne.
Peintes à la gouache, dessinées avec des feutres ou des crayons japonais, ses représentations, dans le style naïf, sont toutes empreintes de joie et de bonne humeur. « Le Libanais est bombardé de négativité, notamment par les médias. C'est à se demander si on ne veut pas le pousser à haïr son pays », fulmine Marianne qui voit dans « les contradictions de Beyrouth », une multiplicité de choix pour ses habitants et ses visiteurs.
« Organized chaos » est le fruit d'un travail intensif d'environ deux mois que l'artiste a effectué alors qu'elle était en visite à Dubaï. « Lorsque j'ai réalisé le premier tableau de cette collection, je n'avais pas de plan bien déterminé. C'est plus tard que le projet est devenu plus clair », précise l'artiste.
Le pays en images
Marianne Karam, titulaire d'une maîtrise en études multidisciplinaires de l'Université de Buffalo, à New York, se prépare à lancer son deuxième ouvrage intitulé My Lebanon #nofilter. Il s'agit d'un recueil de photos prises par l'artiste à travers le Liban, accompagnées chacune par un commentaire ou un texte explicatif. Ce livre, réalisé dans le même esprit de positivité et d'amour du pays que la collection « Organized chaos », est destiné aux « touristes, aux Libanais vivant à l'étranger et à ceux qui résident au Liban ».
Une tranche de pastèque sous le soleil d'été, des vaches qui se promènent au bord de la mer, des célébrations à Ehden... « Les photos montrent des scènes, des paysages, des situations qui donnent envie de revenir au Liban que la situation sécuritaire y soit bonne ou non », indique Marianne. Elle tient à préciser qu'elle n'est pas photographe professionnelle. « Ces clichés sont pris avec mon portable. Ils racontent des histoires que vos amis peuvent vous répéter pour vous inciter à visiter le Liban. Des choses que les gens ne connaissent pas avant de découvrir le pays du Cèdre et qu'ils gardent en eux lorsqu'ils partent. »
R. A. D.
L'exposition se poursuit jusqu'au 11 avril, à l'espace créatif L'Appartement, rue Nicolas Mrad, quartier Sioufi, à Achrafieh, téléphone : 03/760044.

Ahmad Ghourabi, l’étudiant qui veut faire avancer les droits des femmes


« Tu ne veux pas avoir un vrai partenaire dans la vie ? » C'est ainsi qu'Ahmad Ghourabi, fondateur et président du Women's Rights Club de l'Université libanaise (UL), aborde les droits des femmes avec les jeunes hommes qu'il cherche à conscientiser. « Lorsque je veux sensibiliser mes confrères à la cause féminine, j'essaye toujours de rapprocher le sujet de leur vécu et des situations qu'ils vivent. Et le problème social le plus grave auquel ils font face à cet âge, c'est comment rencontrer et se lier avec la femme de leur vie... », explique-t-il. Pour cet étudiant en master de chimie, 22 ans, originaire de Saïda, notre société patriarcale est dangereuse, non seulement pour les femmes, mais également pour les hommes. « En privant la femme de certaines responsabilités, elle exerce une grande pression sur l'homme. Et cela dans les divers aspects de la vie : économique, social mais également affectif. On attend de l'homme qu'il assure tout, avant et après le mariage. Et avec la mauvaise situation économique actuelle, ce n'est pas facile pour lui », dénonce le jeune étudiant qui raconte s'être intéressé à la chimie après avoir vu son rêve d'intégrer l'École militaire voler en éclats « malgré ses bons résultats scolaires », car il n'avait pas « de piston politique ».
Les racines du militantisme d'Ahmad pour les droits des femmes remontent à loin. Le jeune homme confie que « son amour pour ses trois sœurs », beaucoup plus âgées que lui, a constitué un facteur déterminant dans sa volonté de défendre les femmes et leurs droits.
La naissance du Women's Rights Club
« Pour faire avancer la cause des femmes et atteindre une meilleure justice sociale, il faut cibler les jeunes, ce sont les clés du changement », affirme Ahmad qui, parallèlement à ses études en chimie, donne des leçons particulières aux étudiants des classes terminales. Et pour toucher les jeunes, quel meilleur endroit que l'université ? Le jeune militant en est conscient. Au mois de novembre 2014, et après deux longs mois et maintes difficultés pour obtenir l'autorisation, il réussit à créer dans sa faculté à Hadath le Women's Rights Club, premier club pour les droits des femmes à l'UL. « La naissance de notre club n'a pas été facile. "Choisissez un sujet un peu plus décent", nous a-t-on dit au début. Et dernièrement, on nous a poussés à annuler une activité prévue au sein de la fac pour soutenir la participation politique de la femme », dénonce Ahmad.
Le Women's Rights Club – dont le principal objectif est de conscientiser et sensibiliser la jeunesse libanaise sur « le respect de la femme » et « l'importance de ses droits » – a commencé ses activités sur le terrain en animant des débats estudiantins sur différents sujets sociaux. Une approche interactive qui a permis aux membres du club de déconstruire les stéréotypes et de changer les perceptions erronées. « Nous avons réalisé que de nombreuses filles ne connaissent pas leurs droits », révèle Ahmad, avant d'évoquer, à titre d'exemple, les jeunes étudiantes qui rêvent d'un mari « aisé financièrement, qui a réussi dans la vie » au lieu d'envisager leur propre réussite professionnelle et sociale.
Actuellement, l'association estudiantine qui réunit 22 membres, filles et garçons, de différentes confessions et appartenances, participe, avec la Commission nationale des affaires de la femme libanaise, au projet « Lana Hak » (On a le droit). Une initiative qui soutient la participation active des femmes aux instances de prise de décision. « Nous suivons également des ateliers formatifs avec l'ONG Abaad et le Comité des droits de la femme libanaise qui nous soutiennent », précise Ahmad, qui a déjà participé à de multiples conférences autour des droits des femmes, au Liban, mais également en Jordanie, au Kurdistan iranien et en Turquie.
Pour conclure, le jeune militant insiste sur l'importance d'adopter une approche inclusive dans la lutte pour les droits des femmes. « Les problèmes des femmes au Liban ne seront pas résolus sans la participation des hommes, en tant que partenaires du problème et des solutions. Toute initiative qui ne prend pas cela en considération sera vouée à l'échec », affirme-t-il.
Pour en savoir plus sur le Women's Rights Club de l'UL : www.facebook.com/women.club.ul? fref=ts.

Les femmes écartées de la direction des principales universités au Liban


Zéro. C'est le nombre de femmes à la tête des principales universités libanaises. En 2014. Un constat désastreux. Une situation désolante qui ne se limite pas au Liban, comme l'a montré le colloque international « Femmes universitaires, femmes de pouvoir ? » organisé par l'AUF à Dakar (Sénégal) les 13 et 14 novembre. Rencontre au cours de laquelle 25 intervenants, dont 24 femmes, issus de 15 pays, ont débattu devant près de 200 personnes des causes de la sous-représentation des femmes aux postes de pouvoir dans les universités.

« Nous aurions pu penser que le milieu de l'enseignement supérieur et de la recherche, haut lieu académique, de science et de culture, serait égalitaire. Malheureusement, les chiffres qui ont été égrenés par les intervenantes et intervenants, tout au long de ces deux jours, montrent clairement que, loin d'être un milieu qui prône l'égalité de genre, les universités sont, tous pays et disciplines confondus, un espace de discrimination pour les femmes. Les chiffres mettent en lumière un monde universitaire profondément discriminatoire, et c'est simplement l'ampleur du phénomène et ses spécificités qui changent d'un pays à un autre », déplore Leila Saadé, coordonnatrice du Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche.

Le réseau, mis en place par l'AUF en mars 2014 et dirigé par Mme Saadé, vise à améliorer l'accès des femmes universitaires aux postes de responsabilité. Il est ouvert aux académiciennes, enseignantes et chercheuses de l'Afrique, du Maghreb, du Moyen-Orient, de l'Europe et du continent américain. « Nous voulons, à travers le Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche, créer une solidarité entre les femmes universitaires, les mobiliser pour faire avancer la cause de l'égalité hommes-femmes et les encourager à braver l'hostilité en leur donnant les moyens d'abattre les obstacles sur le chemin de l'égalité », explique Leila Saadé qui a fondé en 1996 et dirigé pendant 15 ans la filière francophone de droit au Liban, et qui fut la doyenne de l'École doctorale de droit et des sciences politiques, administratives et économiques de l'UL pendant plus de six ans. Et de poursuivre : « Notre objectif est également d'assurer une formation aux femmes universitaires qui voudraient s'investir dans les établissements académiques et de recherche. Formation qui leur permettra de découvrir leur potentiel et les compétences dont elles sont porteuses et d'utiliser les outils dans l'exercice de leurs futures responsabilités. »

Les recommandations du colloque
Pour promouvoir l'égalité de genre dans l'enseignement supérieur et la recherche, la coordinatrice du Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche a proposé à l'AUF d'introduire dans les chartes d'adhésion à l'agence et dans les conventions qu'elle signe avec les universités membres un article sur l'égalité hommes-femmes. « Et même au-delà, l'AUF peut conditionner son soutien à ces institutions à l'évolution de la place de la femme dans leurs instances dirigeantes », recommande Leila Saadé, qui est aussi présidente de l'École doctorale de droit du Moyen-Orient.

Au terme du colloque, les participantes et les participants ont adressé les recommandations suivantes aux chefs d'État et de gouvernement de la Francophonie pour favoriser l'égal accès aux responsabilités dans le milieu universitaire : former les responsables politiques et les cadres de la fonction publique à l'égalité femmes-hommes ; doter les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Recherche d'une Direction sur l'égalité femmes-hommes ; mettre en place un observatoire de l'égalité femmes-hommes au sein de chaque université; nommer un(e) référent(e) genre dans les universités; soutenir financièrement la sensibilisation à l'égalité femmes-hommes à tous les niveaux et dans toutes les disciplines par la mise en place de modules de formation ; légiférer pour assurer la parité au sein des instances dirigeantes des établissements universitaires et de recherche; financer les travaux de recherche pour produire des données scientifiques sur la situation des femmes dans l'enseignement supérieur et la recherche ; assortir tous les projets de recherche d'une dimension « égalité » ; créer un répertoire de bonnes pratiques sur la parité dans les universités ; rendre obligatoire la prévention et la lutte contre le sexisme et les violences sexuelles par la création d'un bureau de lutte contre le harcèlement sexuel au sein des universités.

Des recommandations ont été également émises à l'adresse de l'AUF : consolider et renforcer le Réseau francophone des femmes responsables dans l'enseignement supérieur et la recherche ; créer un prix pour les meilleurs travaux pour les femmes scientifiques ; introduire un article sur l'égalité femmes-hommes dans la charte d'adhésion à l'agence ; créer une revue scientifique de haut niveau et de référence dans l'espace francophone; créer un label « égalité » pour les universités.