Article paru sur le site de Talents Libanais : Roula Azar Douglas, écrire pour briser le silence

Roula Azar Douglas est écrivain, journaliste à L’Orient-Le Jour, enseignante à l’Université libanaise et activiste pour les droits des femmes.  Talents Libanais l’a rencontrée à quelques jours de sa participation prévue  aux Journées du Liban à Paris*, prévue le samedi 19 mars  à 15h30.

Vous présenterez à Paris votre livre « Chez nous, c’était le silence » publié aux éditions Dergham en 2008 et traduit en arabe en 2009. Pouvez-vous nous en parler ?
Ce livre, je l’ai écrit d’une manière spontanée si on peut dire. C’est ce qui explique en partie sa forme linéaire, non retouchée. Inspiré d’une histoire vraie, il puise son essence dans le vécu d’une femme que j’ai connue à Beyrouth il y a des années. Pourquoi vouloir raconter le calvaire de cette mère de famille libanaise mariée à un homme violent et manipulateur ? Pour dénoncer la violence conjugale évidemment. Mais également pour lui rendre, en quelque sorte, hommage.
Dans « Chez nous, c’était le silence », le lecteur entrevoit une partie de la vie de Ghada (l’héroïne) mariée très jeune à un pervers narcissique et en toile de fond, des bribes de la guerre civile qui faisait rage à cette époque au pays du Cèdre .
Pour moi, la forme est également très importante. Pour décrire et mettre en lumière l’horreur de la violence domestique, j’ai opté pour un style simple, des mots courants et concis, une écriture journalistique.

Vous précisez que dans « Chez nous, c’était le silence » se mêlent réalité et fiction. Quelle part allouez-vous dans votre ouvrage à la fiction et pourquoi ?
Et imaginant, dans la seconde partie du livre, une autre issue à la vie de Ghada, j’ai voulu donner aux femmes qui vivent cette violence, l’envie de se battre, de se prendre en main, de changer leur destin. Dans des sociétés comme les nôtres où les gens, en grande partie, croient ferme que les moindres détails de leurs quotidiens émanent de la volonté de Dieu, il est important de dire aux victimes des violences conjugales qu’elles peuvent reconquérir leur vie.

Votre deuxième roman est prévu pour 2016. Pourquoi écrivez-vous ? 
L’écriture m’est vitale. Écrire me permet d’entrer en contact avec mon moi le plus profond, de le cerner et de le comprendre. C’est ma manière de réfléchir et de vivre ma vie. Mais au-delà de l’introspection, c’est à travers l’écriture que je me situe par rapport au monde. Par ailleurs, j’écris pour être lue. J’écris pour toucher, pour provoquer une réflexion, pour contribuer au changement… Ainsi, je prends ma plume pour défendre les valeurs de la dignité humaine, de la démocratie, de l’égalité, de la liberté, de la tolérance et de la justice sociale.
En tant que journaliste, responsable d’une page consacrée à l’actualité universitaire au Liban, j’écris pour informer mais également j’écris pour encourager, pour soutenir, pour mettre en lumière des jeunes qui ont du talent, qui prennent des responsabilités, qui s’engagent dans des actions sociales ou culturelles.
* Les Journées du Liban sont prévues du 18 au 20 mars, à Paris, au Halle des Blancs manteaux, 48 rue du Temple.

La Medical Student Association, ou quand les étudiants en médecine tendent la main à la communauté

Nadia Haddad, la dynamique présidente de la MSA.
Un asile pour personnes âgées. Plus de deux cents résidents. Des femmes et des hommes dont certains ont le triste sentiment de vivre le temps qui leur reste en marge de la vie. Et, de l'autre côté, de jeunes étudiants en médecine, au début du chemin, qui ont décidé de libérer un moment dans leur emploi du temps très chargé pour aller vers les autres, tendre la main aux plus faibles et leur donner un peu de chaleur et d'humanité. « Au sein de la Medical Student Association de la LAU (MSA), nous avons créé cette année un nouveau comité, le comité des affaires extérieures, dont l'objectif est d'agir concrètement au sein de la société, de changer les choses, de contribuer à un monde meilleur et de partager avec les membres de notre communauté une partie des fonds générés par les différentes activités que nous organisons », explique Nadia Haddad, étudiante en 5e année de médecine (Med 2) et dynamique présidente de la MSA depuis octobre 2015. Les futurs médecins ont ainsi visité, au mois de décembre, une maison de retraite à Hboub, les bras chargés de pâtisseries payées avec les bénéfices de la fête de Halloween que le comité social de la MSA a organisée au mois de novembre. « On leur a apporté des gâteaux et du jus. Mais le plus important, c'est le temps que nous avons passé avec eux », poursuit Nadia avec enthousiasme. Les aînés et les jeunes étudiants ont dansé et chanté ensemble. Et, pendant quelques heures, la distance générationnelle et toutes les différences se sont effacées.
Dans le même esprit, seize familles dans le besoin ont reçu la visite des étudiants chargés de paniers de denrées, de couvertures, d'appareils de chauffage. « Nous avions également offert des cadeaux aux enfants. C'était durant les fêtes de fin d'année et nous voulions répandre l'esprit de Noël », précise Nadia. Une initiative qui s'est concrétisée grâce aux fonds collectés lors du concert de Noël « qui a rassemblé 250 personnes dont le président de la LAU et le doyen de la faculté de médecine ». Également organisé par le comité social, le concert fut animé avec joie par des étudiants, résidents et médecins qui ont des talents artistiques : danse, chant, maîtrise d'un instrument de musique... « Nous avons choisi d'aider des familles de Byblos. Il était naturel pour nous de s'intéresser d'abord aux plus proches pour éventuellement aller plus loin plus tard », ajoute Nadia. Engagée et généreuse, la jeune étudiante a consacré une grande partie de son temps et de son énergie à faire de la MSA ce qu'elle est devenue aujourd'hui. « Donner sans rien attendre en retour. C'est ce que moi et tous les membres du conseil avons essayé de faire cette année. Et le sentiment est merveilleux », confie-t-elle.


Construire des médecins responsables
La MSA, établie à la LAU en 2011, rassemble aujourd'hui quelque 200 étudiants en médecine. « L'objectif de notre association, qui est une section de l'American Medical Student Association (AMSA), est de former des médecins responsables. Des médecins qui veulent innover, changer, améliorer et soutenir leur communauté », souligne Nadia. Et d'insister : « Nous n'attendrons pas de devenir médecins pour contribuer au changement. »
La MSA est dirigée par un conseil composé de onze membres, des étudiants en 4e et 5e année de médecine. Elle est composée de huit comités, dont le comité social et celui des affaires extérieures. « Le comité du Diagnostic Medical Day est responsable de l'organisation de la Journée du diagnostic médical. Il s'agit d'une compétition annuelle limitée à l'origine aux étudiants de la LAU ; nous l'avons ouverte cette année aux étudiants en médecine des autres universités libanaises. Lors de ce concours, les étudiants, répartis en groupes, doivent établir un diagnostic dans le cas d'un patient virtuel avec lequel ils communiquent via Skype. Chacun des groupes présentera les résultats de ses analyses devant un jury qui sélectionnera le groupe lauréat. Les prix que nous offrons sont respectivement de 1 200, 800 et 400 dollars américains », indique Nadia.
Le comité du Medical Awareness, lui, a pour objectif de sensibiliser la population aux questions médicales. Les campagnes sont organisées sur le campus de la LAU. « Lors de la dernière journée de sensibilisation, organisée au mois de novembre, nous avons accueilli 150 personnes. Nous avons mesuré le taux de glucose dans le sang et la tension artérielle des visiteurs, et leur avons expliqué tout sur le diabète, les traitements et les risques qui y sont liés », souligne Nadia.
Par ailleurs, la communication avec le public est très importante pour la MSA. « Notre comité média est très actif sur les réseaux sociaux. C'est lui également qui crée nos affiches », souligne Nadia, qui ajoute : « Sans oublier le comité MedNashra en charge de notre journal médical qui rencontre un grand succès en ligne. »
Après des études en médecine générale à la LAU, « la plupart des étudiants ambitionnent de se spécialiser aux États-Unis », confie la jeune présidente. Mais pour être acceptés dans les facultés américaines, ces jeunes médecins doivent réussir le très difficile United States Medical Licensing Examination (USMLE). « D'où l'importance de notre comité du USMLE qui organise des sessions de préparation ouvertes aux étudiants. »
Dernière activité réussie de cette très énergique association : le dîner de gala, événement -phare pour la collecte des fonds, organisé par le comité de financement de la MSA le 19 février au Four Seaons Hotel à Beyrouth et qui a rassemblé une foule d'étudiants en médecine, de professeurs, de membres du personnel universitaire, de résidents et de médecins. « Ils sont tous venus pour soutenir l'École de médecine et applaudir la MSA pour ses activités au cours de cette année. Cette magnifique soirée servira, entre autres, à venir en aide à de petits orphelins », ajoute Nadia. Et de conclure : « La MSA m'a changée. Elle a fait sortir le meilleur de moi-même. J'espère que les étudiants qui prendront la relève l'année prochaine garderont le flambeau allumé. »


Nadia Haddad, la dynamique présidente de la MSA, lors du dîner de gala de l’association organisé à l’hôtel Four Seasons à Beyrouth le 19 février.