Une enseignante libanaise récompensée à Prague

Youssr Mokhtar Chediac est rentrée de la République tchèque, début décembre, fière et heureuse. La méthode éducative qu’elle a développée, et adoptée dans sa propre classe, intitulée en arabe « Warak warak », a remporté le troisième prix au Forum mondial des enseignants innovants de Microsoft dans la catégorie « Construction de connaissances et esprit critique ». Plus d’une centaine d’éducateurs – dont la lauréate libanaise –, sélectionnés à l’issu de compétitions locales et régionales, ont concouru dans six catégories distinctes. Les enseignants, de différentes nationalités et de différents horizons académiques, ont présenté chacun son projet éducatif devant plus de cinq cents éducateurs, directeurs d’école et autres professionnels de l’éducation venus des quatre coins du globe. « C’est la première fois au Forum mondial des enseignants innovants qu’un Libanais gagne à titre individuel un prix d’excellence », souligne Youssr.
L’éducatrice récompensée – licenciée en biologie de la LAU – est enseignante de sciences à l’école publique Gebran Andraos Tuéni depuis 2004. Son projet éducatif, primé au préalable au Forum des enseignants innovants tenu au Maroc au mois de septembre passé, comprend trois étapes. « La construction de connaissances et le développement de compétences à travers différentes activités d’apprentissage constituent la première phase. La deuxième implique l’établissement de collaborations entre les étudiants, avec des élèves de l’extérieur de la classe, avec d’autres enseignants, des experts et la communauté. La troisième phase porte sur la création d’un réseau de transfert de connaissances qui va au-delà de la classe », explique la lauréate libanaise, qui ajoute : « On ne peut pas éduquer les leaders de demain avec les outils et les méthodes du passé. En tant qu’enseignants, nous devons continuer à améliorer nos pratiques d’enseignement. » 



La participation des étudiants
Pour publier sa méthode sur l’Internet et communiquer autour de son projet, l’enseignante sollicite l’aide de deux élèves, Ali Dayekh et Abdallah Faraj. Aujourd’hui en terminale, les deux étudiants étaient en classe de seconde au lancement du projet en 2010. « Je me suis occupé de la construction du site Web », affirme Ali, qui précise que l’objectif est d’informer les internautes sur « Warak warak » d’une manière simple mais avec exactitude. Abdallah, quant à lui, a créé et gère la page Facebook et le compte Twitter du projet. « Je suis ravi des réactions sur les réseaux sociaux. Les étudiants n’hésitent pas à publier en grand nombre sur notre page et à aimer et commenter nos publications. Cela nous motive et nous encourage à continuer et aller de l’avant », confie-t-il.
La communication autour de la méthode développée par Youssr est importante. « Puisque “Warak warak” a gagné un prix d’excellence, pour des années à venir, des images et des vidéoclips, expliquant la méthode et donnant parfois la parole aux étudiants, seront diffusés dans le monde entier, à travers les publications du Forum mondial des enseignants innovants et sur le Web », précise l’enseignante.
Sur un autre registre, Youssr Chediac a été récompensée au Maroc pour un deuxième projet qu’elle a élaboré en collaboration avec d’autres enseignants de la région et qui porte sur la sauvegarde des monuments historiques. Un projet collectif dans lequel l’enseignante a impliqué ses étudiants à l’école Gebran Andraos Tuéni qui ont été nombreux à partager leurs idées et points de vue sur la préservation des monuments. « J’ai, par ailleurs, emmené dans mes bagages, à Prague, des cartes postales représentant différentes régions du Liban et portant au verso des messages écrits par mes élèves. Des cartes que j’ai données à mes collègues afin qu’ils les transmettent, une fois de retour dans leur pays, à leurs propres étudiants », raconte Youssr.

Créer des ponts pour l’avenir
Samedi 12 janvier. Une journée ordinaire à l’école secondaire Gebran Andraos Tuéni. La cloche sonne. Youssr Chediac entre dans la classe de première B, les étudiants se lèvent. Ils sont vingt-cinq garçons et filles. Certains ont 14 ans à peine. D’autres ont dépassé les 18 ans. Enthousiastes, ils commentent, à la demande de leur enseignante, leur récente visite à l’Université américaine de science et de technologie (AUST), organisée dans le cadre de la phase trois du projet « Warak warak ». Objectif de cette visite : suivre un atelier animé par des étudiants en licence de mathématiques sur les applications d’Excel au quotidien.
« Ce que j’ai aimé le plus de cette expérience, c’est qu’elle nous a permis de faire un saut dans l’avenir et d’entrevoir l’université », indique Rawan, 17 ans. Iman, 19 ans, affirme : « Au début, j’appréhendais cette formation, mais la patience des étudiants de l’AUST a fini par payer... L’impact de cette expérience est énorme sur la confiance que j’ai en moi-même. » Les élèves sont unanimes à reconnaître que l’attitude ouverte des étudiants de l’AUST a facilité leur apprentissage. Ils trouvent cette expérience édifiante. « Elle nous a permis de sortir hors des quatre murs de notre classe », « Elle nous a ouvert de nouveaux horizons », « Nous avons appris une nouvelle approche vis-à-vis de tout projet », « J’ai compris que rien n’est inaccessible », « Nous avons réalisé que nous avons un potentiel non exploré à exploiter »...
Des visages joyeux, des voix excitées, un enthousiasme sincère que le projet de l’enseignante a généré et qu’elle a pu montrer au monde entier grâce à son prix.

Deux étudiantes libanaises sur un podium américain

Mélissa el-Debs et Caroline Der-Nigoghossian.
Uniques participantes en dehors des États-Unis, elles remportent le troisième prix dans la fameuse Clinical Skills Competition (CSC), un concours basé sur une analyse interactive de scénarios cliniques, organisé annuellement au mois de décembre par la Société américaine des pharmaciens de système de santé (ASHP). Mélissa el-Debs et Caroline Der-Nigoghossian, étudiantes en doctorat en pharmacie à la LAU, ont réussi à se distinguer dans ce concours – tenu à Las Vegas – impliquant 240 étudiants issus de différentes facultés et écoles de pharmacie américaines. « La LAU est l’unique université en dehors des États-Unis à offrir un programme de pharmacie accrédité par le Conseil d’accréditation pour l’éducation de pharmacie (ACPE). C’est ce qui nous a permis de participer à la CSC », explique Caroline.
Le défi relevé par les deux pharmaciennes en devenir consistait à étudier un cas psychiatrique et à proposer un plan de traitement. « Le jury nous a demandé d’analyser le cas d’un patient souffrant de schizophrénie, de dépression et d’autres complications comorbides. L’homme avait également développé une résistance à de nombreux médicaments », précise Mélissa, qui poursuit : « Il nous fallait trouver le meilleur traitement tout en prenant en considération d’autres facteurs tels que l’absence d’assurance médicale. » 

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Leurs « qualifications exceptionnelles » – les mots sont ceux du doyen de la faculté de pharmacie à la LAU, le Dr Pierre Zalloua –, leur grande motivation et une préparation intense et assidue ont permis aux jeunes étudiantes libanaises de se hisser parmi les dix finalistes et d’occuper la troisième place. Le stage qu’elles ont complété à l’Hôpital méthodiste de Houston, au Texas, dans le cadre de leurs études en doctorat, leur a également été très bénéfique. « Nos professeurs à l’université et nos précepteurs à l’Hôpital méthodiste de Houston nous ont aidées à nous préparer. Mais pour être honnête, j’avoue que nous ne nous attendions pas à ce résultat », souligne Caroline. Mélissa acquiesce : « Avant la compétition, nous avons regardé des vidéos de l’édition passée et nous nous sommes rendu compte des difficultés des cas présentés par le jury. »
Les deux jeunes étudiantes avaient déjà remporté un concours local organisé au mois d’octobre à la LAU pour désigner les participants à la compétition américaine.
À 23 ans et à quelques mois de l’obtention du doctorat, Mélissa et Caroline ambitionnent de parfaire leur formation à l’étranger pour « éventuellement revenir au Liban et faire profiter des concitoyens de notre savoir dans le domaine ».
Mélissa conclut : « Cette expérience nous a permis de donner une bonne image non seulement de notre université, mais également des étudiants libanais et du Liban. »

Anna-Rita Bassil, une étudiante peu ordinaire

Anna-Rita, à la signature de "Neuf"

Anna-Rita Bassil est une étudiante épanouie et motivée en deuxième année de psychologie à l’Université libanaise, campus de Fanar. L’étude des caractères et des comportements humains n’était pourtant pas son premier choix de filière. « J’ai commencé par étudier la gestion commerciale... Mais c’est dans la psychologie que je me suis retrouvée », confie-t-elle. La psychologie qu’elle ne voit pas comme une profession qu’elle exercerait à l’avenir mais plutôt comme une découverte et une exploration qui l’enrichiraient. « Ce n’est pas le métier de psychologue qui m’intéresse », répète-t-elle, avant d’expliquer : « Ce qui m’attire dans ce domaine, c’est la recherche, les théories de Freud, de Lacan et d’autres grands noms de la psychologie. »
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Inspiration et imagination
Ses études en psychologie ont stimulé et « épicé » son imagination, et l’ont poussée à écrire Neuf, roman que la jeune fille a signé au Salon du livre de Beyrouth au mois de novembre passé. « Dans ce livre, j’aborde le sujet délicat des séquelles psychiques de l’avortement et de la grossesse nerveuse. Un sujet encore tabou dans notre société dont il faut parler, surtout auprès des femmes qui, souvent, souffrent sans comprendre la cause de la douleur qui les ronge. Pour l’avortement, même s’il n’est pas accepté par notre société, il serait naïf de croire qu’il n’a pas lieu en secret. D’où la nécessité d’en parler », affirme la jeune fille originaire de Fidar, dans le caza de Jbeil.

Neuf n’est pas le premier ouvrage d’Anna-Rita. « À 21 ans, j’ai voulu ajouter mon propre livre à ma bibliothèque. J’ai alors écrit Éclipse de lune, roman d’inspiration autobiographique, que j’ai publié en 2009 à l’âge de 24 ans, à compte d’auteur, tout comme Neuf cette année. » Pourquoi avoir opté pour cette formule d’édition ? Anna-Rita répond avec candeur : « Cela m’a permis d’être seule en charge de toutes les étapes de la création de mon livre. Mais avec un risque plus élevé d’erreurs non corrigées dans le texte. »

À l’ère du copier-coller, le message que la jeune fille lance, en conclusion, aux jeunes a une signification particulière. « Utilisez votre imagination, leur dit-elle. Seule l’imagination est libre. »