Il s’appelait Mariam

Lorsque je l’ai rencontré dans un café à Gemmayzé, il arborait un sourire calme. Son visage, sérieux et barbu, était serein. Ses cheveux drus, coupés très courts, avaient les mêmes reflets que ses yeux ténébreux. Direct, confiant, sûr de lui-même, le jeune homme de 21 ans donnait l’impression de savoir exactement ce qu’il voulait dans la vie.
Nous aurions pu parler des difficultés qu’il a rencontrées, lui issu « d’une famille défavorisée », à poursuivre ses études dans une université privée à Beyrouth, ou de ses rêves « d’ouvrir son propre restaurant dans une dizaine d’années ». 

« Je suis né fille », lance-t-il tout de go. Un premier enfant. Deux sœurs viendront compléter la famille. « J’étais heureux jusqu’à l’âge de 9 ans », se souvient-il. Sa puberté, précoce, le met face à un corps dont il ne veut pas et à une identité qu’il ne se reconnaît pas. William raconte ses « souffrances », son grand « malaise » et ses « difficultés d’être », qui l’accompagnent dès lors et jusqu’à l’âge de dix-sept ans. « Je me rappelle très bien le moment du déclic. Je regardais l’émission américaine “Oprah” à la télé. Sur le plateau, un invité raconte son histoire. » Accroché(e) à ses lèvres, l’adolescent(e) qu’il était se reconnaît dans les propos de cet homme. « Quel soulagement ! J’ai pu mettre un mot sur ce que je suis : un transsexuel », poursuit-il. Il se rue sur Internet et tombe, au cours de ses recherches, sur un témoignage qui lui « montre qu’il y avait une lueur d’espoir ». « Bien que j’aie su ce jour-là qui je suis, j’ai décidé de ne pas en parler dans la famille. Il y avait déjà assez de problèmes entre mes parents », confie-t-il.
Ce n’est que deux ans plus tard – il se rappelle la date exacte – qu’il se résout à en parler avec sa mère. « Elle était dans la cuisine en train de rouler des feuilles de vigne. Je lui dis sur le pas de la porte : “Maman, je suis un homme”. » Sa mère est en état de choc. C’est la crise à la maison. Un ami lui parle de l’association Nassawiya et lui recommande de la contacter. « Là-bas, on m’a parfaitement compris. Je ne m’attendais pas du tout au soutien qu’on m’a accordé. ».
Un mois plus tard, William quitte la maison. Ce ne fut pas facile, « surtout au début ». S’ensuivent des menaces de son père, des altercations avec des membres de la famille, des tentatives de réconciliation avec sa mère, mais aussi des cours en communication à la LAU et un premier travail dans une boutique de vêtements.
Aujourd’hui, William se dit heureux. Il travaille comme superviseur dans un pub et effectue des traductions en ligne. Et s’il a régulièrement des injections de testostérone et qu’il a connu une mastectomie, il n’a pas encore subi d’opération de changement de sexe.
Pourquoi a-il accepté de partager son histoire ? « Car chaque matin, je me réveille avec l’envie de commencer ma journée. Je suis heureux d’être moi-même. J’ai pu trouver le bonheur que les gens recherchent toute leur vie. C’est le message que je veux transmettre. » 

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